Municipales 2014 : le PS doit-il craindre une débâcle ?
De nombreux internautes, très remontés contre la politique de pression fiscale et de régression sociale conduite par le tandem Hollande-Ayrault, ne cessent d’annoncer sur le web une débâcle du Parti Socialiste aux Municipales de 2014. Une certitude que rien ne vient corroborer, et surtout pas les différents sondages réalisés ici et là...

Il est un fait indiscutable : la politique de rigueur, conduite par le Premier ministre sur l’impulsion d’un Président de la République lui-même relais des exigences européennes, est d’autant plus impopulaire qu’elle est, dans bien des domaines, en rupture avec les promesses électorales de 2012 (souvenons-nous de la tirade anaphorique du candidat Hollande !) Une impopularité qui se traduit – à juste titre, à mes yeux ! – par un fort rejet de l’action des chefs de l’exécutif sur le plan socioéconomique et, par voie de conséquence, le maintien de leur image personnelle à un niveau très bas dans l’opinion. C’était prévisible : une majorité de Français, refusant de voir en François Hollande un champion du social-libéralisme, a voté pour le « changement » et doit faire face, à quelques détails près, à une poursuite de la politique antisociale menée durant le précédent quinquennat par Nicolas Sarkozy.
Ce rejet, bien réel, se traduira-t-il pour autant par une « débâcle », une « bérézina », un « désastre » des candidats socialistes aux Municipales de mars 2014 comme nous l’assènent régulièrement de nombreux auteurs et commentateurs sur les blogs ou les sites citoyens du net ? Rien de sérieux ne le démontre, et ces affirmations, au caractère souvent péremptoire, sont nettement moins basées sur des éléments objectifs que sur une impression née d’échanges entre personnes appartenant au même courant idéologique, ou sur la légitime volonté, pour les encartés, de dérouler un discours partisan à finalité d’entraînement des électeurs indécis. Libre de ma parole, je pense, pour ma part, et je l’écris depuis des semaines (au risque d’être démenti en mars), que cette débâcle espérée n’aura pas lieu.
Les sondages parus ces derniers jours me confortent d’ailleurs dans cette opinion. Certes, ils n’ont qu’une valeur indicative sur l’état présumé de l’électorat à un moment donné. Qui plus est, les évènements des prochains mois peuvent, pour reprendre une expression à la mode dans les milieux politique et médiatique, sensiblement « faire bouger les lignes » et rendre caduques les données d’aujourd’hui. Ces sondages n’en montrent pas moins que le PS résiste beaucoup mieux qu’on l’affirme ici et là, malgré le rejet des choix gouvernementaux évoqué plus haut. Rien là de bien étonnant : les élections municipales sont, de très loin, le scrutin le moins affecté par la politique nationale, priorité étant donnée par les électeurs des villes aux équipes réputées bonnes gestionnaires au quotidien de leur cadre de vie.
À cet égard, l’exemple de Lyon, troisième ville de France par la population, est particulièrement significatif. Voilà une ville très longtemps caractérisée par un positionnement électoral de centre-droit. Depuis 2001, elle est administrée, à la satisfaction quasi générale, par le socialiste Gérard Collomb. L’élu sortant, victime des choix politiques de l’Élysée et Matignon, pourrait-il perdre sa mairie en 2014 ? Eu égard à la taille de Lyon et au postulat selon lequel « plus une ville est grande, plus elle est sensible aux questions nationales », M. Collomb devrait être sérieusement menacé. Or, il n’en est rien si l’on en croit un sondage réalisé par l’Ifop pour le mensuel Mag2Lyon (info rapportée par Lyon Capitale). Selon cette enquête, Gérard Collomb l’emporterait dans tous les cas de figure face à son (ou ses) adversaire(s), le maire sortant réalisant un score de 57 % contre 43 % à son adversaire UMP en cas de duel. À noter que ces chiffres n’ont qu’un intérêt relatif, le maire étant élu indirectement par les conseillers de secteur, le parti arrivé en tête dans chaque secteur bénéficiant de 50 % de sièges, les autres sièges étant répartis proportionnellement. Un système électoral qui ne devrait pas troubler le sommeil de Gérard Collomb.
Autre cas intéressant, celui de Marseille, deuxième ville de France. Le sondage Ifop-Fiducial rendu public il y a deux jours par Le Journal du Dimanche montre certes une poussée du Front National (25 %) qui permet à ce parti de devancer le PS au 1er tour (21 %), assez loin derrière l’UMP, créditée de 34 %. La gauche socialiste serait-elle victime là du rejet de la politique menée au plan national ? Sans doute en partie. Mais pas suffisamment pour être à coup sûr battue par le maire sortant. Au 2e tour, Jean-Claude Gaudin ne l’emporterait en effet que par deux petits points d’écart, soit grosso modo la marge d’erreur : 40 % contre 38 % au PS (et alliés) et 22 % au FN. Des scores qui pourraient – pour ne pas dire « devraient » – logiquement évoluer en faveur... du PS : cette enquête a en effet été réalisée sur la base de candidats de droite et d’extrême-droite identifiés face à un candidat socialiste... anonyme. Le nom du champion PS ne sera connu qu’en octobre, à l’issue d’une « primaire » dont les favoris sont Marie-Arlette Carlotti et Samia Ghali, assez loin devant Patrick Menucci. Le champion pourrait être une championne dont il est logique de penser que, sauf coup fourré toujours possible au sein de cette belle famille socialiste marseillaise, si unie et si désintéressée, elle bénéficiera alors d’une dynamique actuellement au point mort dans l’attente de cette primaire. Quoi qu’il en soit, tout dépendra, comme à Lyon, des résultats enregistrés dans les différents secteurs, et là, de belles incertitudes subsistent. Avantage toutefois à Jean-Claude Gaudin.
Venons-en maintenant au cas de Paris. Le dernier sondage Ifop-Fiducial réalisé pour le JDD du 1er septembre montre une progression de Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais la candidate UMP au poste de maire de la capitale reste devancée en intentions de votes par la socialiste Anne Hidalgo, tant au 1er tour (36,5 % contre 35 %) qu’au 2e tour (52,5 % contre 47,5 %). Avec 5 points d’écart, avantage à la première adjointe de Bertrand Delanoë, mais un avantage qui s’amenuise relativement à la précédente enquête de juin qui donnait 8 points d’avance à Mme Hidalgo. Effet de l’action gouvernementale ? Probablement. Mais peut-être ce resserrement des positions est-il dû également au (relatif) manque de notoriété de la candidate par rapport à sa concurrente de droite, l’aile protectrice de Bertrand Delanoë ayant jusque-là plané sur les intentions de vote. Un déficit de notoriété qui pourrait toutefois être comblé par la socialiste durant les prochains mois de campagne. Mais une fois encore, il convient de ne pas trop s’attacher à des chiffres donnés globalement pour la capitale. Comme à Lyon et Marseille, ce ne sont pas eux qui seront déterminants, mais les scores qui seront réalisés par le PS et l’UMP dans les 12e et 14e arrondissements, actuellement tenus par la gauche et qui devront impérativement être gagnés par la droite pour prétendre au poste de maire de la capitale. Malgré la difficulté de succéder à Bertrand Delanoë, Anne Hidalgo a de bonnes chances de garder Paris dans le giron du PS.
Si l’on en croit les experts, les autres métropoles régionales ont peu de chances de basculer, même s’il existe un petit suspense à Toulouse et Strasbourg, actuellement tenues par le PS. C’est plutôt dans des villes de moindre importance que pourrait, paradoxalement, se faire sentir le désamour des Français pour l’exécutif socialiste. Mais a contrario il n’est pas exclu que des villes basculent également dans l’escarcelle du PS, notamment en cas de triangulaires avec le FN, potentiellement redoutables pour l’UMP. Entre ces triangulaires et les divisions ravageuses qui déchirent la droite, des villes comme Aix-en-Provence, Avignon et Nîmes, pourraient basculer à gauche, ce qui ne manquerait pas de sel.
Une chose est d’ores et déjà quasiment certaine : il n’y aura pas de débâcle du Parti Socialiste aux Municipales. Le PS devrait en revanche essuyer un très gros revers lors des Européennes où les Français, peu motivés par cette élection jugée éloignée de leurs préoccupations quotidiennes, auront sans doute à cœur de se défouler et d’envoyer au tandem Hollande-Ayrault un message clair de rejet de leur politique.