mardi 24 octobre 2017 - par rogal

Cholestérol : une théorie fragile

Le problème fondamental du cholestérol n’est pas celui de savoir si les statines sont bonnes ou mauvaises ; il est de savoir si le cholestérol lui-même est dangereux ou non en cas d’excès. Puisqu’Internet offre de quoi se forger une opinion, faisons-nous forgerons. Il semblerait que la théorie du cholestérol soit sérieusement battue en brêche par diverses observations et expériences.

Dans le débat public relatif au danger potentiel du cholestérol, distinguons les faits de la théorie, le certain de l’hypothétique. Voyons de quoi la théorie est constituée et ce que donne sa confrontation avec le réel. Sans prétendre d’emblée à un jugement catégorique, cherchons au moins les présomptions fortes.

Le verdict scientifique est de toutes façons difficile à établir, tant le contexte est trouble : l’importance des enjeux financiers et la puissance de l’industrie sont patentes. Les essais sont majoritairement financés par celle-ci. Les soupçons sur l’indépendance des experts et des agences sont renforcés par les antécédents notables du tabac, du sucre, de médicament tristement célèbres, liste à laquelle vient de s’ajouter le glyphosate. Sans insister sur les accusations formulées par des personnes bien placées, on doit reconnaître que certaines sciences peinent à dégager un parfum de salubrité. Un tel contexte ne prédispose pas à accueillir en toute confiance n’importe quelle allégation prétenduement prouvée.
 

Aux origines
 

Faut-il encore rappeler que le cholestérol est un lipide et non une maladie ? Indispensable à l’organisme à plus d’un titre, il lui est fourni par l’alimentation et, plus encore, par sa production dans le foie (cholestérol du cerveau mis à part). Adoptons les abréviations suivantes :
– Le Ch-LDL est le cholestérol véhiculé dans le sang par les lipoprotéines LDL, depuis le foie vers les organes qui en ont besoin.
– Le Ch-HDL est le cholestérol véhiculé par les lipoprotéines HDL, depuis les organes vers le foie pour recyclage.
Dans les deux cas, une protéine (LDL ou HDL) véhicule au cholestérol, dont il n’y a qu’une seule sorte.

Ancel Keys prétendit avoir établi un constat de corrélation géographique entre le taux sangin de Ch-LDL et les MCV (les maladies cardio-vasculaires : infarctus, etc.). En simplifiant, disons qu’en passant d’un pays à l’autre, l’augmentation du taux moyen de Ch-LDL s’accompagnerait d’une augmentation parallèle des MCV.
 

L’hypothèse ainsi suggérée est qu’un taux élevé de Ch-LDL favorise les MCV. En d’autres termes, au-delà d’un certain seuil, le cholestérol est tenu pour être facteur de MCV au même titre que l’âge, le tabac ou l’hypertension artérielle.


 

Il importe de noter le glissement sémantique opéré par l’emploi de mots tels que « favoriser » et « facteur » : utilisés à propos d’une simple corrélation statistique (d’un pays à l’autre, cholestérol et maladies prennent de l’importance de façon parallèle), ils induisent subrepticement l’idée d’une relation de cause à effet (l’excès du premier produit les secondes). Or, si la corrélation observée suggère la possibilité d’une telle relation de cause à effet, elle ne suffit nullement à la prouver. Une telle inférence est valable pour le tabac ; il va de soi que fumer contribue à ces maladies, mais pas l’inverse : ce ne sont pas elles qui conduisent au tabagisme. Pareille inférence ne va pas de soi, de prime abord, pour le cholestérol, dans la mesure où d’autres explications sont envisageables (l’élévation du taux de Ch-LDL comme réaction salutaire à la déterioration d’un organe).
 
L’essentiel de la théorie
 
Il s’est constitué néanmoins une théorie dont la base est le postulat (P) – souvent appelé hypothèse lipidique – que des taux sanguins élevés de Ch-LDL causent des maladies cardio-vasculaires (en concurrence avec d’autres déterminants, comme l’usage du tabac).
 
De ce postulat résultent deux conséquences théoriques majeures :
– (L) faire baisser le taux de Ch-LDL doit réduire le risque de telles maladies (à afflux moindre, danger moindre) ;
– (H) l’augmentation du taux de Ch-HDL doit jouer dans le même sens (à retrait supérieur, danger moindre également).
 
Divers pistes s’ouvrent ainsi pour contribuer à la prévention des MCV et de leur récidive, parmi lesquelles la mise au point de médicaments qui réduisent la présence des Ch-LDL ou qui favorisent celle des Ch-HDL, voire les deux à la fois.
 
La théorie et la réalité


 

Le postulat (P), ainsi que ses conséquences (L) et (H), restent de la théorie, laquelle demande bien entendu, pour être validée, à être confrontée à la réalité. Sans prétendre présenter la totalité des observations et des expériences, en voici de quelque poids.
– L’étude épidémiologique d’Ancel Keys a été critiquée parce qu’il avait sélectionné sept pays après avoir recueilli des données dans vingt-deux. Or d’autres façons d’analyser ces dernières conduisent à une conclusion différente.
– Différentes sortes de médicaments, et pas seulement les statines, produisent la diminution du taux de Ch-LDL, généralement par la limitation de sa production par le foie. Les résultats des essais se montrent plus ou moins favorables à la théorie en termes de santé : certaines statines, outre qu’elles font baisser le cholestérol, l’améliorent un peu.
– On sait maintenant qu’à partir de 60 ans des taux bas de Ch-LDL sont gravement nocifs.
– Les avantages d’un taux élevé de Ch-HDL laisse les observateurs dubitatifs.
– Les essais de quatre inhibiteurs de la CETP, médicaments visant à abaisser le taux du Ch-LDL et simultanément à élever celui de Ch-HDL, ont déçu leurs promoteurs. Le Torcetrapib s’est même distingué par le nombre des décès observés.
 
Conclusions
 

Les observations à l’origine du postulat (P) se sont révélées plus que discutables.

Ses conséquences (L) et (H), peut-être pas réfutées de manière absolue par des observations et des expériences, supportent tout de même mal ces confrontations avec la réalité.

Dans ces conditions, et compte tenu du contexte évoqué, la théorie du cholestérol n’apparaît pas comme validée, bien au contraire.

 



23 réactions


  • foufouille foufouille 24 octobre 2017 09:47

    article superbement scientagorafique.


  • Nicolas_M bibou1324 24 octobre 2017 10:39

  • Elixir Elixir 24 octobre 2017 10:58

    Sujet intéressant, d’autant plus qu’il concerne énormément de personnes. Peut-être un peu plus de sources pour un sujet aussi clivant aurait-il été le bienvenu.


    • foufouille foufouille 24 octobre 2017 11:00

      @Elixir
      sources vertes ou charlatanesques uniquement.


    • rogal 24 octobre 2017 11:27

      @Elixir
      Pour beaucoup des sources, l’accès peut se faire via l’article relatif le ’’champ de bataille’’, rappelé dans le chapeau. Pour quelques informations récentes, comme l’abandon de l’anacétrapib, des articles sont faciles à trouver. J’ai préféré ne pas surcharger.
       
      Hors sujet : comment expliquer l’apparition de la mention « Bloquer ce commentateur » en tête de chaque commentaire ? Elle ne relève pas de ma volonté, en tout cas.


    • foufouille foufouille 24 octobre 2017 12:01

      @rogal
      c’est ton nouveau pouvoir d’auteur : tu peut interdire de commenter qui tu veut sans motif.


    • doctorix, complotiste doctorix 25 octobre 2017 17:45

      @rogal
      La mention bloquer n’apparait que pour l’auteur.

      Abus dangereux, même si ça démange parfois.

      Concernant le cholestérol, votre article est bien documenté et limpide. Bref et précis.
      Actuellement, selon ce que l’on sait (ou croit savoir), faire baisser le cholestérol n’aurait d’intérêt qu’en post infarctus et dans certaines hypercholestérolémies familiales graves.
      Pour le reste, ce serait une escroquerie quarantenaire, une belle trouvaille de l’industrie pharmaceutique qui n’en est pas à son coup d’essai.
      On a diabolisé un molécule précieuse et indispensable.
      Vendre, vendre, toujours vendre.
      Maintenant que c’est, comme les vaccins, profondément ancré dans la tête des médecins, ça va être dur de l’en faire sortir.
      Pédiatres pour les vaccins, cardiologues pour les statines, tout ce petit monde est vent debout.
      Vu de l’extérieur, ça doit être marrant...

  • Decouz 24 octobre 2017 12:39

    Les médecins ne prennent pas uniquement en compte, pour les maladies cardio-vasculaires, le rapport des deux cholestérols, mais l’ensemble des facteurs : diabète, tension, stress, obésité, sédentarité, âge...


  • ZenZoe ZenZoe 24 octobre 2017 14:39

    A mon avis, l’excès de sucre raffiné est le vrai responsable des problèmes de santé dans le monde. L’organisme humain n’est pas conçu pour se goinfrer d’une substance qui ne lui apporte rien du tout. Le gras sans abus a par contre toujours été bénéfique pour l’espèce humaine.


  • amiaplacidus amiaplacidus 24 octobre 2017 14:50

    Je ne suis pas médecin, alors, conscient des limites de mon savoir, je ne vais pas me lancer dans de grandes théories, mais je vais simplement parler évoquer un cas que je connais : le mien.

    Je n’ai jamais fumé de ma vie. Dans ma jeunesse je ne dirais pas sportif d’élite, mais sportif avancé, et j’ai toujours continué à faire du sport. À 75 ans, pas de tension (même un peu basse : 115 / 60), pulsations basses (60 sans effort, 50 au repos), bref, un cœur de sportif. Pas de diabète, pas vraiment de stress.
    Il y a 4 ans, un léger surpoids 74 kg pour 171 cm. Je me considérais en bonne santé. Impression confirmée par le médecin lors de mon check-up annuel. Il me signale simplement un taux trop élevé de LDL, il me suggère simplement de modérer ma consommation de produits laitiers et de manger noix et noisettes.
    À la suite d’une course en montagne, le lendemain, je me sens vaseux, avec une douleur sourde dans la poitrine et dans le bras gauche, a priori pas vraiment inquiétant, je pense qu’il s’agit de courbatures liées à la course du jour précédent.
    Le choses ne s’améliorent pas et je m’aperçois qu’en montant un escalier les symptômes augmentent, ce qui ne cadre évidemment pas avec des courbatures. Je prends la décision d’aller consulter.
    Lors de la consultation, ECG normal, pulsations normales, tension normale. C’est à l’analyse sanguine que le médecin s’aperçoit qu’il y a des enzymes de dégradation correspondant à une souffrance cardiaque.
    Hospitalisé rapidement, échocardiographie, angiographie, diagnostic : je fais un infarctus, 1 artère bouchée à 100 % et une autre à 80 %. Pose de 3 stents par voie artérielle, je m’en tire sans séquelle. À tel point, qu’après trois mois, lors d’une visite de contrôle chez le cardiologue, au vu de l’échocardiographie, il me dit « si je ne savais pas que vous avez fait un infarctus, je ne le verrais pas ».

    Je n’avais strictement aucun facteur de risque à part l’âge et un excès de LDL.
    Alors, maintenant, je prends consciencieusement mon aspirine-cardio et mes 20 mg de rosuvastatine quotidiens. Lorsque l’on a passé près de la grande faucheuse, on ne remet pas en question le traitement que l’on prescrit.

    Maintenant, après 4 ans, je me sens en pleine forme. J’ai changé mon alimentation au profit d’un régime de type méditerranéen : légumes, peu de viande rouge (mais il en faut), poisson, vin rouge tannique, etc. C’est en fait tout à fait savoureux, même si fromage, tartiflette et fondue me manquent, j’en mange toujours, mais bien moins qu’avant.
    Je fais un peu plus d’exercices physique, en principe 45 min à 1 heure de vélo par jour, lorsque le temps ne s’y prête pas, c’est vélo d’appartement ou, s’il y a de la neige, ski (j’ai la chance d’habiter à 1/2 heure des pistes).

    J’ai perdu 6 kg et j’ai un poids normal compte tenu de ma taille.
    Pas d’effets secondaires dus aux statines, l’aspirine me fait saigner un peu plus en cas de blessure, mais rien de grave.

    Mon taux de LDL est au plancher et celui de HDL élevé (rapport 3,7).

    Voilà, je le répète, je ne suis pas médecin et je fais confiance à la médecine. Bien conscient toutefois qu’un cas ne représente pas un étude épidémiologique.


    • amiaplacidus amiaplacidus 24 octobre 2017 14:54

      @amiaplacidus

      Je voudrais rajouter une chose importante.

      On décrit souvent l’infarctus comme un coup de poignard.

      Ce n’est pas ce que j’ai vécu, une douleur sourde qui s’apparente à une courbature, avec, en plus, de l’angoisse et de la transpiration, c’est tout, pas de douleur terrible ou de perte de connaissance.

      Je pense qu’il est important de savoir qu’il peut y avoir des infarctus avec des symptômes différents. Et que consulter ne coûte pas grand chose et peut rapporter gros.


    • foufouille foufouille 24 octobre 2017 15:52

      @amiaplacidus
      plus un infarctus est petit et moins tu sent de la douleur.
      tu peut aussi n’avoir aucune douleur.


    • Nicolas_M bibou1324 24 octobre 2017 16:19

      @amiaplacidus
      La question n’est pas de savoir si l’augmentation du LDL correspond à une augmentation du risque d’infarctus, ça on sait que c’est le cas.

      Ce qu’on ne sait pas, c’est si l’augmentation est un signe ou si c’est une cause.

      Si ça se trouve, c’est PARCE QUE votre artère a commencé à se bouché que votre taux a augmenté. Et si ça se trouve vous allez mieux seulement parce que votre artère est débouchée et les statines ne servent à rien à part baisser un chiffre qui n’a pas d’incidence sur votre santé.

      A priori les statines à titre préventif ne font pas baisser le nombre d’infarctus (même si elles font bien entendu baisser le taux de LDL). Donc le cholestérol ne serait bien qu’un indiquateur, sur lequel il est inutile d’agir.

    • doctorix, complotiste doctorix 25 octobre 2017 19:20

      @bibou1324
      Voilà une réponse de bon sens.

      Les statines restent cependant conseillées dans le cas d’amiplacidus, en post infarctus, et amélioreraient dans ce cas l’espérance de vie.
      Difficile à dire, car les patients sont tous sous anti-agrégants plaquettaires aussi, et que c’est difficile de faire la part des choses et de dire les mérites de chacun.

    • Garibaldi2 26 octobre 2017 04:29

      @amiaplacidus

      C’est bien pour ça que vous n’avez pas fait un infarctus (du myocarde) mais que vous étiez en bonne voie. Un vrai infarctus c’est une nécrose des tissus. A un degré moindre j’ai eu le même problème que vous avec un rétrécissement de la coronaire droite de 80%. Dilatation par ballonnet et pose d’un stent par voie fémorale.

      En 1999, en allant au boulot j’ai senti que je ne pouvais plus marcher et que j’étais essoufflé et épuisé. Je me suis assis dans la rue pour me reposer, puis je suis reparti au boulot en marchant encore 300 mètres, et arrivé au bureau j’ai demandé qu’on appelle un médecin d’urgence en disant que j’étais certainement en train de faire un infarctus.

      Depuis je prend un traitement classique mais plus de statines dont je ne supporte plus les effets musculaires secondaires (crampes).


    • foufouille foufouille 26 octobre 2017 08:35

      @Garibaldi2
      "C’est à l’analyse sanguine que le médecin s’aperçoit qu’il y a des enzymes de dégradation correspondant à une souffrance cardiaque."
      juste par ce que il est arriver à temps aux urgences. une nécrose peut être très petite d’ailleurs.


  • zygzornifle zygzornifle 24 octobre 2017 15:12

    Haaaa le cholestérol est aux labos pharmaceutique ce qu’est les mauvaises herbes a Monsanto et son Roundup .... Par ici le bon pognon ....


  • francois 25 octobre 2017 07:46

    Rogal , Gros et cherche à déculpabiliser ?


    Pas une source ne venant étayer ce récit adipeux

    • rogal 26 octobre 2017 06:47

      @francoi
      « récit adipeux », ce sec exercice de logique ?
      On peut trouver quelques sources sont au bout des liens.


  • Patrick Samba Patrick Samba 25 octobre 2017 17:41

    Bonsoir,

    "Dans ces conditions, et compte tenu du contexte évoqué, la théorie du cholestérol n’apparaît pas comme validée, bien au contraire."

    Et vous n’avez pas abordé le problème fort ennuyeux de la iatrogénie des anti-clolestérolémiants !
    On peut vite arriver à la conclusion qu’ils sont plus nocifs pour la santé qu’ils ne l’améliorent hypothétiquement.


    • rogal 25 octobre 2017 22:29

      @Patrick Samba
      J’ai voulu ne traiter qu’un seul problème, bien défini. Espérons qu’un auteur plus qualifié exposera un jour celui que vous évoquez.


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