vendredi 25 avril - par Sylvain Rakotoarison

Les écolos, trait de division de la société française

« Sans cesse questionnée sur son positionnement entre PS et LFI, elle ne dit rien de définitif, ménage les deux camps. Et voilà sa force. Voilà aussi pourquoi elle sera réélue. Et pourquoi ce congrès ne sert à rien (d’ailleurs, l’abstention est forte). Les militants écolos auraient pu acter une stratégie claire en vue des municipales et de la présidentielle. Mais, non, ils resteront au milieu. Marine Tondelier parle d’un parti "trait d’union". » (Maxence Lambrecq, le 17 avril 2025 sur France Inter).

Plutôt que le trait d'union proposé par un éditorialiste de France Inter, j'oserais plutôt parler d'un trait de division de la société française. "Les Écologistes", nouvelle appellation du parti Europe Écologie-Les Verts (EELV) depuis le 14 octobre 2023 (mais je garderai le nom de EELV car je trouve que les appellations, nombreuses aujourd'hui, "Les quelque chose", comme "Les Républicains", "Les Centristes", "Les Patriotes", sont peu adaptées à la syntaxe française, donc EELV se réunit en congrès fédéral ce samedi 26 avril 2025 à Pantin, suivi d'une "Grande Convention" des investiture les 26 et 27 avril 2025 au même endroit.

Pas de suspense puisque le vote des adhérents a eu lieu du 16 au 18 avril 2025, et le résultat a été communiqué le 19 avril 2025, veille de Pâques, avec une très large et attendue victoire de la secrétaire nationale sortante, Marine Tondelier.

On devrait même dire "sectaire nationale" si on lit l'article d'Anne-Sophie Mercier publié le 9 mars 2025 dans "Le Canard enchaîné" : « Elle est pétillante, mais elle sait aussi asphyxier ceux qui, chez les Verts, sont susceptibles de lui faire de l’ombre. Et ce n'est pas Julien Bayou qui dira le contraire. Aujourd'hui, Yannick Jadot, Sandrine Rousseau ou Éric Piolle essaient de se faire entendre (…). "On n’a plus rien à envier à La France insou­mise". C’est la phrase qu’on entend beaucoup, ces temps-ci, dans la bouche des opposants écolos à Marine Tondelier. (…) Ils découvrent le vrai visage de leur secrétaire générale, sacrément douée pour causer démocratie et transparence, avec son sourire télégénique, son aisance à l’oral et son inamovible veste verte, tout en verrouillant le parti, changeant les règles quand ça lui chante et éliminant les adversaires avec méthode et détermination. (…) "C’est drôle, cette bronca des opposants. Tondelier a été formée à la maîtrise de l’appareil par Duflot et Placé, qui n’étaient pas manchots. Elle a été la patronne des jeunes écolos et déléguée aux journées d’été, des postes extrêmement politiques. Ils espéraient quoi à la place ?" s’amuse un pilier du parti. ».

L'un des exemples du verrouillage, c'est d'avoir sorti de la boucle de son courant Éric Piolle, le maire de Grenoble, qui a pourtant été l'un de ses soutiens les plus actifs, car ce dernier voudrait devenir porte-parole du mouvement écologiste mais Marine Tondelier préférerait y placer le Normand Guillaume Hédouin (les deux candidats seront départagés au cours d'un ultime second tour).
 

Les résultats sont sans équivoque en faveur de la non-ligne de Marine Tondelier, mais il n'y a pas de quoi pavoiser. D'abord, il n'y a que 13 725 adhérents inscrits, ce qui est faible pour un parti d'envergure nationale. Ensuite, il y a eu un très fort taux d'abstention, 51,2%. Enfin, le score de Marine Tondelier, 4 795 voix, soit 72,6% des suffrages exprimés, ne représente que 34,9% du total des adhérents, soit un peu plus d'un tiers. Ce n'est donc pas un vote de large adhésion.
 

Trois autres candidats ont participé à cette compétition, dont Karima Delli (12,8%) et aussi Harmonie Lecerf Meunier, qui a pour caractéristique de représenter le courant "Radicalement vôtre", le courant extrémiste de Sandrine Rousseau, arrivée dernière avec seulement 422 voix, soit 6,4% des suffrages exprimés, mais aussi 3,1% de l'ensemble des adhérents ! Étant donné que les écologistes ne représentent que 5,5% du paysage électoral français (score de la liste menée par Marie Toussaint aux élections européennes du 9 juin 2024), ce courant ne représente finalement que 0,17% de l'électorat français. On peut ainsi trouver que la présence hégémonique de Sandrine Rousseau dans les médias ne représente pas vraiment son audience électorale réelle, ce qui a fait dire à quelqu'un, sur Twitter : « Ça fait de Sandrine Rousseau la seule politique qui totalise plus de passages médias que de voix au congrès de son parti. ».
 

Marine Tondelier a réussi l'OPA le 10 décembre 2022, par sa capacité à être présente dans les médias et à s'exprimer auprès des militants, à marginaliser les deux courants opposés lors de la primaire de 2021 qui avait abouti au second tour à un duel entre Yannick Jadot, représentant de l'aile réformiste et raisonnable, et Sandrine Rousseau, représentante de l'aile extrémiste, wokiste, décroissant. Marine Tondelier, elle, se moque de savoir quelle aile choisir.

On le voit notamment à la lecture du texte qui a été également proposé au vote à l'occasion de ce congrès. Le flou habite ce texte supposé d'orientation politique. Sa rédaction bourrée d'écriture inclusive est illisible pour cette raison. Il suffit de lire la conclusion pour comprendre que cette rhétorique de bisounours où rien n'est proposé, ni méthode ni programme concret, n'a d'autre raison d'être que de servir de support à l'inconsistance d'une future candidature présidentielle de Marine Tondelier : « Ce mandat sera celui du renforcement de notre parti, un parti démocratique, accueillant et émancipateur, afin que l'écologie politique gagne du terrain dans tous les territoires, dans les institutions et dans toutes les couches de la société. À l’heure de la montée des régimes autoritaires dans nombre de pays du monde, nous devons appliquer des pratiques conformes à la vision de la société démocratique que nous désirons. ».

Rien que la lecture des titres suffit à comprendre que ce parti est incapable de réponde aux enjeux actuels, faire face à des dirigeants comme Vladimir Poutine et Donald Trump : « Ancrer la diplomatie dans le multilatéralisme, la justice et l'écologie » ; « Construire une Europe de la paix, solidaire, souveraine et écologique » ; « Lutter contre les nouvelles tentatives de déstabilisation »... Ce serait fédérateur si ces titres n'étaient pas des slogans creux, des incantations sans mode d'emploi, sans proposition efficace.et surtout, c'est à mon sens le plus grave, sans idée originale. La plus marquante est cette phrase sans précision et totalement vide, incantatoire : « La guerre en Ukraine souligne l'urgence d'une diplomatie efficace et d'une défense commune européenne. ». Oui ? Et alors ? Concrètement, cela signifie quoi ?
 

Pire, on retrouve les vieilles rengaines anachroniques et dogmatiques qui ont fait élire Donald Trump aux États-Unis et pourraient faire gagner le RN en France : « Il est urgent de mettre fin au capitalisme débridé qui pille les ressources, perpétue souvent des rapports de domination postcoloniaux et accroît les inégalités. ». Ou encore : « La coopération avec les Suds [au pluriel, oui ! contre la langue française] doit être co-construite avec les populations et se diriger vers des projets féministes, écologistes, équitables et garants de la souveraineté alimentaire. ».

Ou encore, on le ressent aussi dans le chapitre sur le fonction interne : « Un parti qui réaffirme son engagement écoféministe et antiraciste. Il devra affronter l'offensive du masculinisme et des réactionnaires, qui peut se déployer même dans nos rangs. ». Voilà une vision bien peu bienveillante (adjectif mis pourtant à l'affiche) des rapports entre les hommes et les femmes. C'est d'autant plus inconsistant que Marine Tondelier a pris la direction de EELV en évinçant Julien Bayou accusé d'agressions sexuelles par Sandrine Rousseau, mais lorsqu'il a été totalement blanchi par la justice du pays, il n'a pas été réintégré, ni réhabilité dans son honneur au sein de son parti et il reste toujours persona non grata.
 

Ce texte présenté le 9 avril 2025 est nul pour laisser une grande liberté à Marine Tondelier dans ses ambitions présidentielles. Comme des dizaines d'autres responsables politiques, depuis qu'elle a gagné en notoriété avec la campagne des élections législatives, et surtout, postlégislatives (elle se déplaçait avec une technocrate de la mairie de Paris, vous savez, celle qui devait être Première Ministre, Lucie Castets), elle a senti ses ailes pousser, celles d'un parfum présidentiel, en tablant sur les divisions du PS et leur incapacité, depuis 2011, à présenter un véritable leader (au point de faire élire un homme aussi limité que François Hollande), et sur la vieillesse et les excès verbaux et idéologiques de Jean-Luc Mélenchon.

Seulement4 232 adhérents ont approuvé ce texte dit d'orientation, peut-être 85,0% des suffrages exprimés (le choix était pour ou contre ; il n'y avait pas d'autres textes !), mais avec une très forte abstention (je-m'en-foutisme), 58,7%, cela ne représente que 30,8% des adhérents, soit moins que le score de Marine Tondelier elle-même.
 

Jean-Vincent Placé avait d'ailleurs trouvé lui-même la bonne formule dès le 28 août 2015 pour décrire son parti : « |Il] est un astre mort, une structure morte qui donne aujourd'hui une vision caricaturale et politicienne de l'écologie. ». Cette appréciation demeure d'actualité, avec d'autres acteurs.
 

Ce qui est remarquable, comme Jean-Luc Mélenchon, Marine Tondelier veut changer de Constitution alors qu'elle a adopté, comme Jean-Luc Mélenchon aussi, précisément ce qui la caractérise le plus, à savoir l'obsession présidentielle. Mais, on peut raisonnablement rester optimiste pour l'avenir. Jamais un dirigeant écologiste n'a duré plus de quelques années, son quart d'heure de célébrité : Dominique Voynet, Noël Mamère, Nicolas Hulot, Eva Joly, Cécile Duflot, Jean-Vincent Placé, Yannick Jadot, Julien Bayou, etc. ne sont jamais restés très longtemps sur le devant de la scène et sont retombés rapidement dans l'anonymat vide de leur inconsistance politique. L'avenir tout tracé de Marine Tondelier.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 avril 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les écolos, trait de division de la société française.
Dominique Voynet.
Laurence Vichnievsky.
Marine Tondelier.
François Ruffin.
Clémentine Autain.
Julien Bayou.
Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !
Yannick Jadot.
Sandrine Rousseau.
Élysée 2022 (5) : profondes divisions chez les écologistes.
Grégory Doucet.
René Dumont.


 

 



11 réactions


  • sylvain sylvain 25 avril 12:24

    ouais bon en résumé EELV fonctionne comme les autres partis, mais il soutient les mechants LFIste. Ah oui et pire : ils sont feministe et antiraciste.

    dis rototo tu te souviens pas qu’il y a quelque mois a peine, avant de constater qu’il valait mieux picorer dans les idees du RN, ton parti d’extreme centre se voulait le champion des lgbt, des feministes, des aniracistes... bref de ce qu’on appelle en negatif le wokisme. Pauvres guignols, vous etes arrives au fond du trou et vous creusez, vous creusez comme jamais


  • ETTORE ETTORE 25 avril 13:15

    Rakoto ;....

    Qui se limite dorénavant, à la plus simple expression du trou noir politique.

    ECO-LO....

    En italien « eccolo  » veut dire «   tien, le voila » dans le genre un chouia arriviste :

    « Eccolo, il beduino della stampa » ( tiens, le vl’a, le bédouin du journal )

    Je crois qu’on peut en rester à cette imagerie surannée, que ces parvenus hors sol, continuent à alimenter de leurs délires.

    Et laisser Rakoto, faire l’inventaire de ses PAIRES !


  • Là, c’est de la provocation. 

    C’est seulement une pute .

    Rien d’autre .

    L’écologie politique est uniquement de l’ingénierie sociale. 

    Comme le Brexit, le parti 5 étoiles, la bible, l’ancien testament et les juifs ......etc 

     


  • La gauche n’a jamais existé, sauf dans un projet d’ingénierie sociale visant à manipuler, déstabiliser l’Europe.

    -LFI, LA FRANCE IMBECILE. <Et la sécheresse de l’eau des Océans> lol !

    -Les socialistes sont de droite, tout le monde le sait.

    -Les écolos sont des escrocs, tout le monde en est convaincu.

    -La Droite Bourgeoise les moutons de Panurge.

    -La France politicienne n’est qu’une fosse à merde.

    -Le Nazisme est devenu la norme européenne, financé par les banques qui pratiquent l’usure. 


  • [ Argent public] Médias sur cour En France, l’aide d’Etat à la presse n’a pas son équivalent dans le monde. N’y voyez aucun lien de cause à effet, sur la qualité et l’indépendance des médias dans l’Hexagone.

    Il existe en France un paramètre prégnant qui joue un rôle, plus ou moins consciemment et admis, dans ce que l’on appelle le “complexe industriel de censure”. Cela n’échappe à personne que l’argent étant le nerf de la guerre, la question du financement des médias est centrale. Ce qui échappe à beaucoup en revanche, c’est le niveau de l’aide d’Etat qui est alloué à la presse et aux médias dans l’Hexagone.

    Et pour cause : il est particulièrement difficile de connaitre officiellement, même de manière approximative, les montants que l’Etat octroie généreusement à la presse. Outre le fait que le dispositif est comme l’a épinglé en 2018 la Cour des comptes “foisonnant”, que la question de son efficacité se pose – voir la dégringolade des chiffres des ventes et les plans sociaux qui se multiplient, dernier en date Le Point – il est aussi particulièrement opaque.

    Rappelons que l’obligation de transparence est relativement récente : elle remonte à 2013 et faisait suite à une recommandation de la Cour des comptes. Jusqu’en 2017, le ministère de la culture se refusait à rendre publique la liste des titres de presse percevant des aides directes de l’État. Il a fallu attendre 2021 et que La Lettre A mette la main sur un document budgétaire de 100 000 lignes rendu disponible par inadvertance (Roselyne Bachelot freinait de ses quatre Crocs) pour qu’on y voit un peu plus clair.

    Las, cette transparence n’est que façade. Derrière les quelques chiffres fournis par le ministère, 204,7 millions d’euros d’aides directes en 2023 et 84 millions d’euros d’aides indirectes, le fromage est autrement plus conséquent. En croisant différentes sources et en agrégeant plusieurs sources de données gouvernementales – qu’il faut aller pêcher parfois ailleurs que dans la ligne budgétaire ad-hoc – ou syndicales – celles du Spiil notamment – on arrive à des sommes qui sont toutes autres.

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    • docdory docdory 26 avril 09:49

      @SPQR-audacieux complotiste-Monde de menteurs
      225 millions qui peuvent être facilement économisés en supprimant tous les financements publics des médias. Ce n’est pas grand chose par rapport aux 3000 milliards de la dette française, mais les petits ruisseaux finissent par faire des grandes rivières !


  • docdory docdory 26 avril 10:04

    Les débats internes entre les différents courants « écologistes » ont le charme suranné qui pourrait émaner d’ une réunion du comité central du parti communiste nord-coréen ! 


  • Eric F Eric F 26 avril 12:41

    La majorité (très relative) présidentielle a eu sa période écolo, notamment le positionnement anti-nucléaire civil de Macron en début de mandat (depuis il a viré de bord, en reprochant à EDF d’avoir appliqué ses directives précédentes). 

    Globalement, l’influence écologiste dépasse de très loin son audience électorale, en France et au niveau de l’UE.
    Résultat, on accumule les restrictions et contraintes pénalisant notre économie, alors que le reste du monde n’en n’a rien à cirer (hormis en parole), ainsi l’utilisation du charbon bat chaque année des records dans le monde. On le voit avec les gisements du Groenland, interdits de prospecter selon les critères européens, mais que les USA veulent exploiter, en aguichant la population de rêves de prospérité. 

    L’UE a exigé l’arrêt de vente des voitures thermiques en 2035, sans avoir préalablement fait investir dans la production locale, donc on subventionne des voitures en provenance d’Asie. Le secteur automobile a de toute façon été détruit en Europe de l’Ouest (c’est fait en Grande Bretagne et France, ça commence en Allemagne), tout a été délocalisé en Europe de l’Est ou en Turquie.

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