mercredi 10 octobre 2007 - par Antidote Europe

A quand une meilleure évaluation du risque toxique ?

Un dossier demandant d’inclure la toxicogénomique parmi les tests requis préalablement à la mise sur le marché de toute substance chimique vient d’être déposé auprès du CEVMA (1) et de l’OCDE (2), deux organisations jouant un rôle majeur dans la définition de ces tests.

Le dossier, élaboré par Antidote Europe, a été transmis selon la procédure réglementaire, c’est-à-dire via un coordinateur national du programme de lignes directrices pour les tests de toxicologie de l’OCDE, dépendant de l’Agence de protection de la santé de cet organisme. Cette procédure est rarissime, à tel point que le coordinateur national a dû prendre des renseignements avant de se charger du dossier ! Cette méconnaissance des procédures par les autorités elles-mêmes pourrait-elle expliquer pourquoi il faut si longtemps avant qu’une avancée scientifique ne soit intégrée aux lois censées protéger notre santé ?

Mise au point au début des années 1990, la toxicogénomique est une méthode qui permet d’évaluer la toxicité d’une substance chimique en mesurant les variations de l’expression de certains gènes au sein de cellules humaines cultivées en présence de la substance. La connaissance du rôle des gènes affectés permet de comprendre quel type de toxicité la substance pourra avoir (cancérogénicité, neurotoxicité, toxicité pour la reproduction, etc.) et par quels mécanismes moléculaires. Il est maintenant établi que le test d’une substance par la toxicogénomique est bien plus rapide et moins cher que les tests actuellement employés, basés sur l’expérimentation animale, qualifiés de "tout simplement de la mauvaise science" par le directeur du CEVMA, le Pr Thomas Hartung. En effet, cette méthode moderne figure au premier rang de celles que le Conseil national de la recherche (NRC) des Etats-Unis propose pour remplacer les tests sur des animaux dans sont récent rapport : "La toxicologie du XXIe siècle : une vision et une stratégie." (3)

Il est, de notre point de vue, vraiment très urgent d’intégrer les méthodes de toxicologie modernes aux réglementations telles que REACH (4) qui, après avoir identifié plus de 100 000 substances chimiques manufacturées en Europe, s’est donné pour louable objectif d’en évaluer la toxicité. Encore faudrait-il qu’elle s’en donne les moyens, ce qui n’est pas le cas avec les tests actuellement exigés. Il est enfin bien admis que la plupart des maladies graves (cancer, maladies neurologiques, stérilité, etc.), dites "maladies de civilisation" ont pour principales causes des facteurs présents dans notre mode de vie, facteurs incluant une exposition permanente à des milliers de substances chimiques. Une prévention efficace est donc possible en
identifiant les substances les plus dangereuses et en les retirant du marché.

La toxicogénomique est une méthode déjà massivement utilisée aux Etats-Unis et au Japon, encouragée par les autorités, y compris européennes, comme l’EMEA (6). Néanmoins, elle n’a pas été encore intégrée aux réglementations sur les substances chimiques. Ce manque d’exigence légale des résultats de tests de toxicogénomique prive, au fond, les citoyens d’un outil efficace dans la prévention de prématurés et de maladies douloureuses ou invalidantes en Europe.

Un résumé du dossier soumis au CEVMA et à l’OCDE est consultable
http://www.antidote-europe.org/submissionsummary_fr.htm

(1) Le CEVMA (Centre européen pour la validation des méthodes
alternatives) valide des tests visant à remplacer, réduire ou affiner les
tests effectués sur des animaux.
(2) L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques)
émet des lignes directrices qui fixent le protocole (durée, nombre
d’animaux, etc.) de chaque test requis pour établir la toxicité d’une
substance.
(3) Voir http://www.antidote-europe.org/cp30aou07_fr.htm
(4) REACH est la nouvelle réglementation européenne en matière
d’enRegistrement, Evaluation et Autorisation de substances CHimiques,
entrée en vigueur le 1er juin 2007.
(5) Voir notre fiche comparative sur
http://www.antidote-europe.org/fichetoxico_fr.htm
(6) L’EMEA (European Medicines Agency) est l’organisme européen chargé
d’examiner les demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des
médicaments ; son homologue américain, la FDA, encourage aussi les
laboratoires pharmaceutiques à inclure des données de toxicogénomique dans
leurs dossiers de demande d’AMM.



3 réactions


  • alberto alberto 10 octobre 2007 15:16

    Très bonne intervention sur AgoraVox !

    Votre association ne semble pas encore très médiatisée et c’est bien dommage, mais le souhaitez-vous ?

    Etes-vous intervenu dans le débat du « Grenelle de l’Environnement » ?

    Comptez-vous vous rapprocher de nouveaux partenaires ailleurs que dans le cadre de la recherche médicale comme c’est le cas actuellement ?

    En tout cas, je suis très heureux d’avoir eu cette occasion de connaitre votre association qui me semble véritablement oeuvrer pour le bien de l’humanité.

    P.S. Attention à l’UIPP !

    Bien à vous.


  • Svenn 10 octobre 2007 18:49

    Les etudes systematiques de toxicite sur cellules humaines me semblent bien entendu essentiels mais ils ne peuvent pas etre suffisants. Le benzene ou le methanol ne sont pas specialement toxiques pour des cellules isolees. Dans l’organisme, ces deux composes chimiques deviennent tres dangereux.


  • Pierrot Pierrot 10 octobre 2007 22:19

    Bonsoir, Article intéressant mais le test proposé n’a pas, à ma connaissance, encore démontré sa pertinence en terme de toxicité humaine.

    Certes les tests habituels sur animaux (poissons etc.) non plus car l’extrapolation de l’animal à l’homme est aléatoire pour une substance chimique, encore plus pour le mélange de 2 substances chimiques.

    Cette voie de recherche demande un effort complémentaire de recherche mais cela risque d’arriver trop tard pour le projet « REACH ».

    Bonne soirée.


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