lundi 23 novembre 2009 - par
Les disputes au PS signent l’absence de la gauche
Les querelles de personne au PS et la création de micro-partis à l’extrême gauche ont pour cause l’abandon de pratiques de gauche par le peuple de gauche. Le mouvement instituant s’est inversé : l’Etat propose des réformes et elles suscitent de la « résistance ». Au lieu de trouver sans cesse que la pratique étatique n’est pas à la hauteur de l’idéal d’égalité et de conspuer les politiciens qui n’arrivent pas à mettre cet idéal en action dans la société, nous avons des ressources à remettre en œuvre dans les idées réalisables localement d’autogestion. Et à mutualiser afin d’en élargir le champ à la société toute entière.
Les disputes au PS sont narrées dans la singularité des situations. Plus globalement, les violentes disputes entre hommes politiques signent l’absence d’idées. En l’absence d’idées, les hommes se disputent pour incarner un « mouvement » mal défini. Vincent Peillon déclare vouloir être le « chef de fil naturel » du courant « Espoir à gauche ».
Au lieu de se disputer au sein d’un parti, ceux qui se sentent la capacité de conduire des groupes créent chacun leur parti, à l’extrême gauche, sans « culture de gouvernement ». Le dernier en date, celui de Robert Hue serait presque attendrissant de naïveté : son but est l’unité de la gauche.
Cette distinction gauche (de gouvernement) et extrême gauche (révolutionnaire) ne me paraît pas pertinente pour décrire le temps que nous vivons. Nous vivons un moment charismatique sans mouvement populaire pour créditer celles et ceux qui veulent être des leaders charismatiques. Il y a longtemps que la gauche a perdu le « peuple de gauche » c’est-à-dire les actions populaires de tous et de chacun qui préfigurent la société qu’un peuple de gauche veut et commence localement à pratiquer et à organiser. Quand une volonté populaire de changement fait la motivation politique de la société, des leaders apparaissent qui synthétisent dans leur personne et leur action cette volonté de changement et les actes qui portent cette volonté de changement.
Nous sommes depuis plus de dix ans dans une pratique politique qui inverse ce mouvement historique : le peuple délaisse le pouvoir instituant, l’Etat le prend, propose des réformes et retrouve les citoyens dans la rue contre les réformes ; que l’Etat soit géré par la gauche (sous Jospin par exemple) ou par la droite. Le peuple de gauche est devenu réactionnaire. Non à l’évolution, toutes les réformes sont décrites comme régressives et il convient de s’y opposer. Avec des aberrations incroyables, comme, par exemple, l’opposition des lycéens à l’introduction d’un peu de contrôle continu au bac, ce qu’ils réclamaient depuis des décennies. Mais ils baignent dans ce cadre générique de la société dans laquelle être de gauche, c’est résister, s’opposer au gouvernement, être anti-sarkozyste, avec beaucoup d’indignation, beaucoup d’inquiétudes, une belle emphase (Todorov), la citation des grands anciens... Et rien d’autre.
La valeur réputée de gauche est la résistance. C’est vraiment le renoncement à la gauche. Il faudrait prendre le chemin, la marche, le mouvement. Il faut des praxis, des pratiques pensées ou des pensées mises en pratique de suite, porteuses d’actions locales et de propositions globales. Quelque chose du côté de l’autogestion, la cogestion, des petites réalisations de pouvoir collectif, d’unité des fonctions, de cassure entre des hiérarchies diverses (cols blancs/cols bleus ; travailleurs/chômeurs)… tout ce qui divise peut être mis en cause consciemment au niveau local dans certaines entreprises de lutte et de création d’un ordre politique différent… Avec des discours, des concertations, des débats, des échanges d’expériences qui porteraient capacité à créer un projet collectif. Nous avons des moyens de communication collective d’une puissance inégalée. Nous avons une agora d’une taille immense, bien plus grande que notre nation : l’Internet. Ce n’est pas la possibilité du débat collectif qui manque, ce qui manque c’est une gauche populaire d’actions, actions multiples et inventives et pas uniquement de réactions et de désignations permanentes des « méchants » comme elle est actuellement.
On peut reconnaître à Vincent Peillon un vrai travail de recherche d’idées. La réunion sur l’école qu’il a organisée à Dijon est un vrai travail sur les idées. Je crois cependant que je peux prédire, même n’étant pas prophète, que ces propositions n’auront pas l’agrément des enseignants, ce qui suffira à arrêter le mouvement qu’elles portent en elles. On verra.
Surtout, cette mise en mouvement, en pensée, en action, d’une conscience de gauche doit passer par une grande multiplicité de ce type de recherches, de ce type de groupes. Il faudrait cesser de se tourner vers les élus pour les empêcher d’agir, car leur action ne serait pas fondée sur de bons principes. Ne pas penser que la gauche s’incarne dans une action de gauche d’un gouvernement de gauche, qui serait toujours insuffisante.
C’est cette vision populiste de la politique qui constitue le cadre de toutes les expressions politiques : un peuple uni et unanime se fait maltraiter par des élus rusés et trompeurs.
Les querelles de personne n’appartiennent pas au PS particulièrement. Elles sont l’écho d’une longue pratique d’appel au gouvernement pour faire la mesure de nos idéaux « de gauche ». A placer la gauche dans l’action de l’Etat et seulement dans l’action de l’Etat, nous nous déclarons toujours déçus, même par les gouvernements de gauche, et ne visons plus le politique comme idéal.
Ceci est un appel à créer et développer des pratiques d’autogestion.