jeudi 1er septembre 2011 - par Ronny

Les notions de droite et de gauches ont-elles encore un sens ?

Héritage de la révolution française, la notion de droite et de gauche en politique a lentement et constamment évolué depuis le XVIIIe siècle. Depuis 25 ans cependant, l’interdépendance des économies, la mondialisation, l’émergence d’une pensée dominante ont induit des changements rapides et majeurs dans le fonctionnement de notre société, qui font que l’on peut se demander si les notions conventionnelles de droite et de gauche ont encore un sens.

Historiquement, plusieurs critères permettaient de distinguer la gauche et la droite. De façon extrêmement schématique, sans doute, la gauche pouvait être perçue comme représentative des « masses populaires et laborieuses », pour reprendre une terminologie du parti communiste. La droite, elle, représentait les élites, non pas intellectuelles, mais socio-professionnelles, ou toujours en une terminologie connotée : la « bourgeoisie ». A cette grille de lecture primaire, il est généralement admis que l’on peut ajouter une grille plus fine où la droite serait caractérisée par des valeurs telles que l’ordre, la famille, le pouvoir (au sens de faire, d’agir) plutôt que le connaître, une méfiance vis-à-vis du « hors-normes », et la primauté de l’individu sur le groupe, en d’autres termes la préférence de la liberté à l’égalité de notre devise républicaine. L’adhésion aux croyances chrétiennes est également un marqueur des valeurs de droite. La gauche préfèrerait l’égalité à la liberté, le savoir sur le pouvoir. Attachée à la solidarité, elle soutiendrait la prééminence de l’intérêt général sur l’intérêt particulier. Elle serait également non croyante, et méfiante à l’égard des cultes. A ces lectures encore une fois schématiques, mais fondées historiquement, on pourrait ajouter un certain attrait pour la « valeur argent » de la droite, alors qu’une méfiance vis-à-vis de cette valeur marquerait la gauche. Dans ce contexte, les extrêmes se caractérisent, elles, par une typologie fortement connotée par certains des traits présentés plus haut.

Dans ce cadre de lecture, il me semble intéressant de positionner certains de nos partis et hommes politique, non pas pour le plaisir d’établir un classement, mais pour essayer de comprendre où se situent les lignes de partage actuelles. On peut évacuer assez rapidement l’analyse du profil de l’extrême droite, historiquement marquée par une aversion aux hors normes que représentent par exemple les étrangers ou les homosexuels, et une adhésion historique aux valeurs ordre et famille. On peut d’ailleurs en dire autant de la droite extrême, présentée actuellement par une fraction importante du parti au pouvoir, l’UMP. La nature des électeurs soutenant ces deux formations, bien que chevauchante diffère néanmoins par une présence marquée de l’électorat dit ouvrier au sein du parti d’extrême droite, en provenance quasi directe de positions antérieures plus proches de celles du parti communiste que de n’importe quel autre parti. L’étude des motivations de ces électeurs mériterait une étude approfondie, bien qu’en première analyse on puisse proposer le poids de leur déception en regard des espoirs qu’ils avaient mis dans la coalition PS/PC au pouvoir pendant plusieurs années. En conséquence, le FN s’adresse à un électorat à la fois très conservateur voire nostalgique d’un ordre français révolu et très populaire (d’où les accusations de populisme), et tout naturellement l’UMP et ses candidats à un électorat bipolaire, d’un côté les commerçants et artisants, de l’autres les rentiers et très haut revenus. Il s’agit donc là d’une première ligne de partage entre deux partis et leurs représentants, pourtant souvent assez proches idéologiquement. 

Le centre de la vie politique est occupé par une multitude de « petits partis » donc aucun ne se démarque des autres de façon lisible, en termes d’adhésion ou de choix programmatiques. Une caractéristique commune de leurs représentants est leur position d’héritiers de l’union pour la démocratie française, et leur attachement global à ce qu’il est convenu d’appeler la démocratie chrétienne, bien que ce nom s’oppose à leur vision laïque de la société. Distincts du parti au gouvernement, certains éléments du centre (i.e. le nouveau centre) soutiennent la politique de M. Nicolas Sarkozy, alors que d’autres s’y opposent (i.e. le modem de M. François Bayrou). Cependant, dans le cas de ce dernier, il ressort que son opposition actuelle résulte plutôt d’une analyse - souvent très exacte par ailleurs - de la méthode de gouvernement du Président de la République, de ses excès et, disons-le, de ses dérives. Moins marquées sont les différences politiques, sauf peut être en matière d’analyse des causes de la dette publique. Ceci dit, il serait intéressant de demander à nos concitoyens, dans la rue, ce qui caractérise à ce jour, le paysage politique du centre…

Juste à gauche du centre, on entre dans la nébuleuse qu’est le parti socialiste. Ce terme évoque bien effet, la distance intersidérale qui sépare au plan politique des personnes comme MM. Dominique Strauss-Kahn et Arnaud Montebourg, ou Manuel Valls et Henri Emmanuelli. Si l’on reprend en effet les grilles de lecture évoquées en introduction, la position de directeur du FMI exercée par M. Straus-Kahn et les mesures drastiques de réduction des acquis sociaux qu’il a prônées dans de nombreux pays, ne sont pas emblématiques d’un attachement aux valeurs de solidarité. Son opposition à la mise en place d’une taxe « Tobin » et ses rémunérations extravagantes achèvent de le positionner finalement comme « bourgeois » plutôt à droite de l’échiquier politique. Les positions de M. Manuel Valls sont elles caractéristiques des divergences internes au parti socialiste. On se souvient de certains de ses propos très droitiers sur les émigrés, de sa volonté de sortir du parti les éléments les plus « gauchistes », de son admiration pour Tony Blair, de ses discours « sécuritaires »… On ne se rappelle sans doute pas, en revanche, qu’il avait été parmi ceux des socialistes ont fait campagne pour le "non" à la Constitution Européenne lors de la campagne interne, même s’il avait ensuite retourné sa veste au printemps 2005. Ce fait en apparence presqu’anodin pourrait être ne réalité majeur car il fonde aujourd’hui la distinction entre gauche et droite.

L’axe de division actuel majeur sépare en effet ceux qui s’accommodent de la mondialisation, du pouvoir de la finance, ceux qui y ont contribué à l’établir, et bien sur ceux qui prônent plus de dérégulation, de ceux qui s’opposent à la perte de pouvoir des Etats, ceux qui s’opposent au pouvoir des banques et des grandes entreprises internationales, qui parlent de démondialisation, remettent en doute la légitimité de la dette, ou qui promeuvent l’idée d’une nécessaire régulation forte des flux économiques et financiers. Du côté de ces derniers, se trouvent donc des personnes comme Mmes Cécile Duflot, Eva Joly, Marie-Georges Buffet, ou MM. Arnaud Montebourg et Jean-Luc Mélanchon, une liste bien sur non limitative. A travers ce prisme, on voit bien que cette ligne de fracture sépare le parti socialiste en deux camps, avec pour conséquence un positionnement de M. François Hollande, candidat PS « favori-des-sondages » analogue à ceux du centre ou de l’UMP. Ce brouillage de la division droite/gauche est d’autant plus marqué que des personnalités fortement connotées « de gauche », tels MM. Daniel Cohn-Bendit, Harlem Désir, Pierre Mauroy, ont soutenu la ratification de la Constitution européenne. S’ajoute à ce brouillage les prises de positions de Mme. Marine Le Pen, se disant favorable aux services publics et opposée aux privatisations, et dont la vision économique est fort inspirée de celle de M. Maurice Allais, prix Nobel d'économie, très critique du traité européen et visionnaire en matière d’effets néfastes de la dérégulation et de la mondialisation. Il cependant simpliste de conclure que les « extrêmes » se rejoignent, tant on ne peut qualifier d’extrêmes les visions sociales et économiques de l’aile dite « gauche » du PS, ou d’Europe Ecologie - Les verts. Il n’en reste pas moins que l’historique division gauche-droite est probablement passée, cette obsolescence se produisant d’ailleurs de façon concomitante - et pour cause -avec une certaine forme du capitalisme.    

Crédit image : http://aliaslili.eklablog.com/affichages-divers-en-ce1-a1521850



7 réactions


  • jaja jaja 1er septembre 2011 13:25

    Rien de dit dans cet article sur ce qui est la contradiction fondamentale entre la droite et une vraie gauche :

    Propriété privée des moyens de production et d’échange pour la droite. Appropriation collective de ces derniers pour la gauche. Tout le reste n’étant que bla-bla....

    Et c’est toujours d’actualité.....


    • non CELA N A PLUS DE SENS


      -IL YA LES ULTRA RICHES( 1%..).° ET LEURS LARBINS...LES HOMMES POLITIQUES (qui créent pour eux des boucliers et niches fiscales en échange de la sponsorisation de leurs partis...um........ps)

      - LES RICHES MOYENS ET CADRES SUPERIEURS BOBOISES... ne votant pas...

      -LES GENS NORMAUX QUI BOSSENT A DEUX (depart a 5 ou 6h le matin..retour 20h_22h)

      - IL Y A LES CDD...LES RTERAITES...LES DEMANDEURS D EMPLOI........LES INTERIMAIRES
      QUI ONT DU MAL A SE NOURRIR....


  • jpm jpm 1er septembre 2011 13:47

    Et bien ce n´est pas encore cet article qui va me guerir de ma dyslexie politique smiley


  • Traroth Traroth 2 septembre 2011 13:57

    « en d’autres termes la préférence de la liberté à l’égalité de notre devise républicaine » : Je récuse totalement cette déduction. Avec des valeurs comme « l’ordre » ou « une méfiance vis-à-vis du « hors-normes » » (je reprends vos termes), comment peut-on parler de défense des libertés ? La seule liberté que la droite a toujours défendue, c’est la liberté d’exploiter autrui !


  • Traroth Traroth 2 septembre 2011 14:02

    Les hommes politiques de tous partis font tout pour brouiller les cartes, mais cela ne veut pas dire que les notions de droite et de gauche ont perdu leur sens. Les partis de droite font désormais systématiquement campagne avec un programme de gauche, car il est bien clair pour tout le monde qu’une politique de droite est totalement indéfendable. Il suffit de regarder les records d’impopularité que Sarkozy bat régulièrement. Evidemment, une fois élus, les partis de droite font sans surprise une politique de droite. Le problème, c’est que si on poste la définition suivante pour « parti de droite » : « parti qui fait se fait élire sur un programme de gauche puis tient une politique de droite », le PS entre clairement dans cette catégorie !
    Effectivement, les cartes sont bien brouillées !!!


  • etiennegabriel 2 septembre 2011 14:12

    Merci pour cet article qui me rappelle des « devoirs » du lycée (en 1965). La question était de commenter un propos du philosophe Alain. Le titre du propos était le même que celui de votre article...

    Alain commençait le corps de son propos par cette réflexion, en substance : Les notions de droite et de gauche, en politique, ne sont jamais faciles à expliquer, mais quand la question est posée en ces termes, je sais que celui qui la pose n’est pas de gauche.

    Près d’un siècle après la constatation du philosophe « radical » je trouve que vous apportez encore de l’eau à un moulin qui n’en manque pas.


  • Ronny Ronny 2 septembre 2011 17:18

    Merci de vos commentaires et de vos éventuelles divergences de vues. Elles me semblent intéressantes à approche des présidentielles...

    Juste qq mots :

     @ Traroth : vous pontez du doigt effectivement un « bug » dans les discours de droite, dans lesquels les références à la liberté individuelle ne sont jamais loin (liberté de choisir une école confessionnelle, liberté d’entreprendre, liberté des choix de l’individu par rapport à la société, à condition bien sur que les individus concernés restent dans la norme. Et votre conclusion concernant le PS est édifiante : les cartes sont bien brouillées !

    @etiennegabriel : au moins aurais-je fait mentir Alain smiley !


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