vendredi 1er février 2019 - par
Macron ranime la lutte des classes
Il est curieux que ce point ne soit pas davantage noté. Malgré les politiques oligarchiques à l’œuvre depuis plus de 30 ans, la lutte des classes s’était faite plus discrète et son expression restait le plus souvent marginale ou minoritaire. Et si Macron, par la conjugaison et d’un fond et d’une forme toxiques, avait véritablement ranimé cette lutte, de plus en plus volontairement ?
Le réduit des gagnants, où il fait le vide
Depuis le début, Macron est le candidat des classes supérieures. Ses résultats au premier tour le montraient de manière spectaculaire avec des résultats particulièrement forts dans presque tous les beaux quartiers de France. Tout, chez lui, renvoie à cela : son programme, bien sûr, dont la mise en place a consisté à donner beaucoup aux 1% les plus riches, et plus encore son discours. Ils ne cessent de vanter la « start up nation » et ses entrepreneurs et ne cessent de mettre en accusation ses classes populaires, dont une partie n’aurait pas le goût de l’effort… Macron est clairement du côté des gagnants de la globalisation, défendant le fait de leur donner plus, arguant que cela va produire un ruisselement.
L’exercice du pouvoir, et de la révolte des gilets jaunes, loin de le pousser à la modération, le pousse à aller encore plus loin, au contraire. Quand des Français l’interpellent sur l’ISF dans les débats, il répond chômage de masse, ce qui n’a pas de sens étant donné que des pays sans ISF ont eu beaucoup plus de chômage que nous et qu’il y a bien d’autres raisons à ce chômage (démographie, libre-échange, euro, fiscalité…). Depuis quelques semaines, la révolte des gilets jaunes le pousse plus à droite, le grand débat le révélant crûment entre ses appels à la baisse des dépenses publiques et des impôts, le discours sécuritaire, les quotas migratoires ou la suppression des allocations familiales.
Sur certains sujets sociétaux, Macron déborde Les Républicains par la droite, comme il l’avait déjà fait sur l’économie, comme s’il voulait rassembler tous les gagnants de la globalisation, qu’ils viennent de la gauche comme de la droite, dans la volonté d’anéantir LR, alors l’avoir fait pour le PS. Car Macron est bien le rassembleur des classes supérieures venues du centre-gauche et de la droite. Son objectif est sans doute de se retrouver entre Mélenchon et Le Pen, espérant sans doute créer une configuration gagnante à tous les coups. Le coup de barre à droite récent visant à la marginalisation de LR, un objectif qui semble réalisable tant LR est inaudible aujourd’hui face à la politique de Macron.
Mais ce pari ne sera pas forcément gagnant car s’il lui a permis d’arriver à l’Elysée et de phagocyter le PS et LR, sa façon de faire, brutale et agressive, a aussi eu le don de révéler que les politiques qu’il défend sont extrêmement minoritaires, comme le montre le sondage qui révèle que deux tiers des Français soutiennent toujours les gilets jaunes mi-janvier. Bien sûr, il n’a que faire de ne pas être majoritaire idéologiquement, la seule chose qui compte étant d’être le mieux placé possible pour garder le pouvoir, ce qui est encore le cas, du fait des immenses limites de ses principaux opposants, de Mélenchon à Le Pen, en passant par Wauquiez. Mais gagner en étant le moins pire a des limites.
Car entre temps, il a réveillé la lutte des classes, qui s’exprimait en partie par le vote FN, un vote très social. Aujourd’hui, l’opposition à Macron est un fort marqueur social, où le président n’est pas moins minoritaire que Marine Le Pen en mai 2017 idéologiquement, sa seule chance étant que son opposition reste désunie, diverse et fragmentée. Mais il a rassemblé une grande majorité des classes populaires et moyennes contre sa politique, tout en refusant absolument de changer de cap, nourrissant une opposition dure à son égard. Grâce à lui, les Français se sont rassemblés pour dire ce dont nous ne voulons plus plus, à défaut de s’unir sur un nouveau projet de société, mais c’est une première étape.
Parce qu’il est le président assumé des 1%, qui fait la leçon et agresse tous les autres, « réfractaires et n’ayant pas le sens de l’effort », Macron a entamé une lutte de plus en plus ouverte des élites contre le peuple. Mais ce faisant, il rassemble une nette majorité majorité contre lui. La configuration de l’opposition le protège, pour l’instant, mais cela sera-t-il durable…