samedi 9 septembre 2017 - par
Maduro, de Gaulle : le révoltant deux poids, deux mesures des Insoumis
Bien sûr, la réalité de la situation du Vénézuela est plus complexe que certains la présentent. Mais tout de même, quand Mélenchon dit d’une part « je n’ai pas l’intention de faire un coup d’Etat, je ne suis pas le Général de Gaulle » et qu’il concède tout juste à admettre les « faiblesses » de ses « amis » du Vénézuela, comment ne pas être pris de vertige par ce deux poids, deux mesures ?
Un curieux et inquiétant rapport à la démocratie
C’est sûr, la situation au Vénézuela est complexe, plus complexe que ce qu’en rapportent bien des médias. Je vous renvoie à des papiers que j’ai mis sur les réseaux sociaux cet été, de l’interview de l’ancien chef de cabinet de Nicolas Maduro dans le Monde, en passant par le papier de Romain Blachier. Le meilleur article que j’ai lu reste sans doute celui de Gaël Brustier, qui remet en perspective l’histoire du pays, rappelant que la force n’est pas seulement du côté du gouvernement, qu’il y a des milices très violentes également dans l’opposition et que l’Etat n’y est pas très solide. Même en soulignant la redistribution plus juste des recettes du pétrole, ils soulignent également que le pays va mal.
Bien sûr, les média insistent sur le Vénézuela avec les Insoumis, mais est-ce vraiment injuste ? Bien sûr, Chavez a fait de bonnes choses pour son pays : il a refusé l’ingérence étasunienne, mieux distribué la richesse et mis en place une vraie démocratie, pouvant le remettre en cause. Mais, comme je l’avais souligné en février 2014, avant la curée actuelle, le régime au pouvoir à Caracas n’est pas exempt de tout reproche. Sa gestion économique est aujourd’hui un profond échec du fait d’avoir joué à la cigale pendant la hausse des cours du pétrole et oublié le développement des autres secteurs de l’économie : cela se solde aujourd’hui par une hyperinflation, un appauvrissement accéléré, et des carences de toutes sortes. Le chavisme n’a pas sorti le pays de sa dépendance vis-à-vis de l’or noir.
Mais comme je le soulignais également en février 2014, le régime s’éloigne de plus en plus de la démocratie. Certes, l’opposition a pu gagner les législatives (au contraire d’une dictature, où la population a rarement la possibilité de pouvoir exprimer un tel choix), mais Nicolas Maduro a abusé maintes fois de ses pouvoirs pour neutraliser cette victoire, au point même de provoquer une faille dans son camp. Et la nouvelle assemblée qui a été « élue » pour la remplacer et écrire une nouvelle constitution éloigne plus encore le pays d’une vraie démocratie, pour devenir une forme de dictature.
Face à cela, Mélenchon s’est contenté de dire « nous ne perdrons pas notre temps à jeter des pierres à nos amis dont nous savons qu’ils ne sont pas parfaits puisque nous-même ne le sommes pas, et qu’il y a dans toutes ces expériences des moments lumineux et parfois des faiblesses », préférant cogner sur les Etats-Unis. Cette déclaration est extrêmement choquante à plusieurs titres. D’abord, qualifier le régime de Maduro d’amis pose sacrément problème étant donné le désastre économique, social et démocratique des dernières années. Ensuite, le terme « faiblesses » semble tout de même un peu faible. Enfin, si lui aussi n’est pas parfait comme l’est Maduro, il y a quand même du souci à se faire…
Adrien Quatennens, intéressant sur d’autres sujets, s’est contenté de dire « qu’entre le blanc et le noir, il y a toute une palette de gris ». Sauf que, pour être gris, il faut du blanc, et il est tout de même difficile à discerner aujourd’hui. Et quand on met en perspective la déclaration de Mélenchon en avril 2017 sur le coup d’Etat et le Général de Gaulle, difficile de ne pas être profondément choqué. LFI est plus dure avec le Général qu’avec Nicolas Maduro, ce qui est tout de même ridicule. Rappelons qu’en 7 mois, en 1958, le Général est élu deux fois par les parlementaires, qu’il gagne largement un référendum et des législatives, et qu’à la première défaite électorale, il quitta le pouvoir immédiatement.
L’effarante complaisance et le refus d’exprimer la moindre critique à l’égard de Maduro n’en deviennent que plus choquants et amènent, il faut bien le dire, à entretenir des doutes sur le caractère véritablement démocratique de Mélenchon. C’est une chose d’attaquer le Général de manière mesquine, c’en est une autre de refuser de dénoncer la dérive autoritaire d’amis qui ne devraient plus l’être.