Réhabiliter les mots « LIBERAL » et « LIBERALISME »
Nous sommes dans une crise du sens et des valeurs, qui naît d’abord d’entreprises de détournements sémantiques. Le mot « LIBERAL » notamment est complètement détourné de sa signification, des valeurs qu’il incarne. Ce n’est pas un mot de droite ni de gauche : c’est un mot-valeur, un mot-sens. Pourquoi ne pas s’y attarder ?
Sans doute les indispensables traductions accentuent-elles les difficultés... Les mots n’ont pas le même sens, ni la même valeur, d’une langue à l’autre, surtout quand ils se rapportent plus à des concepts, des idées, des idéaux, qu’à des réalités, des faits, des choses... Piègés, les mots ! A prendre « comme les ailes d’une mouche », redirait Pascal Guignard. « Libéralisme » fait partie de ces mots détournés de leur sens, trahis, défigurés, empoisonnés.
L’un des « scandales » (un mot qu’adorait Marchais !) de la campagne référendaire française vient du fait que des esprits intelligents ont réussi à transformer le mot « libéral » en « gros mot », en insulte, en repoussoir.
A quoi renvoie le mot « libéral » ? A ce qui se rapporte à la Liberté et aux Libertés.
Liberté : un mot phare. Un mot de Lumière. Qui peut se permettre de le salir, de l’insulter ? Celles et ceux qui ne veulent pas lui donner autant de sens que de valeur. Celles et ceux qui ne se rendent pas compte que la Liberté est un combat incessant, et que les libertés sont des conquêtes sans cesse à consolider, à protéger, à renforcer.
Si « J’écris ton nom : LIBERTÉ », comment puis-je oser raturer, déchirer, insulter les mots « libéral » ou « libéralisme » ? Si les mots sont piègés, c’est la plupart du temps parce que, par facilité, donc par paresse, par ignorance ou méconnaissance, par souci de caricaturer, par soumission aux « doxa » à la mode, on les coupe de leurs racines et on pratique ces amalgames et ces confusions qui font tant de ravages...
Trois confusions relèvent particulièrement de ce que Michel Rocard appelle justement un « déficit de culture économique et politique » : libéralisme, capitalisme, libre-échangisme...
Le premier congrès de la « Gauche européenne » qui vient de se terminer par une « Déclaration d’Athènes », généreuse dans ses objectifs mais naïve (donc dangereuse) dans ses formulations, illustre trop bien ces "détournements de sens", ce "kidnapping des réalités" et les fuites qu’ils trahissent...
Ce qui est nommé « politiques néo-libérales » et « néo-libéralisme » désigne en fait l’ « hyper-capitalisme », ce « capitalisme financier et prédateur » qui n’est ni dans les traditions chrétiennes-démocrates, ni dans les socialistes, humanistes, personnalistes qui ont fait ce que « l’Europe » a de meilleur en elle.
Nous ne le disons pas assez ; Les États-Unis, par exemple, ne sont pas une puissance « libérale », mais un empire « capitaliste ». Les « néo-conservateurs » de Londres, de Chicago et d’ailleurs, ne sont pas des « libéraux » mais des... conservateurs. Le marché et la démocratie ne sont pas synonymes : la Chine l’illustre trop bien.
Le Conseil de l’Europe a été bâti sur l’idéal libéral, cet idéal de LIBERTE qui prend valeur et sens grâce au Droit, un Droit fondé sur ces droits de l’Homme que contestent tous les anti-libéraux, tous les ennemis de la Liberté et des libertés, de droite et de gauche.
L’Union européenne a été construite sur l’idéal libéral, cet idéal de LIBERTE qui prend valeur et sens grâce à la paix, à la sûreté intérieure et extérieure, à une prospérité partagée, à une organisation sociale qui concilie épanouissement individuel et solidarité collective.
Que la géo-finance internationale et cette « économie casino », favorisées par les nouvelles technologies, une « globalisation » mal maîtrisée et une mondialisation... insuffisante, porte atteinte à ces mariages de la Liberté et de la Solidarité, du Droit et de la Justice, des intérêts particuliers et de l’intérêt général, c’ est une évidence. Que les « maîtres du monde » (qui ne siègent pas à Bruxelles) aient tendance à oublier que « le laisser-faire et le laisser-passer » ne signifient pas « laisser faire et passer n’importe quoi, n’importe comment et à n’importe quel prix », c’est une réalité flagrante. Que les combats doivent être intensifiés, à tous les niveaux, pour instaurer plus de justice dans tous les secteurs, et pour placer l’Homme au cœur de toute action humaine, c’est un constat incontestable.
Mais la mode de « l’anti-libéralisme » cache en fait une peur de la Liberté, de cette liberté qui rime avec responsabilité. C’est tellement plus facile de pratiquer une culture d’opposition, de revendication, de contestation, qu’une culture de l’action, de l’amélioration, d’un progrès qui ne devienne pas synonyme de régression.
Les détournements de vocabulaire, surtout quand il s’agit du « mot Liberté », sont en fait le miroir d’un détournement du regard : ce sont les réalités qui sont souvent difficiles à regarder. Bien des crises naissent des conflits entre l’imaginaire, qui nourrit la pensée idéologique, et le réel. Ce réel, on peut le changer en bien, grâce à des idéaux et à des idées qui partent des réalités et ne les nient point. C’est sans doute à gauche, aujourd’hui, qu’il importe de réhabiliter le plus le mot LIBÉRAL