mardi 1er mai 2012 - par Michel DROUET

Thèmes de campagne (4) : la réforme des collectivités locales

Inutile de préciser que ce thème n’a pas été ou peu développé pendant la campagne présidentielle, et pourtant il revêt une importance insoupçonnée en matière de cohésion territoriale et de développement économique.

Observons : plus de 36000 communes, 2583 intercommunalités, 100 départements, 22 régions et un peu plus de 16000 syndicats intercommunaux et au total 500 000 élus qui cumulent allègrement (les parlementaires les premiers) les mandats et font un métier de ce qui ne devrait être qu’une délégation de pouvoir limitée dans le temps de la part des citoyens.

Le système repose par ailleurs sur un système sur un manque de créativité flagrant en ce sens où il perpétue les mêmes dépenses de fonctionnement et d’investissement sans envisager de redéployer les budgets vers des dépenses d’avenir, en investissant notamment dans la recherche et le développement.

C’est pourquoi les dépenses de voirie (déviations, ronds points, aménagements urbains,…) tiennent une place démesurée dans les budgets locaux par rapport aux dépenses d’enseignement et de recherche.

Et comme chacun reproduit les mêmes comportements dans son coin, il n’y a pas de raison objective pour que cela change.

Gauche et droite s’opposent sur le sujet, sachant que les premiers détiennent la majorité des exécutifs départementaux et régionaux ainsi que les grandes villes et que les seconds aspirent à les en déloger pour prendre la place. Car c’est ainsi, l’alternance possible après le 6 mai créé des besoins de redéploiement du personnel politique qui risque d’être délogé des ministères et différentes institutions étatiques.

 

Les politiques en présence

 

I – La méthode Sarkozy

La ligne a été définie par la loi de décembre 2010, qui prévoit l’achèvement et la rationalisation de l’intercommunalité, la création d’un conseiller territorial chargé de gérer à la fois les affaires régionales et départementales, et des fusions de départements entre eux ou de départements avec des régions, à l’initiative des élus de ces collectivités.

En pratique, la rationalisation de l’intercommunalité s’avère délicate à mener en raison de la réticence des élus eux-mêmes qui bloquent les évolutions pour des motifs pas toujours pertinents au regard de l’intérêt général.

En Ille et Vilaine, par exemple, la commission chargé de plancher sur le sujet, n’a pas révolutionné le paysage puisque seulement 2 intercommunalités sur 29 seront supprimées à terme et que la rationalisation des 40 syndicats des eaux est renvoyée à une étude avec échéances possible jusqu’en 2016 et qu’une autre étude est prévue pour les syndicats d’ordures ménagères.

Ajoutons à cela que 3 syndicats intercommunaux « dormants » ont été recensés ainsi que 74 syndicats à faible activité : on croit rêver !

Autant dire que les élus se hâtent lentement vers la voie de la rationalisation de l’intercommunalité, en tout cas pas avant 2014, ce qui leur permettra d’aller jusqu’au terme de leurs mandats, ce qui est une raison non avouée, du non avancement du dossier.

A côté de ce volet législatif, il y a la poursuite de la RGPP qui se traduit par la fermeture de services publics en milieu rural, (ce qui, de l’aveu même du candidat Sarkozy, lui a fait perdre des voix au premier tour et a fait perdre le Sénat à la majorité actuelle), et l’incitation à l’adoption d’une règle d’or budgétaire qui devrait conduire à des réductions d’effectifs de fonctionnaires territoriaux (avec sanctions financières pour les collectivités qui n’accepteraient pas ces règles). En l’état actuel des choses, la politique menée s’apparente à une fausse décentralisation voire même à une recentralisation puisque l’Etat, qui distribue 52 Milliards par an en dotations et participations aux collectivités locales, agite la menace de sanctions financières et vide de son sens l’autonomie desdites collectivités. Ajoutons que les annonces en matière de politique du logement conduiraient à diviser par deux les recettes fiscales des collectivités qui perçoivent les droits de mutation (les frais de notaire)

 

II – Les propositions du candidat Hollande

Le 54ème engagement du candidat prévoit une nouvelle étape de la décentralisation au travers d’une clarification des compétences, d’un pacte de confiance garantissant le niveau des dotations de l’Etat, une réforme de la fiscalité locale et un accroissement de l’autonomie des communes, départements et régions ainsi qu’une péréquation et enfin l’abrogation du Conseiller territorial.

Le sujet étant sensible auprès des élus locaux, on comprend que le détail précis des mesure ne soit pas annoncé ce qui risquerait d’être contre productif en période électorale et de braquer les élus (comme la loi de 2010 a pu le faire à l’encontre de Sarkozy).

Rappelons que la décentralisation « Deferre », en 1982 avait répondu aux mêmes critères de prudence, le détail des lois de décentralisation, n’ayant pas été dévoilé avant l’élection de Mitterand.

Les déclarations du candidat et de ses proches apportent quelques éléments complémentaires en ce sens où le candidat lui-même a déclaré à deux reprises que cette nouvelle étape de la décentralisation s’appuierait sur les régions et les agglomérations et qu’en privé, il aurait déclaré que le Département constituait selon lui un échelon de trop.

Jean-Yves Le Drian, proche du candidat et également Président de la région Bretagne en appelle à une république des territoires ou de république des Régions, leur donnant plus de compétences et de moyens, notamment fiscaux, ce qui conforte l’idée du renforcement de ces collectivités au détriment sans doute des départements.

De son côté, le Maire de Quimper, proche également du candidat, émet l’idée que la Bretagne puisse devenir une collectivité unique, comme l’Alsace est en train de le faire en fusionnant les deux départements et la Région Alsace, ce qui entraînerait la fin des conseils généraux. Comme quoi, une disposition votée par la majorité actuelle en 2010 pourrait être recyclée par une autre majorité en cas de victoire.

 

En conclusion, si la voie est toute tracée pour la majorité actuelle UMP et va plutôt dans le sens d’une recentralisation déguisée au travers de restrictions budgétaires au nom de la fameuse règle d’or, l’horizon n’est pas totalement clair - et on peut comprendre pourquoi - s’agissant des mesures que pourrait prendre une nouvelle majorité de gauche issue des urnes. On espère seulement qu’un éventuel nouveau pouvoir soit suffisamment fort pour imposer ses vues aux élus locaux, qui doivent être respectés, mais aussi comprendre qu’une véritable réforme de fond des collectivités locales est aujourd’hui indispensable pour sortir l’économie locale de sa sclérose actuelle. 



6 réactions


  • Fergus Fergus 1er mai 2012 09:55

    Bonjour, Michel.

    En réalité, on n’a pas voulu, en France, s’attaquer au millefeuille de manière globale dans LA grande réforme qu’il aurait fallu mener, principalement pour ne pas porter atteinte à la rente de situation ou aux privilèges des élus locaux.

    Résultat : on a ajouté, avec les « communautés de communes »,les « communautés d’agglomération » ou les « pays » des entités dont les dénominations, les finalités et la compréhension par les citoyens sont pour le moins opaques et sujettes à de nombreuses dérives ou gabegies.

    Ce qu’il aurait fallu faire, à mon avis :

    1) Supprimer 80 % des communes*, l’écrasante majorité comptant moins de 500 habitants, et créer partout des entités de base de la taille des communautés de communes, comparables aux Kreis allemands ou aux Comtés britanniques.

    2) Mener à bien la bonne (c’est si rare !) réforme engagée par Sarkozy sur les conseillers territoriaux à double casquette.

    3) Clarifier les domaines de compétence pour supprimer doublons et carences.

    4) Eventuellement réformer le Sénat en le transformant, à l’image du Bundesrat allemand, en chambre représentative des Régions.

    Il n’est pas trop tard pour bien faire, mais cela demande du courage politique !

    * La France compte à elle seule autant de communes que le reste de l’UE !


    • Michel DROUET Michel DROUET 1er mai 2012 11:07

      Bonjour Fergus

      Quelques petites différences avec vos propositions :

      Le Conseiller territorial procède de l’idée que l’on continuera à avoir des départements et des Régions et je ne pense pas que cela soit la bonne solution. Je suis convaincu que les fusions départements régions sont la voie d’avenir en ce sens où elles mettraient rapidement un terme à cette juxtaposition contre productive en regroupant les compétences.

      S’agissant des communes, les français y sont trop attachés pour qu’on les supprime, par contre, il faut leur laisser commes seules compétences celles du service de proximité au citoyen, les autres étant transférées aux communautés de communes élargies à la taille des Pays.

      Par contre, je suis en total accord avec l’idée de réformer le Sénat, en le fusionnant avec le Conseil Economique et Social.


    • Fergus Fergus 1er mai 2012 12:44

      @ Michel Drouet.

      Dans mon idée, le département, effectivement maintenu, ne serait plus qu’une subdivision de la région, un relais administratif.

      Pour ce qui est des communes, pas trop d’accord dans la mesure où des milliers d’entre elles (peut-être 10 ou 15 000) n’ont d’ores et déjà plus aucun sens, avec une population de quelques dizaines de personnes et un Conseil municipal qui n’en est pas un car constitué parfois de vieillards incapables de se déplacer mais appelés en renfort pour atteindre les quotas. En zone de montagne, cela devient franchement ridicule.


  • Francis, agnotologue JL1 1er mai 2012 10:18

    Non seulement nous sommes le pays qui compte le plus grand nombre d’élus locaux, mais en plus, nous sommes le pays le plus centralisé.

    Je ne crois pas que le vrai travail soit à chercher du coté des ces travailleurs là, dont l’essentiel et à commencer par Sarkozy lui-même, consiste à œuvrer pour se faire élire, réélire, ou prendre la place de l’autre.

    Sarkozy conteste le rôle et l’action des syndicats ? Les élus ne sont-ils pas les syndiqués du pouvoir politique ?


  • Jason Jason 1er mai 2012 12:04

    @ Fergus,

    J’allais le dire. Mais les compromissions, les renvois d’ascenseurs, les rentes de situation sont très ancrés et depuis si longtemps pour que cela ne change guère. Les prérogatives des maires (particulièrement visibles dans les petites communes) sont inscrites dans la constitution.

    Par exemple en matière d’urbanisme où les maires rivalisent d’incompétence et sont trop occupés à faire plaisir à quelques-uns, sans parler des pots de vin, favoritisme et autres joyeusetés.

    Gros boulot devant et les députés sont trop imbriqués dans le mille feuille pour oser bouger.

    Attendons qu’un groupe assez puissant (mais lequel ?) prenne le taureau par les cornes.


  • credohumanisme credohumanisme 1er mai 2012 15:54

    Ce millefeuille est un handicap incroyable et parfaitement archaïque.
    Supprimer les départements et les communes (développer l’intercommunalité) est en effet un projet de bon sens.

    Le vrai problème étant non dans le coût financier direct des élus, mais dans les budgets souvent redondants qu’ils gèrent.

    Mais quelles lourdeurs et quelles oppositions ne va-t-il pas falloir surmonter !!!
    Il y a malheureusement peu de chance qu’une réforme d’ampleur voit le jour quel que soit le futur président.

    www.credohumanisme.com


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