mardi 21 octobre 2014 - par Laurent Herblay

Macron et Sapin à Berlin : le Munich économique de la France

Quelle humiliation pour Paris ! Le gouvernement se comporte comme le mauvais élève qui vient quémander à Berlin le soutien du meilleur élève pour amadouer la maîtresse, la Commission, qui est paradoxalement repréésentée par celui qui a mené notre pays dans cette situation, Pierre Moscovici.

La France, sans la grandeur, et même l'honneur
 
Il est tout de même extrêmement humiliant pour notre pays que François Hollande ait carrément envoyé à Berlin Emmanuel Macron et Michel Sapin pour tenter d'allumer un contre-feu aux menaces que font peser sur notre pays les accords européens qu'il a acceptés. A minima, pour la forme, il aurait pu trouver un terrain plus neutre pour une telle rencontre. Là, le fait que les ministres de l'économie et du budget se déplacent de concert à Berlin pour quémander le soutien de notre voisin face au front de critiques créé par la présentation du budget 2015, qui affiche un déficit de 4,3% du PIB, comme en 2013, alors que Pierre Moscovici avait promis de le réduire à 3% du PIB au printemps 2013...
 
Bien sûr, les ministres, ces communicants de la pensée néolibérale, ont trouvé une bonne grosse ficelle pour essayer de faire passer la pilule. Emmanuel Macron propose une baisse des dépenses de 50 milliards en France et un plan de 50 milliards d'investissements en Allemagne, façon de faire comme s'il s'agissait d'un 50/50. Mais la rustine est un peu grosse. On peut d'ors et déjà soupçonner que les 50 milliards d'investissements de l'Allemagne ne seront pas 100% additionnels, comme le dérisoire plan de croissance européen négocié par Hollande contre la ratification du TSCG en juin 2012 (dont on a bien vu l'effet...) et qu'il portera sur plusieurs années. Et on peut imaginer que le plan Allemand profitera essentiellement à Berlin, notre voisin n'étant pas le dernier en matière de protectionnisme subtil.
 
L'UE, c'est l'Europe de la loi du plus fort

En revanche, les 50 milliards d'économie en France feront mal à l'économie. Selon les calculs du FMI, ils devraient nous coûter entre 2,25 et 4 points de PIB sur 3 ans (ce qui pénalisera l'Allemagne, dont nous sommes un des premiers clients...). Bref, il s'agit d'un marché de dupes où nous nous serrons plus encore la ceinture en échange de quoi l'Allemagne mettra un peu de beurre dans ses épinards, dont tout le monde a conscience. Et puis, même s'il est vrai que l'équipe au pouvoir croit sans doute à ce qu'elle fait, il est tout de même extrêmement humiliant que la France vienne échanger ses mesures contre le soutien de l'Allemagne face aux critiques d'autres partenaires et de la Commission.

Bien sûr, notre situation est moins humiliante que celle du Portugal ou de la Grèce, à qui on a refusé un référendum et dont on achangé le premier ministre et obtenu un programme inhumain. Cela vient de notre force, bien supérieure à celles d'Athènes. En fait, l'UE, loin d'être un projet de coopération solidaire entre peuples, n'est qu'un exercice de reconfiguration de nos sociétés pour imposer la loi du plus fort. Parce que l'Allemagne est le créancier de dernier ressort, elle peut imposer ses conditions. D'où l'exercice humiliant auquel se sont livrés Emmanuel Macron et Michel Sapin, qu'ils essaieront de rhabiller illusoirement comme un nouvel exemple de coopération franco-allemand, alors qu'ils se comportent comme des serfs avec leur seigneur, même s'ils ont plus de marges de manoeuvre que d'autres.
 
Cette europe démolit la démocratie en la corsettant toujours davantage dans des contraintes qui ne font de nos dirigeants que des communicants camouflant leur impuissance. Même pendant la Seconde Guerre Mondiale, le Général de Gaulle ne se serait pas plié à une telle humiliation.


15 réactions


  • Scual 21 octobre 2014 12:39

    C’est fait exprès hein.

    Faut pas croire que tout ça est autre chose qu’une mise en scène destinée à nous envoyer un message à nous le peuple.


    • Piotrek Piotrek 21 octobre 2014 14:24

      Oui c’est bizarre le CAC 40 remonte en flèche d’un coup, après un mois de chute libre.


    • colza 21 octobre 2014 19:52

      Je me faisais exactement la même réflexion.

      Tous les responsables politiques européens sont les salariés du même patron et nous jouent une comédie destinée à nous faire croire qu’ils s’occupent de leurs pays.
      Qui se cache derrière le rideau ?



    • Indépendance des Chercheurs Indépendance des Chercheurs 23 octobre 2014 07:21

      C’est l’aboutissement d’un long processus de développement suicidaire du capitalisme en France et en Europe.

      L’exportation « libérale » de capitaux français et britanniques vers l’Allemagne au XIX siècle s’est soldée par la défaite de Napoléon III devant Bismarck en 1870. « Pour que ça n’arrive plus », et pour « préparer la revanche », le capitalisme français a mis en place l’impérialisme protectionniste et la « grande expansion coloniale » de Léon Gambetta, Jules Ferry et consorts (avec le discours de Jules Ferry sur les « droits et devoirs des races supérieures » et tout le reste). L’Allemagne et d’autres puissances européennes de l’époque ont fait pareil. Résultat des rivalités entre puissances coloniales et impérialistes : la première guerre mondiale, trois décennies plus tard, suivie de la montée du fascisme et du nazisme, et d’une deuxième guerre encore plus destructrice.

      Si la guerre de1914-18, avec ses effets dévastateurs sur les plans humain et matériel, a été à l’origine d’une fuite massive de capitaux vers les Etats-Unis et a permis à ce pays de devenir la première puissance planétaire, après la deuxième guerre mondiale la situation de l’Europe occidentale était critique sur le plan stratégique. Il en a résulté la tant vantée « construction européenne » dont on voit le résultat. 

      Le pire, c’est que personne n’a bougé lorsque Jacques Delors a fait adopter l’Acte Unique Européen en 1986, et que les négociations en vue de la création de l’Organisation Mondiale du Commerce ont commencé.

      A noter que dans cette évolution, les « régionalismes » ne sont pour rien. Ce qui se passe en ce moment montre bien que le grand capital s’estime très bien représenté par les coupoles des Etats actuels et que, par exemple, les mouvements indépendantistes de l’Ecosse ou de la Catalogne lui font peur pour ce que pourrait avoir « d’incontrôlé » l’accès des uns ou des autres à l’indépendance (imaginez que « la populace s’en mêlait » et qu’ils n’adhéraient pas à l’Union Européenne).

      Dans tout cela, non seulement la langue française est de plus en plus menacée par l’hégémonie de l’anglais, mais la France subit une véritable catastrophe culturelle avec la disparition programmée des « langues régionales ». Voir, par exemple, nos articles :

      La Catalogne, pays de langue d’Oc (I) et (II)

      http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2014/10/19/la-catalogne-pays-de-langue-d-oc-i-50319.html

      http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2014/10/21/la-catalogne-pays-de-langue-d-oc-ii-50331.html

      Après la langue d’Oc, sera-ce le tour du français ?


      Cordialement

      Le Collectif Indépendance des Chercheurs
      http://science21.blogs.courrierinternational.com/
      http://www.mediapart.fr/club/blog/Scientia

      Lire la suite ▼

  • zygzornifle zygzornifle 21 octobre 2014 15:24

    blablabla pour les membres du gouvernement , chomechomechome pour beaucoup d’autres .........


  • tf1Groupie 21 octobre 2014 22:14

    Ah bon sang quelle humiliation  smiley


  • Garance 22 octobre 2014 07:18

    Nous sommes dans l’ère de la rustine et des bouts de ficelles


    Le Mosco ne doit plus se sentir pisser de voir son ancien taulier venir s’aplatir devant lui

    Bien que nous soyons au fond du trou ; ils creusent encore

  • Le421... Refuznik !! Le421 22 octobre 2014 08:45

    Quand, au Front de Gauche, Moscovici s’est fait traiter de « salopard », cela a été la bronca générale...
    Quand Cahuzac disait en direct à Mélenchon : « Arrétez de faire le clown », tout le monde se marrait.
    Quand le même Mélenchon parlait des accords du Grand Marché Transatlantique en 2012, les autres calculaient si taper sur les immigrés serait plus porteur...
    Nous avons les élites que nous méritons. Un tas de cons mis aux commandes par une bande de cons*... Je sais, c’est cru comme paroles, et je vous demande de m’en excuser.
    Mais je n’ai pas trouvé de terme plus adapté.
    *Problème majeur d’une démocratie ou les électeurs passent leur chemin...


  • franc tireur 22 octobre 2014 10:58

    Quels 50 milliards d économie ? Ou les voyez vous ?

    Vous etes completement a la masse sur ce site. il y aura probablement pas plus de 9 milliards au lieu de 21 pour cette année. Il n y a jamais eu d austérité , tout au plus un peu de rigueur ( rigueur ,le contraire de laxisme , faut il rappeler..)
    Les dépenses publiques francaises sont in-con-tro-lables et atteindront probablement 60% du PIB en 2017 selon les dires de hauts fonctionnaires de Bercy a des journalistes des Echos.
    Il n’y a meme pas déconomies sur le personnel , les embauches continuent et sont transférées dans les agences d’Etat afin de présenter des chiffres pseudo rigoureux.
    On supprime le tiers payant par ci, on crée une subvention de creches par la , on compense le rébime plus strict imposé aux intermittents par la convention chomage etc etc 
    la CdC nous a recemment appris que les collectivités ont massivement embauchés en 2013, faisant exploser leurs deficits a 9 milliards.
    Bref devant l’ampleur de la tache le gouvernement a laché les déficits et c est bien pour ca que nos partenaires ayant fait les efforts sont furieux que les francais échappent aux sanctions .
    La seule raison pour laquelle on échappera a la sanction malgré nos manquements graves de gestion, c est la crainte de voir les marchés réattaquer l’euro. 


    Lire la suite ▼

  • franc tireur 22 octobre 2014 11:10

    le duo franco allemand est en panne et ce récent rapprochement n est evidemment que de facade, un peu de com ne fait pas de mal pour tenter de ressouder une europe en voie de désunion.

    le contrat c est que les allemands vont faire semblant d investir pendant que les francais vont faire semblant de reformer,ca convient tres bien aux deux parties.
    c est le statu quo en attendant la suite, une implosion de l euro, un krack financier ..

  • kssard kssard 22 octobre 2014 23:19

    oui ça fait un moment que la politique de Hollande me fait penser à la collaboration sous Vichy. Aujourd’hui Sapin Macron à Berlin, c’est Pétain à Montoire en 40. J’ai honte pour la France. Peut être faut-il considérer que c’est une parenthèse de l’histoire...


  • Xenozoid 23 octobre 2014 00:20

    see
    pinsole ne dit que ce quíl faut dire


  • BA 23 octobre 2014 21:05

    Depuis des années, la BCE prête des centaines de milliards d’euros aux banques européennes. Avec cet argent, les banques achètent des obligations émises par leur Etat.

    Les banques italiennes achètent des obligations de l’Etat italien. Les banques espagnoles achètent des obligations de l’Etat espagnol. Les banques portugaises achètent des obligations de l’Etat portugais. Etc.

    Regardez bien les graphiques 3a et 3b :

    http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=74349

    En clair : il ne reste plus que la BCE pour empêcher l’effondrement généralisé des Etats européens.

    Malheureusement, cette gigantesque bulle de dette publique continue à gonfler.

    Malheureusement, cette gigantesque bulle de dette publique ne peut pas gonfler jusqu’au ciel.

    Il arrive toujours un moment où une bulle finit par faire …

    … plop !

    La Grèce, l’Italie, le Portugal, l’Irlande, Chypre, la Belgique, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni sont en faillite.

    Jeudi 23 octobre 2014 :

    La dette publique en hausse à 92,7% du PIB dans la zone euro.


    1- Médaille d’or : Grèce. Dette publique de 317,499 milliards d’euros.

    2- Médaille d’argent : Italie. Dette publique de 2168,855 milliards d’euros.

    3- Médaille de bronze : Portugal. Dette publique de 224,129 milliards d’euros.

    4- Irlande : dette publique de 209,702 milliards d’euros.

    5- Chypre : dette publique de 19,365 milliards d’euros.

    6- Belgique : dette publique de 433,274 milliards d’euros.

    7- Espagne : dette publique de 1012,606 milliards d’euros.

    8- France : dette publique de 2023,668 milliards d’euros.

    9- Royaume-Uni : dette publique de 1552,344 milliards de livres sterling.

    http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/2-23102014-AP/FR/2-23102014-AP-FR.PDF

    Lire la suite ▼

Réagir