Présidentielle 2007 : le 4e homme
Alors que se profile dans les sondages un duel entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, le débat fait « rage » quant à la validité des sondages et la caisse de résonance des médias que cela procure en faveur des deux favoris (cf. cet excellent article publié hier sur AgoraVox).
Dans l’ombre, le spectre de Jean-Marie Le Pen est toujours là, il est la seule alternative du moment pour que le duel attendu n’ait pas lieu.
Pourtant toute analyse politique
doit être complétée par quelques mises
en garde.
1- La première concerne les sondages, non pas pour signaler qu’ils n’ont aucune valeur, cette affirmation serait fausse car les outils statistiques développés permettent une photographie relativement fidèle des intentions de vote. Il est vrai que si on ne prend que l’information brute, qui est premier dans les sondages et qui est deuxième, le risque de se tromper est important. Pour lire un sondage il faut évidemment lire qui est en faveur de, qui ne se prononce pas, qui est indécis, etc. On arrive alors à des analyses fines et surtout à une lecture des évolutions et donc des tendances qui permettent de dire comment va se jouer l’élection. (Jean-Marie Le Pen au second tour en 2002 n’est pas un accident car la probabilité qu’il soit au second tour n’était pas nulle et toutes les évolutions sur le contexte et sur les intentions de vote pour les autres candidats lui étaient favorables - mon pronostic quelques jours avant le scrutin s’est donc révélé juste).
2- La deuxième mise en garde consiste à rappeler le changement même de nos institutions par la mise en place du quinquennat. Ce quinquennat va sans aucun doute amener Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal à désigner assez tôt le profil et donc le nom du futur premier ministre qu’ils choisiront ; car il faudra bien changer la donne à ce niveau, le président étant élu pour la même période que l’Assemblée nationale, ce n’est évidemment pas le président qui fera campagne (il est élu « à la proportionnelle absolue » sur le premier tour, pourquoi se représenterait-il ?), alors que le groupe majoritaire élu à l’Assemblée nationale est souvent sur-représenté, car avec 30% des voix au premier tour en moyenne, le groupe majoritaire dispose de plus de 50% des sièges à l’arrivée, voire beaucoup plus.
3- La troisième mise en garde concerne donc le « troisième tour » de la présidentielle qui se jouera avec les législatives, nous le verrons plus loin, l’homogénéité du PS et celle de l’UMP pourraient être mise à mal et la possibilité d’une cohabitation d’entrée de jeu est une éventualité qu’il ne faut pas écarter.
4- La quatrième mise en garde concerne enfin la notion de représentativité, beaucoup l’ont évoquée avant moi, avec 30% d’abstention, la représentativité est donc amputée de ceux qui inscrits ne votent pas. Comme environ 40 à 45% des votants s’expriment par un vote contestataire (de la LCR au FN), il ne reste que 55 à 60% des votants qui s’expriment sur les partis assumant la gouvernance (PS, UMP, UDF et Verts et parfois le PCF) c’est-à-dire que la majorité « absolue » pour les législatives nous dira 30 à 35% des suffrages pour le parti arrivant en tête, cela ne représente en fait que 20 à 25% des inscrits sur les listes électorale pour une majorité à plus de 50%. Cela explique l’impossibilité de réformer, le socle nécessaire pour y arriver est trop étroit, il faut donc à toute assemblée, même majoritaire dans les faits, rassembler au-delà de son camp pour réformer.
5- Ce quatrième constat amène la cinquième mise en garde et le début de mon titre... En effet, contrairement à ce que vous croyez, les sondages ne réservent aucune surprise, la fracture se poursuit et la rupture est déjà bien consommée, rupture de représentativité (voir 4), rupture de confiance entre les Frances et rupture du contrat social. Cette rupture, tous veulent la récupérer politiquement, c’est dans l’air du temps, alors nous irons à contre-courant, un peu comme le saumon, pour y pondre quelques idées qui feront nos petits saumons de demain.
La rupture de la confiance envers les élites atteint son paroxysme avec les thèses relatives aux complots, et de fait, la réduction idéologique des discours de Bush y estt pour beaucoup, mais pas seulement, en France, la schizophrénie des élites de gauche et de droite, tous peu ou prou pro-européens et libéraux et en même temps complètement anti-libéraux dans le discours, vantant les mérites de la France et piétinant l’Europe que nous avons voulue et qu’ils ont accompagnée.
Pourtant, tout n’est pas complètement écrit, quand le pire ne semble pas s’arrêter, parfois un souffle nouveau permet aux peuples de sortir de l’impasse, parfois de sombrer dans l’horreur. Au Rwanda, les peuples ont choisi l’horreur, en Israël rien n’est joué, mais la guerre du Liban a provoqué un électrochoc profond concernant au moins la position des Israéliens vis-à-vis de la Palestine et du Liban.
Un souffle en France aussi peut venir changer la donne...
La mauvaise haleine du FN : Le Pen, un vote inutile en 2007
D’abord, le vote FN, ce vote contestataire, ne peut pas amener Jean-Marie Le Pen à la présidence, c’est un fait. Le vote pour le FN a été un échec en 2002, à quoi a-t-il servi ? A rien. Aucun député élu, et surtout un Jean-Marie Le Pen qui n’est pas crédible quand il s’attaque à la classe politique, il utilise la même morgue, voire va plus loin, en étant élu au Parlement européen depuis 1984, mais surtout dans la politique depuis 1956, année où il fut élu pour la première fois, comme le plus jeune député de France ; alors évidemment, son métier, celui qu’il aura pratiqué le plus longtemps, c’est bien celui de politicien. Il fait partie de la « caste » des politiciens, il pourra démentir comme il veut, il fait partie des meubles de la politique française, avec Chirac et Laguillier.
Aura-t-il ses 500 signatures ? Comme en 2002 il aura du mal à les réunir, mais plus c’est difficile, mieux c’est pour lui, le complot UMPS est ainsi apparent.
Le Pen, c’est le troisième homme, celui qui comptera dans l’élection avec ou sans les 500 signatures, mais son socle d’électeurs du premier et du second tour ne peut pas dépasser 20%, ce qui le condamne à l’isolement politique, son mouvement n’ayant pas de cadre pour relayer les « idées » du FN, donc peu d’avenir.
Qui sera le quatrième homme ?
Un autre membre de la caste politique, Philippe de Villiers, le chouan vendéen, qui vient de changer le thème de sa campagne ? Il pensait que la menace islamique le porterait aux sommets, mal lui en a pris, les Français ne sont pas des imbéciles et savent faire la différence entre les terroristes d’Al Qaida et les jeunes des banlieues ; l’islamisation de la France demeure une chimère, les problèmes existent, mais ils ne sont pas là ! A son université d’été, le Philippe de Villiers a revendiqué son statut d’entrepreneur, vantant à nouveau Le Puy du Fou, certes c’est un succès, mais cela n’est viable qu’à une condition : que les bénévoles répondent présents. Sinon rien à signaler, l’homme raconte n’importe quoi, comme Le Pen, un seul but, provoquer pour ameuter la presse... (cf. la stratégie de l’incident). Mon avis est sans équivoque : il n’a pas de socle électoral pour une présidentielle, et se retrouve sur le même créneau, en concurrence avec Le Pen, Dupont-Aignan, Boutin et Sarkozy.
A droite la chiraquie n’a pas rendu les armes. Ceux qui voulaient
ne pas les voir à nouveau influents (dont je fais partie) auraient souhaité que
Chirac et Villepin sautent en mai dernier. Cela ne fut pas le cas, ils ne
peuvent que remonter dans les sondages. Ce qui se produit. Et quand on analyse
objectivement les faits, le remplacement de Raffarin par Dominique de Villepin
a été une réussite politique pour J. Chirac, tous les voyants économiques
repassant au vert. Cela ne suffit pas évidemment. Mais le retour d’Alain Juppé,
les attaques de J.-L. Debré et enfin la création d’un mouvement politique par MAM
pour s’affranchir des règles de l’UMP et donc amener un chiraquien à la
candidature contre Nicolas Sarkozy, tous ces éléments montrent que les couteaux
seront à nouveau sortis. Le quatrième homme peut-il être Chirac, Villepin ou
Alliot-Marie ? Non et oui. Oui par le pouvoir de nuisance, non car le RPR
est devenu l’UMP et qu’il est maintenant verrouillé par Sarkozy, l’UMP a tourné
la page du RPR et du chiraquisme. Mais Chirac en sera, son excellent cours de
géopolitique sur Europe1 lundi matin montre qu’il a la patience et la carapace
d’un vieux boxeur qui sait attendre son heure (cf. sur mon blog les forces
de l’illusion Villepin).
A gauche, Fabius ira-t-il contre Royal ? Cet homme qui essaie de virer à gauche toute n’est pas plus crédible que cela, ancien premier ministre en charge du tournant libéral du PS en 1984, ministre de Jospin aux Finances, il n’a pas de programme clair, pas de base et il n’a aucune alliance possible. Son heure de gloire est passée, mettons-le à la trappe avec Jospin.
Chevènement, trop faible ! L’extrême gauche ? Désunie et incapable d’avoir une stratégie commune, cela signifierait des compromis (avec le PS), or ni la LCR ni LO n’en sont capables à ce jour. Enfin l’antilibéralisme est un mauvais cheval de bataille, les Français ne veulent pas être coupés du monde et tiennent à leur individualisme et à leur liberté. Tout comme le vote FN, il s’agit en grande partie d’un vote contestataire.
Non, le quatrième homme aura comme projet de mettre les Français face à leurs contradictions, pour qu’enfin nous puissions trouver un nouveau contrat social, qui ne cède pas au simplisme.
Les Français savent que l’économie, l’écologie et nos institutions (politiques, scolaires et juridiques) doivent être au cœur de l’élection, l’économie, pas le libéralisme ou l’anti-libéralisme, non, mais savoir comment nous allons utiliser l’économie Française en tenant compte de nos contraintes intérieures, qui sont de loin beaucoup plus fortes que nos contraintes extérieures.
En effet, nos plus grandes contraintes sont liées à nos déficits, à la dette et à des débats d’arrière-garde (sécuritarisme systématique dans tous les domaines). D’abord, les retraites et la Sécurité sociale, tout le monde le sait, les réformes faites par Raffarin sont insuffisantes. Nous manquons d’actifs avec un taux d’emploi trop faible pour nous permettre d’avoir un régime des retraites qui doit subvenir à la fois aux retraités du privé et à ceux du public, nous manquons donc de « cotisants ».
Ensuite le choix des réformes, comment changer la donne ? Sans doute en proposant des référendums clés et plutôt que de proposer l’alternative : êtes-vous pour ou contre, il faudrait pouvoir proposer au moins deux solutions, c’est-à-dire, dans mon esprit, deux textes différents.
Dans tous les cas la victoire se jouera au centre, et pas
sur un homme, mais sur un programme ou des idées fortes, et dans tous les cas, sur
le nouveau contrat social français !
Je ne sais pas si François Bayrou saura
incarner le 4e homme, mais c’est celui qui a à la fois un socle électoral et suffisamment d’honnêteté intellectuelle pour ramer à contre-courant du système politique français et du bipartisme.
Nota 1 : Si un candidat de la chiraquie venait à se présenter hors UMP, le choix et l’analyse de F. Bayrou de ne pas rejoindre l’UMP puis de rompre avec la majorité sans être forcément dans l’opposition serait alors validé.
Nota 2 sur les petits candidats à la présidentielle qui ne seront pas le 4e homme :
Les petits candidats à la présidentielle font une énorme faute de stratégie, en effet pour avoir de l’impact, il faut soit avoir une base militante suffisamment large, soit être déjà un « people » pour percer. Le travail d’Alternative libérale est à mon avis le seul qui obéisse à une stratégie bien fondée : un programme / des idées / un candidat à la présidentielle et des candidats aux législatives. Une meilleure stratégie serait de mobiliser plus de candidats « sans étiquette » aux législatives, pour peser librement dans les débats de l’Assemblée nationale.