Philosophies de vie antiques & modernes, telles que le stoïcisme et Nietzsche, avec un épilogue pour les « néopaïens »
Les écoles de philosophies de vie antiques, c'est passionnant. C'est quand même autre chose que l'ironie de Voltaire, dans ses Lettres philosophiques (philosophie de salons) ou bien que l'analyse de Sartre, dans l'Être et le Néant (philosophie de techniques) et même que l'exhaustion de Montaigne, dans ses Essais (philosophie de perspectives)...
Oui, les écoles de philosophies de vie antiques font autre chose : ce sont des philosophies de comportements, de mentalités... des philosophies de comportementalités... Et si l'on peut se mettre d'accord pour dire que l'ironie, l'analyse ou l'exhaustion dépendent de comportementalités spéciales (telles que le second degré, l'attention situationnelle ou la largesse d'esprit) on ne peut pas dire que ces comportementalités spéciales puissent « faire une vie ».
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Des vies « non-écolières » philosophiquement
En effet on imagine mal Voltaire ironiser dans toutes les dimensions de sa vie, au risque de passer pour un clown ; on imagine mal Sartre analyser dans toutes les dimensions de sa vie, au risque de passer pour un fou ; et on imagine mal Montaigne circonvoluer dans toutes les dimensions de sa vie, au risque de passer pour un pénible. D'ailleurs, on le sait biographiquement mieux que les « écoliers » de philosophies de vie antiques, étant donné qu'ils sont plus récents : Voltaire n'a pas passé son temps à ironiser (il était connu à l'époque, pour ses tragédies théâtrales !) ; Sartre n'a pas passé son temps à analyser (il était connu à l'époque, pour ses militances politiques !) ; et Montaigne n'a pas passé son temps à circonvoluer (il était connu à l'époque, pour ses contributions à la vie publique et ses amours !).
Maintenant la question qui se pose, est celle des lacunes concernant les « écoliers » de philosophies de vie antiques. En effet, nous ne connaissons pas toutes leurs biographies, loin de là. Mais le peu que nous en connaissons, nous donne l'impression d'une comportementalité plus bâtie pour durer et faire face à toutes les situations, de leurs prémices philosophiques à leurs morts.
Les « écoliers » de philosophies de vie antiques
Ainsi, Diogène de Sinope aurait vraiment vécu « comme un vaurien » pour illustrer les superfétations civiles et spéculatives : toutes les anecdotes qu'on nous raconte de sa vie, sont là pour dire qu'il était sa philosophie... à savoir le cynisme, dont il ne nous reste qu'une attitude urbaine intellectuelle, désabusée et sarcastique, alors qu'il s'agissait d'un art de vivre plutôt éco-punk en fait, à condition d'ajouter que le niveau intellectuel des cyniques vaut mieux que celui des éco-punks, qui eux-mêmes seraient tombés sous le coup de la critique cynique en tant qu'ils font des chichis.
Autre exemple : Aristippe de Cyrène, inaugurateur du cyrénaïsme plus connu sous le nom d'hédonisme, préconisait une vie de plaisirs équilibrés, sur la base raisonnable de « un tiens (un plaisir) vaut mieux que deux tu l'auras (deux joies) ». On pourrait d'ailleurs dire que le cyrénaïsme est devenu la comportementaltié occidentale en général si, au fond, les Occidentaux ne vivaient pas tant dans des frustrations (auto)punitives... En tout cas, le cyrénaïsme n'est pas la caricature de vie jouisseuse qu'on en fit, les Anciens Grecs visant la modération, ce qui n'empêchait certainement pas, vue l'époque, quelques lubricités mieux assumées que de nos jours très frustrés pour tout un tas de raisons toutes plus contradictoires les unes que les autres (entre abolition du porno, monothéisme, surmédiatisation de la chair et identités sexuelles)... Si le cyrénaïsme était bien la comportementalité occidentale, le monde serait plus apaisé, et l'on rejetterait vivement toutes les ascèses religieuses sans hésiter (au lieu de quoi on lambine avec l'islamisme, et le plus singulier est que les pour se situent à gauche, elle qui chantait le temps des cerises voilà encore quelques décennies). Bref, Aristippe de Cyrène « vendait » bien un art de vivre permanent.
Où Epicure n'était pas cyrénaïque, n'était pas hédoniste. Au contraire, Epicure a toujours préféré l'absence d'intensité, même dans le bien-être, parce que cette intensité provoquait des déceptions au final. Non Epicure, en fait, n'était vraiment pas le jouisseur qu'on nous a survendu. Un épicurien, c'était avant tout quelqu'un qui vivait « OKLM tranquille pépouze ». C'est un art de vivre que beaucoup escompte sans jamais l'atteindre, avec nos vies marchandisées du travail. Mais, il faut le dire, déjà dans l'antiquité, Epicure était un héritier né dans une certaine aisance, bien qu'il s'en détourna par art de vivre.
Quatrième exemple : Zénon de Citium voulut vraiment démontrer qu'on pouvait éviter la mollesse et l'indolence, à travers son stoïcisme. C'est même d'ailleurs pourquoi, dire de quelqu'un qu'il est resté stoïque, signifie aujourd'hui qu'il est resté de marbre. Et pourtant les stoïciens n'étaient pas plus les pierres des portiques où ils diffusaient leur message, que l'on serait stoïquement marmoréen. Au contraire, les stoïciens firent un vrai travail émotionnel pour se concentrer sur le faisable en acceptant ce qui nous échappe, tout en s'impliquant dans la vie publique : ils étaient tout sauf socialement détachés dans leur art de vivre.
Il y a enfin les sceptiques, qui ne sont pas les « perplexes » ni les « dubitatifs » au sens actuel, ni encore moins les « pas-dupes ». Parce que le perplexe se fait un nœud aux boyaux et au cerveau ; parce que le dubitatif se prend pour plus intelligent qu'il n'est ; parce que le pas-dupe, est bourré d'autres certitudes plus farfelues les unes que les autres, afin de satisfaire sa fébrilité intellectuelle. Non, figurez-vous que Pyrrhon d'Elis était relativement issu de la pauvreté, quoi qu'il eut potentiellement la chance de voyager en Inde et de fréquenter le premier bouddhisme de Gandhara, et qu'à ce titre il préconisait sous le nom de scepticisme une forme de « pauvreté d'esprit » dans la suspension du jugement. Je répète : la suspension du jugement. Oui c'est-à-dire, tout sauf une attitude braquée sur ses contre-certitudes, face aux certitudes ambiantes. En gros : ni le monde, ni lui-même : sur ce point non plus, le sceptique ne choisi pas. Le sceptique laisse faire et être les choses, sans jugement. Pour ainsi dire, s'il ne refusait pas l'engagement politique et ses oeillères spécifiques, le sceptique serait un libertaire, mais un libertaire non-aligné même sur le libertarisme. Un « métalibertaire », en ce qu'il laisse même faire et être les autorités (auquel point, le libertaire contemporain hurle à l'imposture et à la lâcheté, complètement à côté du scepticisme).
Bref, dans l'ensemble... et bien que nous ne disposions pas des biographies complètes de Diogène de Sinope, d'Aristippe de Cyrène, d'Epicure, de Zénon de Citium ni de Pyrrhon d'Elis... on peut imaginer que les écoles de philosophies de vie antiques sont des « modalités » sur lesquelles on peut mener sa vie. Voltaire, Sartre ou Montaigne, sont plutôt respectivement de l'acabit de Socrate, Platon ou Aristote : Socrate maniait l'ironie, Platon l'analyse et Aristote l'exhaustion, dans leurs genres, sans en faire des lifestyles, encore qu'ils aient eu leurs styles plutôt studieux... car ces styles studieux divergent moins entre eux, que les différentes écoles (et, ce, même si l'on a pu dire de Voltaire qu'il fut épicurien, de Sartre qu'il fut stoïcien, et de Montaigne qu'il fut sceptique, par rapprochements !).
Oui, je sais, on pourrait me reprendre sur une certaine exemplarité socratique, ayant motivé les différentes écoles de philosophies de vie à apparaître, et pourtant Socrate ne voulut pas faire école : il se voulait simple citoyen maïeute inspiré par son daïmon, rhéteur anti-rhéteurs... Passons.
Y a-t-il des écoles de philosophies de vie modernes ?
Pas vraiment. Enfin il y a bien eu l'existentialisme de Sartre, justement, qui posa que vivre, c'était subir l'angoisse de la liberté, et la liberté de s'engager plus ou moins fidèlement, pour se faire-être quelqu'un jusqu'à engendrer quelque chose, de préférence politiquement, à travers une idéologie de gauche. C'est bien une philosophie de vie moderne, il ne faut pas se le cacher, a priori partagée par tous les militants, mais aussi quand on y pense, par toutes les démarches de projet, y compris en entreprise.
Le fait que tout un chacun soit « appelé » à s'autodéterminer dans l'existence « démocratique, républicaine, mercantile » au nom du droit privé de l'individu, malgré les circonstances, a quelque chose (semble-t-il) d'existentialiste « en soi », bien que nul ne professe un quelconque existentialisme, généralement. Etant donné que Sartre a posé l'équation selon laquelle l'existentialisme est un humanisme, il est même encore assez facile de nos jours, d'être existentialiste comme monsieur Jourdain fait de la prose, chez Molière : c'est-à-dire sans le savoir... Ce qui est tout de même assez curieux, il ne faut pas se le cacher.
Autrement, Michel Onfray a remis au goût du jour le cyrénaïsme : un laïus a déjà été fait à ce sujet plus haut, inutile d'y revenir. Mais enfin, c'est pour cela que Michel Onfray, par ailleurs, ne semble pas intellectuellement très cohérent dans son parcours, depuis qu'il vantait le transhumanisme jusqu'au souverainisme actuel.
Michel Onfray critique d'ailleurs Sartre pour être un non-philosophe de vie alors que l'existentialisme est sûrement la dernière école de philosophie de vie, comparativement à Camus...
Camus qui, quant à lui, n'avait jamais prétendu être philosophe, tout au plus essayiste, et qui avait certes néanmoins proposé une école de philosophie de vie dans l'absurde, à travers la mise en scène de soi : il faut relire la fin de sonMythe de Sisyphe. Mais Michel Onfray avait toujours-déjà pris ça à son compte sans le savoir, dès sa Sculpture de soi, et n'a fait que le répéter en méthode Coué à travers Camus.
Passons encore : c'est le droit des philosophes de vie, sur les philosophes de raison, que de manquer quelque peu de cohérence intellectuelle, du moment qu'ils conservent leur lifestyle, quoi que les antiques semblent avoir bien plus de cohérence. Et puis « c'est bien pratique », comme dirait Michel Onfray de ses ennemis (qui n'avaient jamais prétendu être philosophes quant à eux, la plupart du temps).
Bref a priori, il n'y a pas d'écoles de philosophies de vie modernes, au moins depuis Sartre, qui curieusement formalisait un être-militant, largement répandu dans l'existence moderne, même en dehors du militantisme...
Alors quoi ? Sommes-nous condamnés à nous resituer inlassablement, entre les cinq mouvances helléniques sus-mentionnées ? Où d'ailleurs, la plupart du temps, nous nous mirons dans ces mouvances avec pusillanimité et modernité, en nous disant « un peu ceci et surtout cela » aux sens actuels, et non antiques, et certainement pas pour s'en faire un véritable lifestyle : tout au plus une pose Insta ou un comm', avant de passer à autre chose. Le temps d'une pensée, quoi... Nous n'avons décidément plus rien d'écoliers de philosophies de vie antiques.
Sauf lui
Sauf Nietzsche, tadada ! Sauf ce fameux fichu foutu Nietzsche, le moustachu. Nietzsche, une syllabe dure à prononcer en français pour une suite de lettres probablement issue des Ancient Aliens, dont l'énonciation te fait de toutes façons passer pour un alien banal, désormais. Ça n'a plus rien d'excitant, Nietzsche. Nietzsche, « c'est moderne » même s'il était antimoderne. C'est pour les simili-anticonformistes, Nietzsche. Nietzsche, l'antiphilosophe par lequel trop de pseudophilosophes se passent de lire la philosophie...
Oui. Tout cela, superficiellement, est vrai. Ce qui, nietzschéennement, pourrait bien signifier « profondément » : on est superficiel par profondeur, parce que l'on sait profondément qu'il vaut mieux s'en tenir à la superficialité qu'à la « profondité » (comme disent nos zététiciens pour caricaturer la profondeur, en laquelle ils ne veulent de toutes façons pas croire) parce que la superficialité, elle, au moins, est vivable.
Eh oui ! Dès que l'on serre de trop près la vérité, on s'expose à ce que la vérité nous contredise, voire contredise tout ce à quoi nous tenions. Pire encore, comme disait Nietzsche : la vérité pourrait être mortelle... où donc, un grand signe que ceux qui se revendiquent fièrement de Nietzsche n'ont rien compris à Nietzsche, est justement qu'ils n'ont rien de traumatisés !
On comprend bien pourquoi Nietzsche, du coup, dissuadait de le suivre sur sa pente, en disant qu'il fallait que ce soit une fatalité de nature ou une démence.
Quelle école de philosophie de vie moderne, propose Nietzsche ?
Si Nietzsche est parfois assimilé à un précurseur de l'existentialisme, c'est clairement par incompréhension totale, tant il s'en prenait aux idées modernes.
Nietzsche disait d'ailleurs préférer être incompris, plutôt que mécompris : il préférait le contresens à la détorcation. Ce qui est compréhensible : un contresens peut aisément être perçu, avec un peu de sagacité, mais il faut beaucoup de sagacité pour percevoir un détournement de sens. C'est tout le problème de nos jours, sur les réseaux : chacun pratique les dérapages et contournures de sens (les détorcations) qui lui conviennent, plus ou moins sincèrement. Enfin de toutes façons, la sincérité n'a jamais été synonyme de vérité...
… et il y a vraiment de quoi se marrer de nos jours, de tout le sincéritarisme animant les intervenants. Pour ma part, je préférerai toujours paraître faux aux yeux des détorqueurs et autres sincéritaires, que de perpétrer leurs entourloupes « à bonnes fois, bonnes consciences et bonnes réputations ». Car, comme disait Nietzsche, les gens autoproclamées bien, bonnes, justes, défenseures des idéaux sont les plus affreuses. Bref. Ou plutôt pas-bref : tout est là de l'école de philosophie de vie moderne proposée par Nietzsche.
Je n'invente rien, c'est dans son texte, Nietzsche appelait de ses vœux un fatalisme joyeux, tout en pesant le pour et le contre des autres écoles de philosophies de vie antiques. Il trouvait globalement que ces écoles recherchaient un peu trop vite « la paix de l'âme » et réfutait que le bonheur ou le malheur puissent être des critères de réussite comme d'échec. Un grand bonheur ne signifie pas, pour Nietzsche, qu'on fait des choses intéressantes ; inversement, un grand malheur ne signifie pas qu'on court à sa perte.
Tout est dans le fatalisme, qui n'est ni un cynisme (au sens actuel de désabus sarcastique du frustré) ni un défaitisme, logiquement. Le fatalisme, ce n'est que la philosophie de vie de celui ou celle qui comprend que « les fées sont reines de sa destinée », les fées ou fata en latin (pluriel de fatum, le destin).
Mais les fées ne sont pas ces « petits anges » qui illuminent ou assombrissent une naissance : les fées sont les fatalités qui adviennent. Les Moires, les Parques, les Dises, les Nornes. Les fileuses, tisseuses et coupeuses de destin, jusqu'à la mort, la fatalité. On n'est pas chez Walt Disney, on n'est pas dans la fantasy, on n'est pas au Moyen-Âge, où des êtres de fables et de contes satisfont nos délires égocentriques de Peter Pan au syndrome si voyant – sans parler du syndrome de Wendy.
Le fatalisme énonce le Grand Oui à Tout ce qui Est, même le pire. Il n'y a pas de militantisme possible (on ne réforme pas le pire), il n'y a pas de stoïcisme dans le pire (on ne peut pas l'endurer), et évidemment pas d'épicurisme ni de cyrénaïsme (on ne peut ni s'en exempter ni en jouir), pas plus que de scepticisme (aucun doute à propos du pire).
Mais le Grand Anneau du Destin ne dit pas que pour le pire, mais aussi pour le meilleur, or de même : le meilleur ne peut surgir des replis philosophiques antiques. Il ne peut surgir que de l'acceptation du Destin, à supposer qu'il porte haut. Ce qui reste un pari.
Mais le refuser ne peut de toutes façons pas porter haut, et il faut bien l'accepter, pour pouvoir seulement envisager qu'il nous porte haut. Or, cette hauteur, c'est souvent (nous explique Nietzsche) ce point où l'on périt loin du regard des Hommes, perdu pour les Hommes, abandonné des Hommes, plus souvent juste ignoré des Hommes, car trop éloigné de leur perception limitée.
Voilà tout ce que Nietzsche nomme surhumain, et tout était là sous nos yeux disponible dans le prologue de Zarathoustra, certes disqualifié pour poétique par Zarathoustra lui-même dans le chapitre à propos des poètes. C'est qu'il n'y a rien de « poétique » à tous ces dépérissements, du moins pas au sens « féerique ». La Fatalité est une Marâtre, mais il faut aimer cette Marâtre, car elle est la Vie.
Voilà enfin une très bonne raison nietzschéenne, de ne pas vouloir nietzschéennement faire école, comme disait Nietzsche. Cette école est, semble-t-il, une antiécole. Et pourtant, une telle antiécole, avec toutes ses fatalités possibles, reste aussi contradictoirement nécessaire que les discours (à ne pas suivre) de Zarathoustra (selon Zarathoustra lui-même)...
Epilogue pour les « néopaïens »
J'ai rencontré de nombreux « néopaïens » (appelons-les ainsi, entre New Agers oiseux et polythéistes valeureux)... j'ai rencontré de nombreux « néopaïens », disais-je, qui se réclamaient du stoïcisme (certainement plus du côté des polythéistes valeureux, mais passons). Être stoïcien, c'est quelque chose : songez à Sénèque et Marc-Aurèle ! Le stoïcisme a de quoi. D'ailleurs, il est socialement le mieux à même de refaire communauté, par son sens du sacrifice.
Des épicuriens, il y en a certainement des tas, dans des groupes ou autres covens plus ou moins fiables ou éphémères : on s'y retrouve pour ne subir qu'un moindre mal, rapport à ce que l'on croit du monde contemporain.
Mais les pseudo-cyrénaïques surabondent, qui ne cherchent que leurs plaisirs... sans aucun principe directeur raisonnable à la manière d'Aristippe de Cyrène, encore que les cyrénaïques constituent les contingents les plus nombreux des hermétistes, des ésotéristes et autres occultistes conséquents (s'il est permis de les qualifier de « néopaïens », ce dont on ne se prive guère dans le milieu, globalement dominé par les amalgames, et d'autant plus que l'hermétisme, l'ésotérisme et l'occultisme sont des courants ayant survécu en pratiquant des amalgames).
Des cyniques au vrai sens antique du mot, je n'en ai pas trouvés, tout simplement parce que tout le monde passe essentiellement par les réseaux sociaux, et qu'un cynique conséquent s'en passerait. Mais on trouve plein de personnes qui, certes, se prétendent cyniques... dans la veine éco-punk.
Quant aux sceptiques, plus personne ne veut vraiment suspendre son jugement de nos jours. On instaure des tabous, ou censure et/ou s'autocensure, ou encore on est ignare : ça n'a rien à voir avec une quelconque suspension du jugement. À l'heure des réseaux sociaux, tout le monde prétend tout savoir sur tout, l'essentiel étant de « l'affirmation de soi » en général. Disons que les sceptiques sont certainement les plus sages entre tous, puisqu'ils ne tranchent pas, donc ne s'expriment pas.
Et des fatalistes ? Y a-t-il des fatalistes, au sens nietzschéen du terme ?... Ce serait bien, car Nietzsche a quand même renouvelé en nos jours, des formes antiques du tragique, du fatal, de la destinée !... Mais non : de fatalistes, point. On tient trop à « sa bonne foi, sa bonne conscience, sa bonne réputation ». Personne ne veut dépérir, en ceci épris par cette sous-espèce de cyrénaïsme frustré, dont je faisais état au moment de présenter le cyrénaïsme. Bref, on craint.
Car on est bien loin des gentillesses autour des fantasmes de la Terre Mère, paradis rétro-projeté, jardin d'Eden imputé à la nature... Or la Terre Mère, c'est aussi les abysses, les failles volcaniques, la tectonique des plaques, les glissements de terrain, les tremblements de terre, les tsunamis, les tornades, les prédateurs, et ainsi de suite. Créer une étoile implique bien des explosions.
Bref, Dame Nature est Marâtre. Une Fatalité. Où la conquête spatiale serait une solution transitoire vers plus de dangers encore. Donc une singulière solution fataliste.
Ha c'est sûr, ce n'est pas glam' ni tendre ni adorable, et nos vieux réflexes monothéistes veulent croire en une nouvelle diabolisation... D'ailleurs, les monothéistes diabolisent.
Mais toi, mettras-tu la vérité sous le tapis une énième fois ? Refuseras-tu, maudiras-tu cette Marâtre ?
PS : Littéralement et spirituellement, je l'ai nommée Naria, dans une veine néo-druidique là (sous le hiéronyme de Diuiciacos).