samedi 26 février 2011 - par Gabale

Les affiches, ces reflets de nous-mêmes

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Connais-toi toi-même et tu sauras pour qui tu votes

Une polémique fait rage au sujet d’une affiche placardée ces derniers jours par le Mouvement des Jeunes socialistes (MJS).

On y voit un vieux cliché de Nicolas Sarkozy (au demeurant archi connu sur Internet) tendant le bras.

L’affiche suggère mais ne dit et n’affirme rien.

Avec un peu (juste un peu) de mauvaise foi, j’y vois pour ma part Sarkozy en train d’exécuter le salut olympique dans la droite ligne du bataillon de Joinville.

Mais le secrétaire général de l’UMP, l’inénarrable Jean-François Copé, a un avis différent du mien et que je respecte.

Pour lui, il n’y a aucun doute : le président de la République est ici assimilé à Hitler. Pas moins.

Il est secondé en cela par le CRIF aux indignations très sélectives.

Rappelons au passage que cette organisation confessionnelle droitière a fermé sa grande gueule quand par exemple l’UMP Arno Klarsfled (Conseiller d’Etat en France depuis octobre 2010 par la grâce de Sarkozy) a servi dans une armée d’occupation à l’étranger comme garde-chiourme.

Enfin bon… passons…

Les grandes orgues donc jouent à plein régime pour dénoncer le néant…

Au fait, pourquoi d’ailleurs toujours s’en référer au dictateur de l’Allemagne nazie ?

En effet, n’oublions pas que très nombreux bras se sont tendus en France sous l’Occupation.

Pourquoi dès lors s’en référer systématiquement à nos voisins d’outre Rhin ?

Bordel ! Nous avons nos références droitières hexagonales : Marcel Bucard, Joseph Darnand, Philippe Henriot et tous ceux qui, autour du Maréchal Pétain, avaient une idée toute relative des libertés publiques.

Et l’identité nationale nom de Dieu ? On en fait quoi ? Vous savez, ce « machin conceptuel » dont Copé et ses amis nous ont abreuvés jusqu’à plus soif ?

Ceci dit, je concède volontiers que l’affiche n’est pas des plus heureuses.

Elle est même assez nulle, mais elle n’en demeure pas moins habile car sa force tient à ce qu’elle montre et non à ce qu’elle affirme explicitement.

Sa force réside précisément dans le fait que Jean-François Copé (et Benjamin Lancar à titre accessoire) se sent aujourd’hui obligé de la monter en épingle alors qu’il y a des images de Sarkozy bien plus cruelles qui circulent sur le net depuis des années (il suffit d’aller zieuter du côté de l’ami Sarkophage qui anime depuis 2005 le blog Sarkostique ou du côté de Tropicalboy, le roi du fake politique).

Affiches MJS placardées en février 2011

Ce qui est « curieux », c’est que les médias se montrent beaucoup moins prolixes au sujet des affiches placardées ces derniers jours par l’UMP.

Là, il n’y a pas d’image. Mais du slogan.

De l’explicite donc, qui n’est pas sujet à de l’interprétation à outrance.

Il suffit de lire.

Affiches UMP février 2011

Dans cette campagne, le PS est ravalé à un troupeau d’ambitieux laxistes qui fait le jeu du FN et des fraudeurs (étant entendu que l’UMP est l’exact contraire ; c’est bien connu).

Ces affiches sont dans la droite ligne du discours traditionnel de l’UMP. D’autres « thématiques » sont possibles. Par exemple : « Le PS est du côté des criminels, l’UMP du côté des victimes. »

Mais là, point de polémique. Ca passe. Dans le silence des grands médias.

Affiches UMP février 2011

Bref, cette polémique est dérisoire, d’autant plus que ces affiches s’inscrivent dans une longue tradition de propagande (aujourd’hui, on préfère parler de « communication politique » ; ça fait plus chic).

Souvent, l’excès et la caricature ont été des fils conducteurs.

Tenez au début des années 1980 : Tonton lévitait avec la force tranquille.

Campagne présidentielle 1981

Dès que les premiers tournants de la Rigueur se sont faits sentir, les officines de droite ne l’avaient pas loupé.

Réponse du berger à la bergère

En janvier 1986, pour les législatives, en réponse à la campagne « Vivement demain » du RPR, le PS s’était essayé à la caricature, avec un loup inspiré de Tex Avery, en costume-cravate et toutes dents dehors.

Comme le souligne Alexandre Borrell (in Parlement[s], Revue d’histoire politique, 2009/3 n° HS 5) :

« C’est l’affiche de la campagne qui semble avoir été la mieux mémorisée et attribuée. Le texte, ironique, met en garde contre les projets de l’opposition : « Dis-moi, jolie droite, pourquoi as-tu de si grandes dents ? » Sans doute s’agit-il de moquer l’ambition des responsables de l’opposition. En outre, par un raccourci sémantique, le PS assimile la droite au libéralisme économique et donc à la loi du marché, considérée par certains comme la loi du plus fort et qu’illustre la maxime héritée de Hobbes. »

Campagne PS 1986

Malgré l’impact de cette campagne, ça n’a pas empêché le PS de prendre une veste en 1986.

Sauf erreur de ma part, et si mes souvenirs ne me font pas défaut, la victoire de la droite avait fait beaucoup jaser.

Malgré la caricature dont il avait fait l’objet, le loup avait vaincu un temps… jusqu’aux revers de la première cohabitation.

La présidentielle de 1988 a ensuite changé la donne.

D’où l’affiche suivante.

Affiche PS 1988

En 1988, la campagne fut violente. Aux affiches « club med » et teint hâlé…

Campagne 1988 RPR

… d’autres affiches ont répondu par la caricature (à noter que François Mitterrand s’était opposé à ce que l’affiche de « Jacques le menteur » fasse l’objet d’une large diffusion ; certains militants socialistes n’ont pas résisté à la placarder sur les murs ; j’en ai fait partie).

Campagne présidentielle 1988 PS

Mais de l’autre côté, ce n’était pas mieux. A la « Génération Mitterrand » en mode « France Unie »…

Campagne présidentielle 1988 PS

… le RPR et son officine étudiante (L’UNI) avaient répliqué. « Génération Charentaises ». Gérontophilie socialiste contre jeunisme ultralibéral chiraquien.

 

Campagne présidentielle 1988 RPR et/ou UNI

Et que dire alors de cette campagne très « tontonienne » de 1991 parasitée par l’autocollant « La Merde » ( © RPR ) ? De la philosophie peut-être ?

Affiche PS et réaction de la droite

Après ce petit tour d’horizon, que peut-on conclure ?

  1. Il est toujours difficile de mesurer l’impact d’une affiche d’autant plus que les enquêtes d’opinion déforment également les réalités. Le fait est qu’on apprécie une image en fonction de son propre engagement partisan ou alors de ses propres sympathies (si on ne milite pas dans une organisation politique).
  2. Le marketing imprègne tellement la propagande (oups ! je voulais dire « la communication politique ») qu’il devient difficile de distinguer l’un de l’autre.
  3. Il convient de rappeler que dans l’entourage des candidats, conseillers militants et conseillers publicitaires, mus par des logiques différentes, se livrent souvent un combat acharné qui, tantôt débouche sur la victoire des uns sur les autres, tantôt aboutit à des compromis ou à des demi-mesures qui brouillent l’image de l’homme livré au jugement de l’opinion (cf. Christian Delporte, Incarner la République, Les affiches présidentielles de François Mitterrand, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac (1974-1995), in Sociétés & Représentations 2001/2 (n° 12)) . Les affiches politiques en témoignent.
  4. La polémique actuelle au sujet de l’affiche du MJS est de la poudre aux yeux. L’Histoire de la propagande politique en France est riche en productions diverses (de bon aloi… ou pas).

Pour terminer, qu’on n’aille pas dire que les idées ou les projets sont plus importants que ce que je viens de montrer.

Les idées et les projets sont certes fondamentaux, mais ils n’intéressent finalement que peu de monde.

Qui peut dire qu’il lit scrupuleusement et dans le détail les professions de foi des hommes politiques à part un menteur patenté ?

La Politique - la lutte pour le Pouvoir – est indissociable de l’émotion, du frisson, de la caricature, du parti pris, de l’outrance et du combat.

Ces affiches sont des reflets de nous-mêmes. Elles en disent long sur ce que nous sommes. Elles résument l’instant d’une lutte.

Regardez-les. Pleinement et sans hypocrisie.

Et, en fonction de ce que vous y voyez et de ce que vous connaissez de vous-mêmes, votez comme vous le ressentez.

Et surtout, n’oubliez pas, avant de dire si ce que vous avez vu est bien ou mal, naviguez dans l’histoire des « représentations politiques » (pas une sensibilité politique n’y échappe).

Cette histoire est la nôtre.



9 réactions


  • Fergus Fergus 26 février 2011 09:25

    Bonjour, Gabale, et merci pour ce panorama édifiant.

    Pour ce qui est de l’affiche incriminée (à juste titre) à grands cris par l’UMP (plus hypocrite que jamais), il est nécessaire de remettre les choses dans leur contexte : cette affiche n’est pas due à une initiative du MJS au niveau national, mais à une initiative locale des jeunes socialistes de la Vienne.

    Qui plus est, elle avait été imprimée après le discours ultrasécuritaire de Grenoble, et seuls quelques exemplaires ont été ressortis récemment, toujours au plan local. On est donc bien loin d’une campagne nationale et le MJS a regretté cette initiative.


    • Taverne Taverne 26 février 2011 12:11

      Fergus, vous vous trompez lourdement. Ce genre de manipulation politique est inadmissible. Et je reprendrai la légende de l’affiche en la parodiant : « jusqu’où les laisserez-vous aller ? » Ces jeunes écervelés...

      Il faut se battre sur le terrain des idées et des arguments crédibles. Il faut élever le débat.


    • Pelmato 26 février 2011 14:54

      Fergus a raison, c’est juste une affiche produite au plan local par les socialiste… La militante socialiste a ajouté qu’elle avait été imprimé en un très petit nombre d’exemplaire. 200 je crois bien.


  • Taverne Taverne 26 février 2011 10:50

    Bonjour Goebbels !
    C’est de votre niveau, de caniveau...


  • Taverne Taverne 26 février 2011 11:09

    Alors quand ces jeunes cons de socialos (parce qu’il faut bien appeler les choses par leur nom) détournent sciemment une photo devant laquelle 99,99 % des gens voient un salut hitlérien, il ne faudrait rien dire où prétendre que c’est en réalité un geste maternel de Mary Poppins qui dit aux enfants de faire attention en allant ramasser des champignons. Mais quand le PS tire sur Christian Jacob là où 99,99 % n’ont vu aucune grave allusion antisémite même en cherchant entre les lignes et les virgules, là il faudrait crier à la démission immédiate de tout le gouvernement ?

    Bravo les jeunes PS, vous êtes l’avenir !


  • Taverne Taverne 26 février 2011 11:38

    L’auteur fait preuve d’une mauvaise fois incommensurable quand il écrit « L’affiche suggère mais ne dit et n’affirme rien. » et « Avec un peu (juste un peu) de mauvaise foi, j’y vois pour ma part Sarkozy en train d’exécuter le salut olympique dans la droite ligne du bataillon de Joinville. »

    En fait on est censé voir une allusion à Bambi de Walt Dinsey, c’est cela ?

    Donc l’affiche ne dit rien, c’est le spectateur qui se fait des idées. Ceux qui y voient - au pire - une salut sportif de Sarkozy à Joinville, sont de mauvaise foi. Vous nous prenez vraiment pour des cons !

    Comme d’habitude, pour gagner en popularité sur ce site, on tape un bon coup sur le CRIF et hop on gagne des votes positifs. Ce n’est pas que le CRIF ne m’énerve jamais mais les méthodes de certains jeunes sont à déplorer.

    Retirez ces affiches immédiatement ! Et excusez-vous.


  • Gabriel Gabriel 26 février 2011 11:43

    A t-on un cerveau ? Si la réponse est oui, cela appelle la question suivante, savons nous nous en servir ? De toute évidence la réponse est non ! Quelque soit l’affiche, l’image, le documentaire ou le discours, si nous sommes est assez con pour y croire, il ne faut s’en prendre qu’à soi-même. Surtout si ce sont toujours les mêmes guignols que nous choisissons et rechoisissons. Il parait même que certain sont mis en examen par la justice et que, malgré cela,  nous votons ou revotons pour eux ! Chercher l’erreur ...


  • TSS 26 février 2011 12:55

    je l’aurai plutôt comparé à Mussolini ,dur à l’exterieur ,mou à l’interieur... !!


  • LE CHAT LE CHAT 27 février 2011 21:51

    très intéressant , ces affiches parodiées ! j’adore !


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