Comme la prunelle de mes yeux
La chirurgie oculaire par laser pour une correction définitive de la myopie : de la décision d’y recourir jusqu’aux suites, vues par un usager.
La chirurgie oculaire pour une correction définitive de la myopie n’a rien de neuf sur le principe : les Soviétiques la pratiquaient déjà dans les années 60. Cependant, la pratique bénéficie d’avancées techniques régulières. Aujourd’hui, la technique la plus courante est nommée "Lasik". L’objet du présent texte est de présenter cette technique du point de vue de celui qui y a recours.
Se faire opérer sans une "vraie" raison médicale, impérieuse s’entend, n’est pas une décision facile. Surtout des yeux. D’autant qu’il existe des risques.
Après près de dix ans d’hésitation, j’ai sauté le pas après m’être assuré d’être dans un cas très favorable et donc à risques très réduits.
Habitant Paris, je me suis renseigné au centre ophtalmologique national des Quinze-Vingt et chez un praticien privé. La différence de prix étant faible, j’ai finalement opté pour le praticien privé qui allait opérer lui-même et pas déléguer mon cas facile à un débutant. C’est l’inconvénient de n’accepter l’opération que dans un cas très favorable...
Côté coût, il faut être conscient que le remboursement par l’assurance maladie est nul et que les mutuelles ne le prennent, au mieux, que très partiellement en charge (dans mon cas : 10 %). Le tarif d’une intervention est d’un peu moins de 3 000 euros pour les deux yeux, auxquels s’ajoutent des consultations, des examens connexes, etc. Sans oublier de vraies lunettes de soleil (pas des cochonneries à 5 euros). Au final, 3 500 euros est une estimation raisonnable de budget. Rappelons que, selon les règles de l’assurance maladie, les visites préalables à l’opération sont payantes, mais que les contrôles post-opératoires sont normalement compris dans le prix de l’opération.
Avant l’opération
Après une première visite "normale" où le praticien s’assure que la myopie est stabilisée depuis au moins deux ou trois ans, il convient de faire deux examens : un Pentacam (analyse en 3D de l’œil, réalisée en clinique en quelques secondes) et un fond d’œil (lors d’une seconde visite chez le praticien, moment où l’on décidera ou non d’intervenir).
Aucun de ces examens n’est douloureux. Le fond d’œil est juste gênant car la dilatation de la pupille provoque un éblouissement durant quelques heures.
Durant une semaine avant l’intervention, il sera nécessaire de prendre un traitement local par gouttes antibiotiques. En effet, le risque majeur d’une intervention sur l’œil, c’est l’infection. Dans ce cas, la perte définitive de l’œil est une possibilité. C’est le risque majeur de l’opération de la myopie et le combattre est entre les seules mains du patient : il faut bien suivre son traitement.
En quoi, pour le myope, l’opération consiste-t-elle ?
L’opération de la myopie consiste depuis toujours à retailler la cornée pour corriger cette lentille naturelle. Le laser est le moyen moderne de procéder : il s’agit de détruire une partie de la cornée pour en réduire l’épaisseur (ce qui suppose que l’épaisseur doit être suffisante, ce dont on s’assure grâce au Pentacam). Avec le Lasik, la destruction s’effectue non pas à partir de la surface, mais à l’intérieur de la cornée grâce au retrait préalable de la couche superficielle, ce qui facilite la cicatrisation post-opératoire.
Comme pour toute opération, le patient comme le praticien sont joliment habillés de tenues stériles. L’œil est anesthésié par des gouttes. Ni l’opération ni ses suites ne sont d’ailleurs douloureuses.
La pratique actuelle est d’opérer les deux yeux le même jour durant la même séance afin d’éviter des asymétries.
Le praticien va procéder à deux opérations successives avec deux lasers différents sur chaque œil : la découpe de la couche superficielle d’abord, la destruction d’une partie de la cornée ensuite.
Durant l’intervention, évidemment, le patient ne voit plus rien si ce n’est des halos. L’intervention stricto-sensu (le temps cumulé de tirs des lasers) dure moins d’une minute par œil, mais, tout compris, il faut compter une heure de stress et une désagréable odeur de cochon grillé en sachant bien que le cochon en question, c’est soi-même. Ne pas bouger l’œil pendant que des lumières s’agitent est loin d’être évident, surtout quand on ne voit plus rien sauf un grand flou. Bref, même une visite chez le dentiste est plus agréable.
En sortant de la salle d’opération, l’œil est encore anesthésié. On voit flou, certes, mais c’est très supportable. A partir de là, les lunettes de soleil vont devenir ses meilleures amies du monde.
Pour rentrer chez soi, se faire conduire est impératif (en voiture conduite par un tiers ou en taxi). Même l’usage du bus ou du métro est à proscrire.
Après l’opération : première journée
En effet, durant une bonne demi-journée, il vaut mieux compter ne rien faire. Essayer de dormir est ce qu’il y a de mieux. Les yeux pleurent beaucoup, on voit de plus en plus flou au fil des heures, un rien éblouit, interdiction absolue de se gratter les yeux... Bref, la fête.
Le stress est évidemment important. Manger en devient difficile. L’opéré appréciera d’être seul et qu’on lui foute la paix sans lui demander toutes les cinq minutes "t’es sûr que ça va ?" Expédiez votre famille au cinéma et allez dormir. La télévision est, rappelons-le, une source lumineuse et sera donc une distraction très désagréable.
Quelques heures après la fin de l’opération, on constate que l’on voit globalement bien, à l’exception de la sensibilité extrêmement forte à la lumière.
Première semaine
Pour dormir, justement, il est impératif de placer sur ses yeux des coques de protection afin d’empêcher des gestes inadéquats. Toucher ses yeux est formellement interdit durant une semaine.
Bien évidemment, on a droit à une certaine quantité de gouttes à s’instiller tout au long de la journée pendant le même laps de temps : antibiotique, anti-inflammatoire... Prendre ce traitement très sérieusement est impératif. N’oublions qu’il s’agit de préserver des organes qui ne se remplacent pas (ou si mal) s’il leur arrive un pépin.
Le port des lunettes de soleil est nécessaire presque en permanence. Cela peut donner quelques effets comiques genre "la star qui vient manger chez vous".
Inutile de songer à travailler, bien entendu. Prévoir quinze jours de congés après l’opération est une bonne idée, en fait, surtout si l’on travaille sur ordinateur.
Utiliser un ordinateur (et regarder son écran) ou regarder la télévision peut progressivement être envisagé au fil de la première semaine, mais au maximum une heure ou deux par jour : la fatigue visuelle est rapide. Et toujours avec des lunettes de soleil et en baissant la luminosité de l’écran.
Mais pouvoir lire à une certaine distance des plaques d’immatriculation, des panneaux... ou pouvoir se lever sans avoir à chercher partout ses lunettes pour savoir où mettre les pieds, ce dès le premier matin après l’opération, ça mérite quelques sacrifices temporaires.
Une première visite de contrôle post-opératoire vérifiera que tout s’est bien passé, notamment au niveau de la cicatrisation. Le petit test visuel permet de constater que la myopie est désormais un souvenir. Joie. Bonheur. Félicité.
Premier mois
Au cours du mois qui suit l’opération, voir dès son lever sans porter de lunettes devient un véritable plaisir.
Cependant, l’usage de lunettes de soleil est impératif, même si on peut être tenté de parfois les retirer. Au début, faire le mariole aboutira à voir flou durant quelques instants. Et puis, petit à petit, on peut retirer ses lunettes de soleil de plus en plus souvent, de plus en plus longtemps... Regarder un écran (télévision, ordinateur...) devient de moins en moins pénible durant des périodes de plus en plus longues.
Les progrès sont lents, mais continus, de jour en jour.
Face à un écran, les lunettes de soleil polarisantes étant peu recommandées (elles obscurcissent vraiment beaucoup et peuvent même sous certains angles rendre l’écran noir !), une deuxième paire genre "à 2 euros" peut être utile.
Au bout de quelques jours, utiliser un vélo dans la rue est possible.
Au-delà...
J’ai bien dit un vélo et non pas une voiture. En effet, juridiquement, le myope opéré reste un myope. Son permis de conduire comporte la mention du port obligatoire de verres correcteurs. Or, ces verres, le myope opéré ne les a plus ! Outre le problème de l’éblouissement à la moindre source lumineuse qui interdit, de fait, de prendre le volant, conduire une automobile est, à ce stade, illégal.
Il faut donc faire corriger son permis. Pour cela, il convient de passer devant la Commission médicale du permis de conduire. Prendre rendez-vous juste après l’opération est pertinent : ça prend un certain temps... A Paris, il convient de se déplacer 20 rue de Bellevue, dans le 19e arrondissement (Métro Place des Fêtes). L’avantage d’habiter Paris, c’est de ressortir du rendez-vous, au bout de deux heures, avec son beau permis tout neuf sans la fameuse mention du port obligatoire de lunettes... Il convient de prévoir environ 25 euros en liquide, quatre photographies d’identité et son ancien permis. Ce "contrôle technique" portera bien sûr sur la vue, mais comportera aussi diverses autres étapes (écoute du cœur, contrôle d’urine...).
Quand on reprend le travail, il faut savoir qu’on passera un certain temps à expliquer que, si l’on porte des lunettes de soleil, c’est parce que ceci, cela, voilà, machin... Un mois après l’opération, le port cessera progressivement d’être permanent. Même utiliser un ordinateur sera possible sans lunettes de soleil et durant plusieurs heures au bout d’environ cinq semaines.
Finalement...
La plus grande joie, c’est à la seconde visite post-opératoire chez son praticien lorsqu’il vous annonce un superbe score de 10/10...
Mais c’est tous les jours, à tous les instants, que voir est tout simplement une pure félicitée. Notamment au réveil !
Cependant, il faut être bien conscient de toutes les contraintes et de tous les impératifs que le choix de se faire opérer implique. Ces contraintes et impératifs sont loin d’être anodins.