Mali et Centre-Afrique : où sont nos intérêts ?
Cela fera bientôt un an que l’opération Sangaris en Centre-Afrique a été enclenchée. Presque un an et demi que l’opération Serval tente, elle, de déloger les djihadistes du désert malien. Vues comme des francs succès sur le plan militaire, ces engagements sont justifiés pour Vincent Jauvert, journaliste au Nouvel Obs. Avis que ne partage pas Jean-Yves Ollivier, homme d’affaires spécialiste de l’Afrique subsaharienne.
Le ministre de a Défense, Jean-Yves Le Drian, l’avait annoncé : près de 400 soldats ont été envoyés en Centre Afrique pour renforcer le dispositif militaire français sur place. Pour l’instant le conflit semble s’embourber. Dès le départ, le contingent français avait reçu une mission forte délicate à réaliser : désarmer les milices locales afin de faire cesser les massacres entre la Seleka et les anti-balaka. Cette entreprise s’est accompagnée de multiples complications, les soldats français ayant du mal à discerner les « bons » des « ennemis » dans ce qui constitue une guerre civile. Peu d’évolutions ont été constatées sur place. En réalité la situation tient, non seulement grâce au professionnalisme des soldats français mais surtout par la présence d’une coalition africaine de plus de 6 000 hommes qui accomplit le gros du travail.
De même au Mali, une intervention coup de poing a permis d’éliminer la plupart des djihadistes , le restant ayant fui en Algérie. Mais pour quels effets sur le long terme ? En effet, il semble évident que, dés que la force française sera parti, ils risquent de revenir toujours aussi nombreux et bien armés. Le casse-tête est connu des officiers ayant servi en Afghanistan. Ces deniers parlent même de « tondre le gazon » : il faut passer et repasser. Pour l’instant les troupes restent sur place et continuent leurs opérations dans le nord du pays.
Une question se pose une fois la situation clarifiée : que sommes-nous allé faire dans ces pays ? Ces opérations n’ont-elles été que de vaines interventions humanitaires ? Ou alors répondent-elles à une diplomatie politicienne ?
Vincent Jaubert dans une tribune publiée sur le site du nouvel Obs explique en quoi ces opérations sont amplement justifiées. En Centre-Afrique notamment, où la question se posait le plus, plusieurs facteurs plaidaient pour une intervention. Parmi eux, le fait que la Centre-Afrique se situe dans une zone où se situent de nombreux pays occupés par des ressortissants français (Tchad, Cameroun et le Congo), le risque d’une présence terroriste si le chaos s’installe ou encore la volonté de juguler un conflit interne qui pouvait à n’importe quel moment dégénérer en génocide. Enfin, l’Afrique, riche en ressources, est l’objet de toutes les convoitises de la part notamment des pays émergents (Chine, Brésil…). Ainsi, en affirmant une présence militaire forte, la France espère rester dans la course.
Pour Jean-Yves Ollivier, au contraire, dans une tribune publiée sur Malijet (dans la rubrique spécialisée sur la géopolitique en Afrique) la France n’a aucun intérêt à agir dans un cas comme dans l’autre. Ainsi en Centre-Afrique : « Soit nous y sommes intervenus pour la défense de nos intérêts nationaux. Qu’on nous dise alors lesquels. Soit nous entendons sauver les Centrafricains d’eux-mêmes et il s’agit d’un cas d’extrême urgence. Mais alors il faut être bien hypocrite pour prétendre que (..) nous allons enrayer la spirale suicidaire dans le pays ».Quand au Mali, la France ne peut reconstruire un état de droit à elle seule et il faut donc laisser aux maliens le soin de s’en occuper.
En effet, plus les semaines passent, et plus cette vision se confirme. Les français finiront bien par partir et c’est encore des millions d’euros que le contribuable aura été obligé de dépenser pour peu de choses. On s’interroge sur l’opportunité d’une telle intervention pour de bonnes raisons. La France aurait dû laisser la bride aux peuples africains eux-mêmes. L’Afrique dans les années à venir, en prenant conscience de la place qui est la sienne au sein du nouvel ordre mondial, acceptera de moins en moins une ingérence perçue comme une forme de néocolonialisme.