vendredi 2 juillet 2021 - par Laurent Herblay

Rien changer, parce qu’on veut tout changer

Hier, le second tour des élections régionales et départementales a consacré la fossilisation des instances locales, avec la victoire de tous les sortants au niveau régional, et un niveau d’abstention équivalent au premier tour. La plupart des analystes y voient un succès de la droite, qui rassemble 38% des voix et semble en mesure de troubler le duel Macron / Le Pen. Et si le message était plus complexe ?

 

Les nombreux messages des citoyens, électeurs ou non

Le choc du niveau de l’abstention au premier tour a été très intéressant. Une partie des médias, comme France Inter, et certains politiques, y ont vu un manque d’éducation et une forme de « je m’en foutisme », pour reprendre le terme de François de Rugy, ratatiné dans sa région. Nous avons également eu droit à un concours Lépine d’idées pour changer les modalités du scrutin. Les résultats du second tour démontrent que Marine Le Pen s’est totalement trompée sur le fond de son intervention du dimanche 20 au soir, où elle dénonçait un « désastre civique » et appelait ses électeurs à « déconfiner leurs idées ». Plutôt que de critiquer de facto ses anciens électeurs qui ne s’étaient pas déplacés cette fois-ci, comme le font beaucoup de partis, elle aurait été bien mieux inspirée de les appeler à l’aider au second tour. Mais pour cela, il aurait fallu être gaullienne, et elle apparaît ici comme une dirigeante politique comme une autre.

Car cette grêve des urnes a un sens, comme le souligne un sondage Sopra Steria, et c’est bien pour cela que le niveau de l’abstention est resté quasiment le même entre les deux tours, malgré le choc du premier. Il y a un vrai message que les Français envoient à leur classe politique en ne se déplaçant pas. La première raison est le mécontententement à l’égard de la classe politique qui les dirige depuis des années. Et cette fracture avec le monde politique est particulièrement fort pour les plus jeunes, qui ont été les premières victimes des confinements des quinze derniers mois. Cela représente une forme de sanction à l’égard du pouvoir, mais aussi à l’égard de toutes les oppositions, dont aucune ne justifie la mobilisation d’une majorité des électeurs pour une élection locale. Le désenchantement est extraordinairement profond, et quatre années de Macron ont encore détérioré la situation. Plutôt que des bisbilles dérisoires sur les plateaux, les Français méritaient un vrai mea culpa, des dirigeants politiques, mais aussi des média.

Les leçons politiques sont assez claires. Le socle électoral de la majorité est extraordinairement faible, avec à peine 3% des inscrits et amène à relativiser les scores de popularité ou les sondages. Et le RN, qui semblait s’imposer comme la principale alternative à Macron, sort également affaibli : il ne parvient pas à mobiliser les électeurs, et le grand écart avec les résultats de 2015 va amener à questionner la pertinence de la normalisation de la ligne politique du parti depuis 2017. La droite peut se penser plus forte en vue de 2022, mais ce n’est pas si évident. Xavier Bertrand avait réuni près de 1,4 millions d’électeurs, 32,8% des inscrits, lors de sa victoire en 2015. Cette année, il gagne avec moitié moins de voix ! En outre, tous les sortants étant reconduits, son sort est seulement celui de douze autres présidents de région sortants. En fait, cette reconduction des sortants est trop uniforme pour être enthousiaste.

En outre, la droite a affronté les polémiques liées au cavalier seul de Renaud Muselier, qui a choisi de s’allier dès le premier tour avec la majorité présidentielle, faisant de lui le seul président de région sortant à ne pas arriver en tête au premier tour. La gauche n’a pas traversé cette campagne de manière sereine non plus, avec les polémiques sur l’alliance avec La France Insoumise, qui a poussé Jean-Paul Huchon et Manuel Valls à dire publiquement qu’ils voteraient Pécresse au second tour. Sans affinité pour ces hiérarques socialistes, il faut tout de même reconnaître qu’ils sont beaucoup plus proches idéologiquement de la présidente sortante d’Ile de France que de Bayou et Autain. Plus globalement, Mélenchon sort à nouveau affaibli, lui, premier opposant en 2018, devenu 6ème candidat dans les sondages, dont le caractère et les sorties communautaristes ou fantaisistes inquiètent une part grandissante des électeurs.

Il semble surtout que dans un paysage politique d’où rien ne surnage, et où tous les partis politiques nationaux sont largement déconsidérés, finalement, les sortants de ces élections locales n’avaient en face personne qui pouvait motiver un changement. Et parce que les élus locaux sont plus populaires que les élus nationaux, il y avait une forme de logique à ce qu’en l’absence de motivation pour changer, les votants privilégient les sortants. C’est le paradoxe de cette élection : parce que les Français ont probablement majoritairement envie de tout changer dans le paysage politique, et sont aussi insatisfaits par l’opposition, institutionnelle (PS, LR, qui ont tant déçu), comme plus radicales (LFI, RN, qui suscitent beaucoup de rejet), les sortants finissent par être réélus, en partie par défaut. Quand une très grande envie de changement profondément insatisfaite peut aboutir paradoxalement à une absence de changement…

En somme, le message envoyé par les Français me semble finalement très clair : le refus de voter est une expression de l’insatisfaction vis-à-vis de l’ensemble du paysage politique, majorité et oppositions. Après, on peut tenter d’en tirer des leçons en matière de rapport de force, mais il semble que ce ne sont que des châteaux de carte que les citoyens pourraient aisément balayer à tout moment. Et si la seule leçon, c’était que tout, ou presque, pourrait finalement advenir dans l’année à venir ?



6 réactions


  • Bendidon ... bienvenue au big CIRCUS Bendidon 2 juillet 2021 10:43

    Quiche leblé la poulitique c’est périmé !

    On veut des articles complotistes, pas de la daube

    l’agora se meurt faut la vaxxiner

     smiley


    • Gégène Gégène 2 juillet 2021 10:54

      @Bendidon
      petite crise d’agoraphobie ?


    • Le421... Refuznik !! Le421... Résistant 3 juillet 2021 09:01

      @Bendidon
      On attends des articles intéressants !!
      A votre clavier.
      Moi, en tant que « sale gauchiste », j’évite de répandre mes « conneries » sur les sites fachos.
      Peur de trop instruire le monde.
      Et comme disait mon père, parler à des brouettes ne sert à rien...


  • https://www.profession-gendarme.com/attali-prophete-ou-conspirateur/


    Jacques Attali, 1981, alors conseiller de François Mitterrand, dans un livre d’entretiens de Michel Salomon, déclarait ceci :

    “À l’avenir il s’agira de trouver un moyen de réduire la population. Nous commencerons par les vieux, car dès qu’il dépasse 60-65 ans l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte cher à la société.

    Ensuite les faibles puis les inutiles qui n’apportent rien à la société car il y en aura de plus en plus, et surtout enfin les plus stupides. Une euthanasie ciblant ces groupes ; l’euthanasie devra être un instrument essentiel de nos sociétés futures, dans tous les cas de figure.

    On ne pourra bien sûr pas exécuter les gens ou faire des camps. Nous nous en débarrasserons en leur faisant croire que c’est pour leur bien.

    La population trop nombreuse, et pour la plupart inutile, c’est quelque chose d’économiquement trop coûteux. Sociétalement, il est également bien préférable que la machine humaine s’arrête brutalement plutôt qu’elle ne se détériore progressivement.

    On ne pourra pas non plus faire passer des tests d’intelligence à des millions et des millions de gens, vous pensez bien !

    Nous trouverons quelque chose ou le provoquerons, une pandémie qui cible certaines personnes, une crise économique réelle ou pas, un virus qui touchera les vieux ou les gros, peu importe, les faibles y succomberont, les peureux et les stupides y croiront et demanderont à être traités. Nous aurons pris soin d’avoir prévu le traitement, un traitement qui sera la solution.

    La sélection des idiots se fera ainsi toute seule : ils iront d’eux-mêmes à l’abattoir.”

    [ L’avenir de la vie – Jacques Attali, 1981 ]
    Entretiens avec Michel Salomon, collection Les Visages de l’avenir, éditions Seghers.


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 2 juillet 2021 15:37

    Moi ça me semble clair :

    les 70% d’abstention sont, tout entier, des électeurs de l’UPR qui ne voulaient pas cautionner cette mascarade, vu que l’UPR n’a pas participé aux régionnales.

    Non, non, moi ça me semble clair :

    les 70% d’abstention sont, tout entier, des électeurs zemmouriens qui attendent que leur Messie se présente à la prézidentielle.


  • zygzornifle zygzornifle 3 juillet 2021 08:41

    Pour changer le vieux monde dans lequel tu vis il faut changer le vieil homme qu’il y a en toi .....


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