mercredi 19 mars 2008 - par Sylvain Rakotoarison

Les nouveaux sous-ministres du gouvernement de François Fillon

Un secrétaire d’État s’en va, Christian Estrosi, et six secrétaires d’État arrivent : Christian Blanc, Hubert Falco, Anne-Marie Idrac, Yves Jégo, Alain Joyandet et Nadine Morano.

Le mini-remaniement ministériel du 18 mars 2008 aura été avant tout la victoire de François Fillon sur Nicolas Sarkozy dans les discussions au plus haut sommet de l’État.

Entre Sarkozy et Fillon

Début janvier 2008, Nicolas Sarkozy envisageait un profond changement dans le gouvernement ou, du moins, le disait pour faire pression sur les ministres. Il envisageait aussi une politisation à outrance des élections municipales.

Mais l’effondrement de la popularité présidentielle et, surtout, la popularité naissante du Premier ministre François Fillon ont inversé la donne.

François Fillon avait réussi à reprendre la main, déjà lorsqu’il a mis en place un système d’évaluation de ses ministres (Nicolas Sarkozy aurait été agacé par cette initiative de Matignon), et son implication systématique dans la campagne électorale de mars 2008 l’a enfin placé comme le chef reconnu de la majorité parlementaire, faisant le lien entre les directives élyséennes et les doléances des députés UMP qui n’ont pas réussi, entre autres, à avaler la couleuvre du rapport de Jacques Attali.

Sursis pour certains

De fait, le maintien de tous les ministres, ceux dont on annonçait depuis six mois le départ (Hervé Morin, Christine Lagarde, Christine Boutin, Christine Albanel, Hervé Novelli, etc.) et ceux qui ont échoué aux municipales (Christine Lagarde, Christine Albanel, Xavier Darcos, Rama Yade), reporte à au-delà du 31 décembre 2008 (fin de la présidence française de l’Union européenne) le grand chambardement ministériel... ou, alors, à après les élections européennes de juin 2009.

Ah non, un secrétaire d’État s’en va : Christian Estrosi, devenu maire de Nice. Il me semble qu’il ait été piégé entre les deux tours par Patrick Devedjian, secrétaire général de l’UMP, lui-même piégé par une question sur le cumul des mandats de Jean-Michel Aphatie sur RTL, en lui demandant de quitter le gouvernement en cas d’élection. Piège pourtant pas refermé ni par Nicolas Sarkozy ni par François Fillon qui n’ont pas hésité à faire revenir au gouvernement le maire de Toulon.

Dans les derniers jours, la lenteur des décisions laissait entendre quelques hésitations, et certains se mirent à espérer, à l’instar du nouveau maire d’Agen, le député NC Jean Dionis du Séjour (ex-bayrouiste), du sénateur MoDem de Lyon, Michel Mercier (surtout préoccupé par sa réélection à la tête du Conseil général du Rhône), ou du secrétaire général adjoint de l’UMP, Dominique Paillé (ex-UDF).

Retour au professionnalisme politique

Ce remaniement est finalement le retour à la politique traditionnelle et la fin des originalités sarkozyennes.

Dans les changements, les deux sous-ministres conquérants d’une ville, Laurent Wauquiez et Luc Chatel, sont promus, et Alain Marleix, l’expert élections de l’UMP, va commencer, auprès de Michèle Alliot-Marie, le si attendu mais si explosif projet de redécoupage électoral.

Mais le principal enseignement de ces changements, c’est que Xavier Bertrand n’obtient pas la responsabilité de l’Emploi qu’il voulait compléter avec le Travail et, au contraire, Christine Lagarde, qui en avait la charge, s’étoffe d’un secrétariat d’État (confié au jeune espoir Laurent Wauquiez qui sera présent à chaque Conseil des ministres). Une marque de François Fillon qui était contre tout renforcement des responsabilités de Xavier Bertrand (qui s’étoffe malgré tout d’un secrétariat à la Famille).

Dans les arrivées, trois personnalités, très fidèles à Nicolas Sarkozy dès 2002, dont deux porte-parole de l’UMP, sont enfin nommées, alors qu’elles étaient attendues dès juin 2007 : Nadine Morano (malgré son échec assumé à Toul), Yves Jégo (qui sera aussi présent à chaque Conseil des ministres) et Alain Joyandet (moins connu).

Voici donc les six nouveaux secrétaires d’État.

Christian Blanc chargé du Grand Paris

65 ans, député depuis 2002, ancien président de la RATP et d’Air France.

Christian Blanc est avant tout un rocardien qui a su mener à bien la réconciliation en Nouvelle-Calédonie avec les Accords de Matignon en 1988.

Démarrant une carrière de haut fonctionnaire (il est préfet de Seine-et-Marne en 1985), il se voit confier la RATP en 1989 puis Air France en 1993, deux postes dont il a démissionné à la suite de désaccords avec le gouvernement. Il poursuit son chemin de manière très diverse (notamment avec des start-up et une banque).

Il entre dans le monde politique en 2002 lors de l’élection partielle consécutive à la démission d’Anne-Marie Idrac. La troisième circonscription des Yvelines est UDF, mais l’UMP cherchant à la conquérir, François Bayrou réussit à convaincre Christian Blanc de se présenter et est finalement élu député contre le candidat UMP, renforçant le sentiment d’existence de l’UDF malgré la transhumance des parlementaires provoquée par la création de l’UMP.

En 2006, il demande audacieusement la démission de Jacques Chirac pour stopper l’immobilisme et lance un comité d’action pour la modernisation de la France avec Alain Lambert et Jean-Marie Bockel (maintenant, son collègue au gouvernement), insistant notamment sur le péril de l’importante dette publique comme l’a si souvent martelé François Bayrou dans sa campagne présidentielle.

Pourtant, en 2007, comme André Santini, Christian Blanc soutient dès le premier tour de la présidentielle Nicolas Sarkozy puis se fait réélire député sous l’étiquette NC.

Christian Blanc a beaucoup réfléchi sur l’indispensable redynamisation de l’économie française et fut à l’origine de la création des pôles de compétitivité mis en place par Jean-Pierre Raffarin.

Hubert Falco chargé de l’Aménagement du territoire

60 ans, maire de Toulon depuis 2001.

Hubert Falco est un vieux routier de la politique varoise et après les baronnies de Maurice Arreckx et de François Trucy, il est devenu le maître du Var lorsqu’il a repris au FN Jean-Marie Chevallier la mairie de Toulon.

Loin du sérail politique, Hubert Falco assume ses origines modestes et son absence de diplôme due à la mort de son père et à la reprise de l’entreprise familiale.

Élu député en 1988, puis 1993, élu sénateur en 1995, Hubert Falco devient président du Conseil général du Var en 1994 (à la suite de l’échec de Maurice Arreckx battu par un FN), qu’il abandonne en 2001 pour cause de cumul de mandats. Il devient secrétaire d’État aux Personnes âgées entre 2002 et 2004.

Hubert Falco est en quelque sorte le nettoyeur du système Arreckx dans le Var et a misé sur sa volonté de rendre plus transparente la vie politique varoise.

Anne-Marie Idrac chargée du Commerce extérieur

56 ans, ancienne présidente de la RATP et de la SNCF.

Anne-Marie Idrac est née dans la politique, fille d’André Colin, ancien résistant et un des leaders de la démocratie chrétienne bretonne, membre MRP de sept gouvernements entre 1946 et 1958.

D’abord ‘technocrate’ et énarque, épouse de préfet, elle entre dans les deux gouvernements Juppé comme secrétaire d’État aux Transports (1995-1997) puis s’investit à l’UDF, devenant une jeune espoir de François Bayrou qui la bombarde secrétaire générale de l’UDF et lui donne une investiture dans la 3e circonscription des Yvelines.

Élue députée en 1997 puis 2002, elle s’éloigne de la politique pour prendre en charge la RATP en 2002 puis la SNCF en 2006 (pour succéder à Louis Gallois nommé à EADS) dont elle ne voit pas le renouvellement de mandat en février 2008.

Son retour en politique en fait une nouvelle ‘centriste sarkozyste’ (dont je ne connais pas l’étiquette officielle) au sein du gouvernement au même titre que Christian Blanc.

Yves Jégo chargé de l’Outre-Mer

46 ans, maire de Montereau depuis 1995, député de Seine-et-Marne depuis 2002.

En politique depuis presque trente ans, il est fonctionnaire territorial depuis 1986. Gaulliste social, il a exprimé des idées progressistes sur la politique de la ville, l’intégration (sa ville s’y prête bien), l’entrée de la Turquie à l’Union européenne...

Certains pensent que sa grande fidélité à Nicolas Sarkozy aurait dissuadé Jean-Pierre Raffarin puis Dominique de Villepin de le nommer dans leur équipe gouvernementale en avril 2004 puis en juin 2005.

Chargé des nouveaux adhérents UMP, Yves Jégo souhaiterait se présenter à la présidence du Conseil régional d’Île-de-France en 2010 (convoitée aussi par un autre secrétaire d’État, Roger Karoutchi).

Dans son blog ce 19 mars 2008, Yves Jégo s’engage ainsi dans ses nouvelles responsabilités : « Je m’emploierai à démontrer que l’Outre-Mer, fort de son métissage et de sa jeunesse, est une chance pour la France ».

La nomination d’Yves Jégo va sans doute rééquilibrer la situation au sein de l’UMP de Seine-et-Marne, dominée par les anciens ministres Jean-François Copé (député-maire de Meaux et président du groupe des députés UMP) et Christian Jacob (député-maire de Provins et président de l’UMP de Seine-et-Marne).


Alain Joyandet chargé de la Coopération et de la Francophonie

54 ans, maire de Vesoul depuis 1995.

Ancien journaliste, il fonde un groupe de presse locale (Franche-Comté). Sénateur de 1995 à 2002 et député depuis 2002.

Ami d’Alain Juppé, puis proche de Nicolas Sarkozy, qui l’a conforté par un déplacement à Vesoul à trois jours du premier tour des municipales, Alain Joyandet est secrétaire national de l’UMP chargé des fédérations et a échoué face à Jean-François Copé pour diriger le groupe des députés UMP.

Dans son blog ce 19 mars 2008, il ne cache pas sa joie d’être nommé au gouvernement.

Nadine Morano chargée de la Famille

44 ans, députée de Toul depuis juin 2002 et porte-parole de l’UMP.

J’aurais plus de mal à l’objectivité avec Nadine Morano car je la connais depuis 1988 à Nancy. C’est une jeune femme qui n’a pas sa langue dans sa poche et sa franchise, que j’ai vu œuvrer auprès de tous (contre tous ?!), y compris les plus grands, est très rafraîchissante et part du principe que chacun est égal et que les titres et fonctions ne font pas d’une personne un surhomme infaillible.

Son rôle de porte-parole de l’UMP en a fait un ‘roquet’ désagréable allant parfois à faire des déclarations très excessives et totalement infondées (notamment sur la rétention de sûreté).

J’espère que cette nouvelle fonction permettra à Nadine Morano de donner toute sa mesure dans des sujets où elle a des idées très peu orthodoxes (notamment sur l’homosexualité ou sur l’euthanasie).

Un peu plus de politique, un peu moins de paillettes

Un petit tour de vis très politique, replié sur l’UMP, sans ouverture socialiste ni débauchage centriste (ni Jean-Marie Cavada ni Michel Mercier ne font leur entrée au gouvernement).

Bref, une opération chirurgicale pour mieux professionnaliser l’action gouvernementale.

François Fillon a de quoi pavoiser.

Enfin, sauf pour les 63 % qui jugent aujourd’hui inefficace l’action économique de son gouvernement.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 mars 2008)

Pour aller plus loin :

Changements dans la composition gouvernementale.

Communiqué de l’Élysée du 18 mars 2008 à 20h03.

Composition actualisée du 2e gouvernement de François Fillon.

Les modifications à l’Élysée.



13 réactions


  • jako jako 19 mars 2008 14:33

    Six secrétaires d’état en plus (avec d’autres fonctions en plus...) c’est sur que l’on avance bien au niveau économies budgétaires et réduction des fonctionnaires.


  • valere valere 19 mars 2008 15:40

    D’accord avec Jako, cela commence à en faire du monde au Gouvernement !!

    Et après on viendra nous expliquer qu’il faudra faire des réformes pour trouver l’argent de leurs salaires à tous ces gens.

    Ces nominations sont plus ressenties comme des "récompenses" que comme un réel besoin gouvernemental.

    A quand les réductions des dépenses du gouvernement envers lui même ?
    On supprime des postes d’enseignants pour "économiser" et à côté ça embauche à tours de bras. Sarko a t-il conscience des besoins réels de la France ??? Quand va t-il arrêter le népotisme ???

    A suivre....

     


  • dayday 19 mars 2008 17:27

    La "montée" de notre premier ministre dans les sondages ne serait-elle pas juste un leurre (oui oui j’ose dire que les sondages ne sont que manipulation) pour détourner le mécontentement des français envers la politique du gouvernement.

    J’avais déja trouvé bizarre que les médias insistent sur le mécontentement vis à vis de sarko et sa baisse dans les sondages beaucoup plus que sur le mécontentement vis à vis de la politique libérale, maintenant ça prend un sens...le méchant sarko est sur la touche alors que gentil Fillon reprend les choses en main. (pour faire exactement la même chose au final...).


  • ronchonaire 19 mars 2008 17:31

    "Il envisageait aussi une politisation à outrance des élections municipales. Mais l’effondrement de la popularité présidentielle et, surtout, la popularité naissante du Premier ministre François Fillon ont inversé la donne."

    C’est surtout la branlée qu’ils ont reçue qui les ont incité à ne pas politiser ces élections ; si la droite avait gagné, nul doute qu’ils en auraient profité pour nous rappeler à quel point tout ce qu’ils font est formidable (et pourquoi en douter vu qu’ils le font déjà alors qu’ils ont perdu ?) 

     A part ça, il faudra quand même m’expliquer à quoi sert un secrétaire d’Etat du "Grand Paris", sachant qu’il existe déjà des mairies, une communauté urbaine, un conseil général et un conseil régional d’Ile-de-France. Il va faire quoi au juste, à part mettre des bâtons dans les roues de tous les socialistes qui dirigent ces administrations ?


  • Vincent 19 mars 2008 18:03

    Avec Mme Idrac on peut dire que le commerce exterieur est sur les rails, reste à savoir si ce seront ceux du métro ou du TGV.

     

    Cleal dit, j’attends avec impatience les résutats d’audit commandés par le premier ministre envers ses ministres.

    Par contre le seuil d’inefficacité n’est pas dénifi, donc suite aux probables mauvais résultat les mauvais élèves auront le droit à un joker je pense, on nous dira que ce n’est pas de leur faute s’ils n’y arrivent pas aussi vite que prévu, car la crise des subprime plombe l’ensemble de l’économie mondiale.

     


  • tvargentine.com lerma 19 mars 2008 21:47

    Voila de l’information objective sans dérapage dans des théories de complôt ou d’anti-sarkozysme primaire

    Il est faux de croire que les français rejetent le gouvernement mais ce gouvernement se trouve devant un mur d’argent à l’image de la gauche en mai 1981,qui empêche toute sortie de crise à court terme

    Le gouvernement ne peut pas faire baisser le cours du blé qui a pris 70% depuis le début 2008

    Le gouvernement ne ^peut pas faire baisser le cours du prix du pétrole !

    Ce que reproche les français c’est que nous avons une impression que la crise financière avance inexorablement et va engendrer d’énorme dégat en terme d’emplois et que personne ne sera capable d’arrêter "cet alien" engendré par les manipulations financières


    • superesistant superesistant 20 mars 2008 13:43

      ahh

      on me signale en régie que Lerma n’as pas déclaré objectivement s’il avait voté ou non pour cet article en tant que modérateur...

      merci de vous placer lerma....


  • moebius 19 mars 2008 22:20

    ..vous avez enfin compris que le gouvernement ne maîtrise absolument rien, même plus son image Devant lui se dresse un mur qui n’est pas celui de l’argent mais celui qu’il va percuter le pied sur l’accélérateur. En votant pour Sarkozy les français ont voté pour une politique qui a perdu maintenant ses dernières certitudes et son arrogance. Les français doutent de l’orientation politique qu’ils ont pris et c’est aussi simple que ça. Pas même la gauche pas même l’opposition ne parvient à les rassurer en leur offrant le don d’une alternative. Nous n’entendons plus qu’une plainte lancinante......................


    • moebius 19 mars 2008 22:28

      ..écoutez la plainte lancinante des victimes, ici...........................y’a bon hein ! le ressentiment miam miam, et bon ! maintenant respirez a fond


  • morice morice 20 mars 2008 13:18

     "Christian Blanc est avant tout un rocardien " ben non mon vieux, c’est avant tout un homme de sérail qui prend n’importe quel boulot ! mais le mieux c’est votre HOMMAGE appuyé à cette dinde de Morano : "J’aurais plus de mal à l’objectivité avec Nadine Morano car je la connais depuis 1988 à Nancy. C’est une jeune femme qui n’a pas sa langue dans sa poche et sa franchise, que j’ai vu œuvrer auprès de tous (contre tous ?!), y compris les plus grands, est très rafraîchissante et part du principe que chacun est égal et que les titres et fonctions ne font pas d’une personne un surhomme infaillible." franchement, vous vous sentez bien là ? La pire de tout l’UMP, détestée par ses pairs, qui se méfient TOUS d’elle car elle est incontrôlable qui devient dans votre bouche de cireurs de pompes élyséennes quelqu’un qui se reconnaît à "sa franchise".. en allant déguisée aux meetings ? Vous charriez, là, Sylvain !!! Vous vous comportez comme un vil laquais de pouvoir, là : on le pressentait depuis votre funeste "Pasqua ange", ça se confirme de pire en pire !!! Et sur Marchiano, vous allez aussi nous sortir un couplet sur les "anges" ??? C’est grotesque, ce panégyrique appuyé !!! La droite n’est plus décomplexée ; elle ose tout : même faire croire que vous n’êtes pas PARTISAN . Or, on s’en doutait : vous n’êtes là que pour dire du bien d’un pouvoir en place !!! "opération chirurgicale pour mieux professionnaliser l’action gouvernementale" osez vous écrire : chirurgie faciale au botox et lippo-succion du français moyen, oui !!! 


  • chmoll chmoll 20 mars 2008 13:27

    l’élysée circus s’agrandit,première représentation mercredi matin


  • FYI FYI 20 mars 2008 13:39

    A quand la délocalisation de l’Elysée, de matignon et de l’Assemblée Nationale ?


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