Surprenantes leçons de la courte et frustrante campagne européenne
Des sympathisants ont demandé avec impatience une consigne claire de vote de « VLC » et de « En Marge » pour cette élection. Mais était-il crédible de vous transmettre un bilan complet et définitif de cette frustrante mini campagne sans avoir en main l’ensemble des professions de foi des candidats ? (uniquement 12 sur 34 listes, reçues tardivement hier, 22 Mai, pour voter le 26 Mai). Les « Bouledogues de la République » ont pourtant été particulièrement gâtés au niveau tracts, aussi denses que nombreux. La plupart avaient d’ailleurs été « testés » et débattus ici, sur Agoravox, avant l’impression et les distributions. Voici un court résumé des enseignements qui se sont dégagés des professions de foi enfin reçues et la position électorale « claire et carrée » attendue.
Plusieurs enseignements qui seront lourds de conséquence :
Plus aucun parti n’accepte les institutions européennes en l’état. A l’exception des deux « frexiteurs » (François Asselineau et Florian Philippot) qui ne sont pas arrivés à présenter une liste commune et se cannibalisent donc mutuellement le mini-vote en faveur du Frexit (1% dans les sondages), la totalité des candidats veulent une réforme en profondeur de l’Union Européenne.
La gauche éclatée au niveau des appareils, divisée au niveau des programmes a été particulièrement décevante. Toute cette ex « union de la gâche » a maintenu son autisme politique qui l’avait entraînée dans l’échec de la gestion du pays et dans la sanction du gouffre électoral.
Pourquoi Jean-Luc Mélenchon a-t-il savonné la planche de la pétillante Manon Aubry en bassinant les électeurs avec son incompréhensible soutien du dictateur Maduro et de la révolution bolivarienne ? (qui a généré un effondrement économique et une catastrophique inflation d’un million % au Venezuela). Résultat, les voix de France Insoumise ont été divisées par deux en deux ans.
Pourquoi les socialistes ont-ils maintenues leurs querelles intestines et leurs divisions, malgré la vaine tentative de trouver un « sauveur » extérieur en la personne de Raphaël Glucksmann visiblement dépassé et peu politique. Exemple : quelle mouche lui a pris de condamner répétitivement dans les médias la France pour le génocide du Rwanda ? (D’autant que ce dossier africain de 1994 ne concerne en rien l’Europe et que cette accusation est largement abusive).
Benoit Hamon n’a pas réussi à faire oublier le désastre de la présidentielle, n’a pas renouvelé son discours et s’est donc retrouvé loin derrière ses anciens alliés Verts, accusés de sectarisme, mais efficacement remobilisés par le dynamique Yannick Jadot.
Les communistes menés par Ian Brossat d’un côté et Nathalie Artaud de l’autre ont utilement pris la défense des retraités et salariés pauvres, des chômeurs, des précaires, mais ces passionnés du marxisme ont eu le tort de ne pas reprendre nos divers thèmes de combat social, notamment la représentation des usagers dans les conseils d’administration des services publics (privatisés ou non) ou bien l’AME, (l’A.M.E, santé gratuite pour les immigrés illégaux) pour aussi tous les français, sans exception, sans les paperasseries inutiles sources d’inégalités et d’injustices médicales.
Après un début remarqué, la liste Dupont-Aignan s’est retrouvée cannibalisée par celle du jeune et solide Jordan Bardella (23 ans) qui a bénéficié du profond revirement idéologique de Marine Le Pen : La ligne Frexit est complètement abandonnée. La France ne doit plus quitter l’Union Européenne ni même abandonner l’Euro. Cette ligne devenue simplement « Euro-critique » a même repris, en « packaging », notre vieux slogan d’Europe des Nations (sans aller, pour l’instant, jusqu’à notre stratégie d’agences fédérales européennes, déjà acceptée par des sympathisants de Marion Maréchal).
Résultat, le raffiné, cultivé et méritant François-Xavier BELLAMY a vu nombre de ses électeurs du parti républicain siphonnés par l’injuste « vote utile » en faveur de « la plus forte liste d’opposition à Emmanuel Macron ».
Après les deux premières séries de concessions gouvernementales (10 milliards + 7 milliards), les Gilets jaunes se sont hélas éparpillés sur sept listes, dont celle de Debout La France, de France Insoumise, du Rassemblement Nationale, du RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne) et de deux listes jaunes. Discours contradictoires. Parfois peu audibles ou compréhensibles. Le pire a été Francis Lalane esquivant souvent les questions par « je ne peux répondre pour les autres, demandez au peuple par référendum », puis qui finit par déclarer que la France doit… quitter l’Euro. Nous les « Gilets Jaunes macroniens » (souvent moqués) avons pourtant une solide liste de 14 doléances et propositions concrètes insatisfaites légitimant notre ferme demande de démission du Premier Ministre et du Président de l’Assemblée nationale. Lorsque les Gilets Jaunes seront unifiés (au moins dans l’écoute, le respect d’autrui et le VRAI débat), lorsqu’ils seront enfin mieux représentés et organisés, lorsqu’ils auront complété la liste des revendications du véritable peuple en souffrance dans son ensemble, ils retrouveront le soutien initial du public (qui dépassait les 75% en décembre 2018).
Jean-Christophe Lagarde (qui devrait apprendre à sourire plus souvent) n’a pas su redonner un second souffle à l’idéal européen au sein de la jeunesse et n’a pas été assez incisif sur les réformes des institutions européennes jugées trop technocratiques et trop éloignées des citoyens. Pour crédibiliser le centre et l’UDI (injustement accusés d’être co-responsables de la médiocrité de la politique européenne), il aurait été nécessaire d’être moins ennuyeux, moins universitaire, moins « ancien monde », plus spectaculaire, plus diversifié, plus festif, avec des jeunes de tous les pays. Une belle occasion ratée. Dommage pour le « rad-soc » que je suis de cœur depuis 45 ans.
Après un incroyable retard pour éditer le programme européen d’En Marche, Emmanuel Macron a éprouvé le besoin d’intervenir en personne (y compris par voie d’affichage) pour « réorienter et redynamiser » la calamiteuse campagne de la liste Renaissance qui s’enlisait. Prenant à contrepied la ligne conservatrice suicidaire de l’ex Ministre des Affaires Européennes Nathalie Loiseau (qui commettait bourdes sur bourdes). Le Président de la République a ainsi rejoint officiellement notre position « En Marge » favorable à une Europe à géométrie variable, à la carte. En fin de campagne, dans un surprenant tête à queue médiatique, il a même proposé un Maastricht réformé « regroupant si nécessaire moins de pays ». Certes, oui, silence radio (comme l’ensemble des autres listes) sur nombre d’urgents gros dossiers, dont l’indispensable encadrement éthique du système bancaire et financier européen avant la prochaine grande crise annoncée des « produits dérivés ». Mais pourquoi ne pas applaudir très franchement un si radical revirement ? D’autant que l’habile composition de la liste Renaissance, activement soutenue par les ex « verts » Pascal Canfin et Daniel Cohn Bendit, a confirmé l’OPA de Macron sur la thématique écologiste.
Conclusion : Sur ce rugueux et indispensable site d’opposition qu’est Agoravox par rapport au débat national, je déclare à nouveau que moi et « En Marge » soutenons Emmanuel Macron, son programme initial, ses mea culpa publics et ses nouvelles résolutions politiques européennes. Nous prendrons soin de compléter le tout par nos propres propositions économiques et sociales, de tirer aussi d’autres signaux d’alarme pour la politique étrangère (Kurdes en Syrie, Pacte de Marrakech, etc.) avec l’aide de l’aile gauche « raisonnable » de la Macronie (c’est-à-dire anti-censure et anti-oppression fiscale à la Richard Ferrand).
Cependant, quelle que soit votre préférence parmi les 34 listes, il faut absolument aller voter. Car l’Europe est en crise et a besoin que les citoyens européens se mobilisent. Que vous soyez sympathisants de France Insoumise, socialistes dépressifs ou communistes divisés, que vous soyez patriotes du Rassemblement National, de Debout la France ou du Parti républicain, ne laissez pas les technocrates de Bruxelles décider à votre place. Allez voter. Car l’abstention va indirectement soutenir de facto le « Frexit » : Les 1% de frexiteurs auront beau jeu ensuite d’argumenter en disant « vous voyez que 60% des français ne sont pas intéressés par le projet européen ».
NB / Les ateliers et dîners-débats « En Marge » poursuivent leurs travaux après l’élection.
Notamment « Une Europe des Nations, via des agences fédérales européennes protégeant mieux nos pays ». « Un budget européen alimenté par une taxe sur les produits spéculatifs appelés « dérivés ». Inscription à : www.lepotcommun.fr/pot/az9dnsx8 ou par mail : [email protected]