mercredi 24 octobre 2018 - par Orélien Péréol

Les hommes : en dire du mal

Vous ne trouverez nulle part de discours disant du bien des hommes. Vous trouverez à foison des discours qui en disent du mal ou, plus subtilement, qui en suggèrent du mal par le crédit pur et parfait à la plainte des non-hommes c’est-à-dire des femmes.

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On a déjà connu des sociétés qui se sont raconté que le mal avait une source. Ces sociétés sont rapidement arrivées à l’idée, logique, qu’il fallait tarir cette source et elles ont mis en œuvre les moyens de le faire. On en n’est pas là. On a déjà connu des sociétés qui se sont raconté que cette source du mal était un groupe humain. Tarir cette source a atteint l’odieux. Le jeu de mot le mal et le mâle ne suscite aucune gêne visible et on ne dit, on ne lit, on n’entend que du mal des hommes. Tout se passe comme s’il était impossible d’en dire du bien.

Quand le lieutenant-colonel de gendarmerie Beltrame meurt en service, après s’être substitué volontairement à une otage, il est louangé pour son sacrifice en tant que gendarme et que chrétien. Son épouse dit au journal La Vie : « on ne peut comprendre son sacrifice si on le sépare de sa foi personnelle. C'est le geste d'un gendarme et le geste d'un chrétien. » Il n’est pas question d’y voir un courage et un geste d’homme, alors que l’histoire de l’humanité comporte de très nombreux actes de sacrifice d’hommes. Je vais préciser, puisque les discours se font par une dichotomie « elles et eux », que le fait de noter que les hommes se sont sacrifiés bien souvent pour des causes supérieures à eux ne contient pas l’idée que les femmes n’en seraient pas capables et ne l’ont jamais fait. Je note juste que cette attitude pourrait être liée au fait que Beltrame soit un homme, ce qui n’apparait nulle part, même pas suggéré faiblement.

Quand Mamadou Gassama sauve un enfant en escaladant quatre étages d’un immeuble, le fait qu’il soit un homme n’est jamais évoqué non plus.

En revanche, le mal qu’on dit régulièrement des hommes atteint des sommets. Ils sont tous amalgamés aux pires d’entre eux. Dans l’émission « L’heure bleue » du mercredi 26 septembre (qu’on peut réécouter), l’invité est allé jusqu’à dire que les hommes avaient détruit le monde et qu’ils étaient des tueurs. L’animatrice, Laure Adler était silencieuse et ne voyait aucun problème à cette détermination univoque et stéréotypée, ce dénigrement absolu de la virilité, je n’ose pas écrire ce mot, cette culpabilité des hommes qui ne sont chargés que de négativité et de mort et n’ont aucune puissance vitale.

A 14’40’’ Laure Adler demande, à brûle-pourpoint, à son invité Serge Rezvani : « Auriez-vous aimé être une femme ? _ Oui bien sûr, en fait j’aime beaucoup le…j’aurais aimé être Tirésias, à vrai dire … je regrette de quitter cette Terre sans avoir été dans la femme… si je suis devenu peintre par fascination de la femme et quand on peint au moment où on peint, on est ce que l’on peint je suis très fasciné par le féminin, je considère que le féminin c’est le vrai pôle de l’univers. » (Ben voyons !)

« On plaint les femmes de porter leurs enfants, je pense que tout ça c’est de l’aberration, le féminin est quelque chose de très fascinant, et l’homme en a toujours été jaloux c’est pour ça que les hommes sont en train d’essayer de leur arracher leur utérus… parce que l’homme, les femmes leur font une grande faveur d’accepter, si on avait écouté Rostand, la parthénogénèse ne serait pas réservée qu’aux grenouilles mais aux femmes aussi. Vous pourriez faire des enfants sans nous merci de nous accepter et ça les hommes en ont toujours voulu aux femmes, à vrai dire et de cette trop grande gentillesse, je dirai… » Ici, il faut dire que Jean Rostand dit le contraire, que « le Droit ne pourra que s’incliner devant les conquêtes les plus hardies de la Biologie »… A propos de la parthénogénèse : « On croit toucher l’absurde. L’histoire contemporaine nous montre pourtant qu’au point de vue social, il ne faut plus considérer l’absurde comme impossible. » (Science fausse et fausses sciences, Rostand Gallimard). Ce texte date de 1958 et on peut deviner, je pense, de quel absurde social il veut parler.

Plus tard à 17’20’’, Laure Adler questionne : « Dans l’amour votre part féminine s’accomplit-elle ? » Rezvani : « Bien sûr, parce que j’oublie que je suis un homme disons la fusion amoureuse les hommes qui veulent avoir toutes les femmes n’en ont aucune, avoir une femme c’est les avoir toutes, et je pense à travers la femme… j’ai touché l’absolu du féminin et donc j’ai oublié mon sexe, l’amour c’est ça, c’est pas d’être viril et macho, c’est de s’oublier, à deux. C’est très important d’accepter la part féminine de nous-même, cette interrogation du féminin comme cette part masculine cette interrogation du masculin à travers notre part de féminin aussi parce que l’homme qui se croit supérieur et qui a vraiment détruit le monde quand même les femmes n’ont pas fait de camp de concentration… les femmes n’ont jamais fait de guerre… j’ai eu une expérience une fois, j’ai tué une pastenague, une grosse raie, je nageais dans le sang ; j’ai compris comment je m’étais rassuré, j’ai compris comment l’homme primitif se rassure en donnant la mort et en prenant la vie, et ce jour-là j’ai compris pourquoi les hommes tuent et les femmes donnent la vie, c’est évident, et c’est bien ça que nous devrions intégrer en nous-mêmes, savoir que nous sommes des tueurs, parce que ça y’a pas à dire nous le sommes, c’est certain… mais il faut penser aussi que la part féminine de nous-même va vers le besoin de donner la vie mais on peut pas le faire »

C’est très simple : les femmes, c’est la vie ; et les hommes, c’est la mort. C'est inacceptable.

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Photos Orélien Péréol



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