vendredi 21 septembre 2012 - par Pharmafox

Aricept : La FDA a-t-elle bâclé son travail ?

C’est l’histoire d’une plainte en justice comme il n’y en a pas eu souvent. Dans une première approche, on pourrait la qualifier de banale, car elle porte sur les dangers d’un médicament… Mais ce qui est nouveau, c’est que le plaignant n’attaque pas le laboratoire : il s’en prend directement aux autorités sanitaires.

A propos de l’Aricept

L’Aricept (Donépézil) est un médicament utilisé pour traiter les formes légères de la maladie d’Alzheimer. Son efficacité, et surtout sa « rentabilité » sont cependant sujettes à controverse. Par rentabilité, j’entends la pertinence pour la société de payer un prix donné pour un traitement. Si pour 1000€ de plus par mois le patient peut faire 3 pompes en plus, ce n’est pas rentable (sauf pour les cordonniers, mais je m’égare). Si en revanche, pour 2000€, il peut reprendre le travail, que ses séjours à l’hôpital sont réduits de moitié et qu’il peut se passer de 3 autres médicaments, alors le traitement est rentable. Pour en revenir à l’Aricept, les autorités britanniques ont longtemps tergiversé à son sujet : d’abord oui car l’Aricept retarde le déclin cognitif et comportemental, puis non car le produit n’apporte rien au niveau fonctionnel, de la qualité de vie ou des symptômes comportementaux, puis de nouveau oui… (1)(2)

En France, le produit peut être prescrit à la dose de 5mg ou de 10mg. A ces doses, les principaux effets secondaires observés sont des troubles digestifs, des crampes musculaires, de la fatigue, et insomnies. A des doses plus fortes, on observe cette fois des hypotensions, des convulsions, des faiblesses musculaires ou des dépressions respiratoires. (3)

Néanmoins, Pfizer et son partenaire Eisai, qui commercialisent le produit, ont mené des recherches pour des doses de 23mg. Certes, c’est plus, et donc plus dangereux, mais il faut mettre dans la balance la santé des patients aussi : si une dose plus forte leur permet d’aller globalement mieux, le risque peut en valoir la chandelle. Le tout est :
• De s’assurer que c’est bien le cas ;
• De contrôler les paramètres pour identifier au plus tôt que le risque se réalise, et ainsi arrêter le traitement à temps ;
• D’informer le patient afin que celui-ci donne un consentement éclairé au traitement, qu’il comprenne et accepte le risque.

Dans le cas présent, c’est le premier point qui n’aurait pas été rempli.


La plainte

La plainte qui vient d’être déposée vise les autorités sanitaires américaine, la Food and Drug Administration (FDA), l’équivalent au Etats-Unis de l’ANSM (ex-AFSSAPS). Elle émane d’une association de consommateurs appelée Public Citizen.

La FDA a en effet approuvé la dose de 23mg en juillet 2010. Or, Public Citizen a pu accéder aux études ayant amené cette décision : selon l’une d’elles, non seulement l’Aricept n’est pas plus efficace à 23mg qu’à 10, mais il est bel et bien plus dangereux. Le patient prend donc plus de risques pour rien.

En mai 2011, Public Citizen avait déjà exigé que la dose de 23mg soit retirée du marché. Une demande laissée lettre morte. C’est pourquoi l’association se pourvoie en justice : elle veut obliger l’agence à répondre, fut-ce par un refus. Elle veut que l’agence reconnaisse avoir failli à sa mission en refusant de répondre ou d’agir. (4)


Pourquoi laisser le 23mg sur le marché ?

Il est intéressant de noter que dans ses dernières déclarations, Public Citizen ne se montre ni dogmatique, ni butée : si la demande initiale portait bien sur un retrait du produit, elle admet qu’une réponse circonstanciée argumentant en faveur d’un maintien serait acceptable (quitte à la battre en brèche par la suite).

En effet, la pétition ne porte que sur une unique étude, d’une part, et des restrictions à l’usage de ce dosage sont envisageables. Ainsi, les médecins pourraient continuer à prescrire 23mg d’Aricept, moyennant un certain nombre de conditions (sévérité de la maladie, absence de polythérapie, limite de temps, etc.).

Ceci nous ramène finalement à 2 questions fondamentales :

  • Pourquoi les laboratoires Eisai et Pfizer, quand bien même ils avaient des résultats peu encourageants, ont-ils insisté pour faire approuver le produit ?
  • Pourquoi la FDA a-t-elle accepté ?


La presse nous donne un indice : le brevet protégeant la dose de 10mg devait expirer 4 mois plus tard. Les laboratoires ont donc cherché à maximiser leurs profits. (5) En 2010, 38% du chiffre d’affaires d’Eisai provenait de l’Aricept. En 2011, alors que les versions génériques des doses de 5 et 10mg inondaient le marché, cette proportion était tombée à 17%.

Et pour la FDA, on ne se pose la question de son incompétence, mais celle de sa complicité, pour ne pas dire sa corruption.


1 : Alzheimer's Society comment on new data observing the cost effectiveness of Aricept (donepezil), Suzanne Sorensen, Alzheimer’s Society, 21 Mai 2012

2 : Donepezil, Wikipedia, lu le 11 septembre 2012

3 : Donépézil, Wikipedia, lu le 11 septembre 2012

4 : FDA Sued by Consumer Group Over Alzheimer Drug Dosage, Tom Schoenberg, Bloomberg, 6 Septembre 2012

5 : Public Citizen sues FDA over Aricept safety, Tracy Staton, FiercePharma, 6 Septembre 2012
 



2 réactions


  • le salut vient des ténèbres le salut vient des ténèbres 21 septembre 2012 19:10

    Dans ce monde dégénéré où tout passe et tourne autour du fric qu’il y a t il de surprenant dans ceci ? Les gars de la FDA préparent juste leur retraite dans le privé en favorisant les entreprises pour lesquels ils travailleront plus tard et lesquelles leur verseront des royalties. Il est temps pour les gens d’enlever leurs œillères ! C’est une guerre non d’une pipe et les faibles crèveront la bouche en perte et l’esprit plein de rêves. Il n’y a que par la force que les choses changeront, après il n’y aura sans doute qu’à espérer que les nouveaux hommes forts soient plus justes.


  • bert bert 21 septembre 2012 23:44

    moi je prends des ogm obama fda et je suis en super forme smiley


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