Solidarité et Progrés : L’extrême droite américaine veut présenter une liste en Bretagne
Toutes les élections apportent leur lot de candidats fantaisistes, sans audiences ni moyens, mais persuadés de détenir la solution miracle à tous les problèmes de la société. Ils n’arrivent généralement nulle part, mais ils divertissent les amateurs de groupuscologies et permettent parfois aux électeurs les plus blasés de se défouler à peu de frais. Nous avons eu la Loi Naturelle et ses exercices de lévitation, la France en Action et ses candidats que personne ne voyait jamais sur le terrain, les listes « citoyennes » au programme incompréhensibles, sans parler de la horde, heureusement aussi maigre que dispersée des nostalgiques des ordres rouges ou noirs.
Il se peut cette fois-ci que nous ayons droit, en Bretagne, aux Larouchistes de Solidarité et Progrés. Ce groupuscule, branche française de l’organisation bâtie aux Etats-Unis par Lyndon Hermyle LaRouche, Jr., entend en effet, présenter une liste aux prochaines élections régionales. Le fait qu’il ait ressenti le besoin de faire passer un appel à candidatures dans la presse locale laisse, cependant, planer quelques doutes sur sa capacité à le faire.
Cette liste, nommé Bretagne Phare du Nouveau Monde, devrait être conduite par Alexandre Noury, un permanent du parti qui l’a déjà représenté aux cantonales à Redon, mais c’est Jacques Cheminade, le président du mouvement, qui l’a lancée... depuis Clichy. Évidemment, lancer une campagne bretonne depuis la région parisienne au cours d’une conférence où la tête de liste joue les utilités peut paraître quelque peu surréaliste, mais c’est oublier que les larouchistes entretiennent un rapport très particulier avec la réalité.
Leur programme consiste en effet de remédier aux très réels problèmes d’approvisionnement en électricité, non pas par des mesures d’économie d’énergie et par un développement des renouvelables, mais par la construction de « centrales nucléaires de quatrième génération ». Dans le pays de Plogoff, cette proposition sera sans nulle doute très populaire. Leur seconde proposition serait de ceinturer la péninsule avec un aérotrain sur le modèle de celui dont on voit les ruines quand on se rend en train de Blois à Paris. Naturellement on se demande comment un conseil régional sans grands moyens ni pouvoir pourrait mener à bien ce genre de projet pharaonique, d’autant plus que Solidarité et Progrès ne prône pas vraiment l’autonomie régionale. Sur son site elle accuse Bretagne Réunie d’être un « un puissant lobby » disposant de « de puissants relais dans le monde des affaires », ce qui, quand on connaît ce milieu laisse quelque peu songeur.
Mais comme je l’ai dit les Larouchistes entretiennent des rapports très particuliers avec la réalité.
Le problème c’est qu’en dépit de leur folklore de leurs chorales et de leurs chansons à faire pleurer Théodore Botrel de honte, les Larouchistes ont un projet de société, et qu’il sent franchement mauvais.
Solidarité et Progrès est la branche française du mouvement Larouchiste, dirigé d’une main de fer par le millionnaire américain Lyndon LaRouche. Celui-ci se présente comme un économiste démocrate, successeur de Roosevelt et familier des grands de ce monde (sauf Obama qu’il compare régulièrement à Hitler). La réalité est bien entendu très différente. Lyndon LaRouche a été condamné à 15 ans de prison pour escroquerie et est largement ignoré par les politiciens sérieux – mais pas par l’extrême-droite – et ses tentatives pour se faire une place dans la politique internationale ont toute été des désastres.
Au niveau français, le seul penseur politique à avoir des relations avec les Larouchistes, est l’ancien stalinien rallié au Front National Alain Soral. Cela ne plaide guère pour la modération de celui qui se présente souvent pour l’épigone de Jaures, de Gaulle ou Jean Moulin. D’ailleurs quand on regarde les écrits de LaRouche, on se demande si ses réelles affinités idéologiques ne se situeraient pas plutôt dans la frange la plus nauséabonde de l’extrême-droite.
Issu du trotskisme, il a peu a peu dévié vers une théorie du complot baroque où le monde serait dirigé en sous-main par la famille royale britannique, laquelle serait à la tête du trafic de drogue mondial, et par une coterie de banquiers anglais. Naturellement, les « sionistes » ont une place dans cette étrange construction intellectuelle. Ce serait-même eux qui aurait mis Hitler au pouvoir :
"The point is that Adolf Hitler was put into power largely on, the initiative of the Rothschilds, Warburgs, and Oppenheimers, among other Jewish and non-Jewish financial interests centered in the City of London." (Zionism is not Judaism, The Campaigner, Vol. 11, n°10 ; December 1978)
Le fait est qu’Adolf Hitler a été largement porté au pouvoir à l’initiative des Rothschilds, Warburgs, et Oppenheimers, avec d’autres intérêts financiers juifs et non-juifs centré sue la City de Londre. (Zionism is not Judaism, The Campaigner, Vol. 11, n°10 ; December 1978)
Comme dans tous les théoriciens du complot, les Larouchistes se considèrent comme une élite au dessus du reste de l’humanité, que d’ailleurs ils considèrent comme à peine humaine.
"Not to be a Neoplatonic humanist today is to be morally not a member of the human species." (The Secrets Known Only To The Inner Elites ; by Lyndon H. LaRouche, Jr. ; in The Campaigner, Vol. 11, n°3-4 ; May-June 1978)
Ne pas être un humaniste néoplatonique aujourd’hui, c’est ne pas faire partie, moralement parlant, de l’espèce humaine.(The Secrets Known Only To The Inner Elites ; by Lyndon H. LaRouche, Jr. ; in The Campaigner, Vol. 11, n°3-4 ; May-June 1978)
Cet élitisme - LaRouche appelle ses jeunes disciples Golden Soul, une référence claire à la République de Platon et à sa « race d’or » - mène tout naturellement à un racisme culturel qui conduit les LaRouchistes à dénigrer tout ce qui n’est pas la culture occidentale classique. Ils considèrent ainsi que les Beatles sont une création des services secrets anglais. Quant à leur opinion sur les cultures non-occidentales, elle est claire :
The founding perceptions upon which this nation was established were those of the Idea of Progress. That means, in practice, that the nature and rights of nations and cultures are not "culturally relativist." We do not regard all cultures and nations as equally deserving of sovereignty or survival. "Case of Walter Lipman" (p 30)
L’idée fondatrice sur laquelle cette nation a été bâtie est celle de l’Idée de Progrès. Cela signifie, en pratique, que la nature et le droit des nations et des cultures ne sont pas « relativistes ». Nous ne considérons pas toutes les cultures et toutes les nations comme méritant également de survivre ou d’être souveraine."Case of Walter Lipman" (p 30)
Cela aussi risque d’être populaire en Bretagne. Il est d’ailleurs significatif que lorsque Solidarité et Progrès parle de culture c’est pour qualifier les « cornemuses » (ce n’est pas comme ça que ça s’appelle mais comme je l’ai dit..) de « dures pour nos oreilles et nos esprits ». Cela n’a d’ailleurs rien d’étonnant. Leur projet n’est pas de mettre en place un projet pour un territoire, mais de faire un exemple pour ce que LaRouche lui-même appelle le Grand Dessein et que décrit Denis King dans son livre : Lyndon Larouche And The New American Fascism : l’établissement d’un régime « rejetant la notion britannique de démocratie », « sans rien à voir avec les élection et les parlements » et qui « réprimerait sans pitié tous les non-républicains ». La police aurait pour tâche de « déraciner le cancer que constitue dans le corps politique américain le lobby sioniste » et une commission « purgerait les sénateurs et députés qui garderaient leur connexion cachée avec les espions sionistes »
Et bien sûr, après cela, nous aurions droit à la mobilisation pour éliminer les repères de l’oligarchie à l’étranger. Ajoutez à cela que Lyndon LaRouche exprime ouvertement son admiration pour Tamerlan et ses pyramides de cranes et on comprendra qu’il est urgent de ne pas voter pour ses agents français.
Solidarité et Progrès n’aura aucun élu et c’est heureux. Il serait même fortement souhaitable qu’ils ne puissent pas se présenter. Ce genre de mouvement n’a pas sa place dans une démocratie et je peux, modestement, contribuer à l’affaiblir, je n’aurai pas perdu mon temps.