samedi 4 juillet 2009 - par Claude Béraud

La subversion de la médecine

Emblématique de la subversion médicale, la vaccination généralisée de 1994 - 1995 est un modèle de dérive médicale. La plus grande campagne de vaccination généralisée contre l’hépatite B jamais égalée était enfin « décortiquée » le 30 juin avec le recul suffisant à une analyse objective dans l’ émission Sur les docks par Inès Léraud et Rafik Zenine de radio France Culture (Ecouter le documentaire). Espérons que la pharmacovigilence jouera à l’avenir pleinement son rôle de garde-fou ! Pourtant, confrontée à l’ignorance ou l’incompétence de professionnels de la santé ( journalistes, épidémiologistes..) manquant de temps, peu regardants et plus interessés par le prestige, la renommée que par le bien du malade, la médecine a-t-elle vraiment connu ses lettres de noblesse ? rien n’est moins sûr ! 

De nombreuses études épidémiologiques, signés par des chercheurs français, sont publiées dans des revues anglo-saxonnes, réputées au plan international , reprises par les médias et portés à la connaissance de l’ensemble de la population, sans un accompagnement critique et sans une analyse de leur signification pour les malades et la population.

Les responsables des médias ne disposent en effet habituellement ni du temps, ni de la volonté ni parfois des compétences indispensables à une analyse critique des travaux scientifiques. Fréquemment, ils font appel aux auteurs de ces études pour qu’ils décrivent, à l’attention d’un large public, leurs travaux. Bien évidemment, les chercheurs, qui n’ont pas toujours une expérience clinique, utilisent les tribunes qui leur sont offertes pour mettre en valeur leurs découvertes et vanter leur utilité.

Le public, qui ne possède habituellement pas l’ensemble des connaissances médicales indispensables pour décrypter les messages des experts, ne met en doute ni leur qualité ni le bien fondé des conclusions des chercheurs et contribue à leur diffusion. Ainsi se fabrique une « doxa » c’est-à-dire une opinion largement majoritaire, fondée sur des savoirs séparés (comme le dirait Edgar Morin), qui ignore d’autres savoirs, notamment cliniques, et contribue à l’élaboration des représentations mythiques de la réalité, au seul bénéfice de ceux qui utilisent leurs connaissances, pour accroître leur renommée et se procurer les ressources indispensables à la poursuite de leurs travaux.

Les chercheurs interrogés sont des spécialistes qui ont, naturellement, une vision approfondie, mais limitée, des sujets qu’ils abordent. Ils voient midi à leur porte et ne peuvent faire une synthèse des connaissances médicales sur des problèmes de santé publique, qu’ils analysent sous le seul angle de leurs recherches.

En raison de cette reconnaissance médiatique, leurs affirmations sont prises au pied de la lettre par les lecteurs ou les auditeurs. Ce qui ne surprendra personne car dans une société ou tout le monde pense, bien à tort, que le maintien et le développement de la santé reposent sur le savoir médical et la consommation de biens médicaux, notamment pharmaceutiques, il est difficile de ne pas succomber aux promesses de bien être proposées par de savants illusionnistes qui, en déformant la réalité, induisent en erreur leur public.

Malheureusement leurs conclusions peuvent être dangereuses pour la santé de la population. Deux exemples récents qui concernent la maladie d’Alzheimer et les risques d’une consommation modérée d’alcool seront analysés prochainement dans ce blog afin d’illustrer d’une part, la contre productivité à la fois médicale et économique que décrivait il a 30 ans Ivan Illich et d’autre part, la subversion de la médecine par quelques chercheurs qui, oubliant qu’ils sont au service des malades, utilisent leurs connaissances pour, aux dépens de la population ou des patients, développer leur renommée et fabriquer des malades qui s’empresseront de consommer des soins médicaux parfaitement inutiles .

Beaucoup d’autres exemples, plus anciens, de campagnes médiatiques pourraient être évoqués, notamment dans le domaine de la prévention, telles les vaccinations des adultes contre le virus de l’hépatite B, des femmes contre le cancer du col utérin, et des personnes âgées contre la grippe, qui ont suscités des centaines d’articles médicaux repris, avec enthousiasme et sans une analyse critique sérieuse, par les médias.

Plusieurs raisons expliquent pourquoi les connaissances médicales récemment acquises dans le domaine de l’épidémiologie, n’ont pas toutes une utilité sociale.

En premier lieu, la méthodologie des études pour des raisons à la fois pratiques et éthiques est rarement expérimentale et repose sur l’observation et le suivi de milliers de sujets dont les chercheurs ne connaissent qu’en partie les comportements par exemple la consommation d’alcool ou de tabac, mais dont ils ignorent les habitudes alimentaires, l’activité physique, l’état de santé, les antécédents personnels et familiaux, les modes de vie, l’environnement et enfin les conditions socio-éonomiques dont l’importance pour l’avenir de leur santé est considérable.

En second lieu ces études sont habituellement pour les malades et pour la population sans intérêt immédiat car elles ne peuvent accroître ni la qualité ni la quantité de vie, c’est le cas pour le dépistage de la maladie d’Alzheimer et l’abstinence alcoolique. Leur diffusion à l’ensemble de la population sans une information détaillée sur leur signification et leur utilité constitue donc une subversion de la médecine qui n‘est plus utilisée pour accroître la santé mais pour mettre en valeur des études et leurs auteurs.

Bien plus, leur mise en œuvre peut conduire à une dégradation du bien-être de la population. Elles constituent alors non une subversion mais une perversion de la médecine. Ces recherches peuvent accroître les connaissances sur les facteurs déterminants d’une maladie et sur son évolution. Elles peuvent donc avoir un intérêt scientifique mais elles ne devraient pas faire l’objet d’une communication dans les médias sans une analyse critique et une mise en garde sur leur généralisation et leur utilisation.

Malheureusement, trop souvent, les chercheurs qui les dispensent semblent ne se soucier ni de l’éthique ni de la déontologie, ni du bien des malades ou de la population. Leur objectif semble être d’accroître leur notoriété donc leur pouvoir, de recruter des malades dans le but de développer leurs activités ou de poursuivre leurs études, enfin d’obtenir des industriels ou de l’Etat des ressources complémentaires afin de prolonger leurs recherches.



7 réactions


  • plancherDesVaches 4 juillet 2009 18:53

    Il me semble pourtant, Docteur, que la quasi-totalité de vos collègues ne se laissent pas tant avoir que ça dans cette subversion.
    Je suis par contre d’accord que le public subit cette propagande, mais raison de plus pour faire confiance à son médecin.

    Un truc néanmoins.
    Il est évident que beaucoup de facteurs humains devraient être pris en compte pour faire des études « exhaustives ».
    Hors, comme vous le savez, malgré ce manque gigantesque d’informations, les médecins arrivent le plus souvent à guérir.....
    Et ne croyez pas que j’ignore que l’on répertorie depuis SEULEMENT 2004 les morts par cancer du point de vue analyse, je suivais de très près les études à l’époque.

    Si vous lancez un article sur l’alcool, je vous préviens qu’un débat a déjà eu lieu ici et a tourné en déballage d’idées les farfelues les unes des autres. A croire que tout le monde écrivait bourré.


    • ALIS ALIS 5 juillet 2009 16:21

      Vous êtes bien naïf ! Les visiteurs médicaux vont sans cesse prêcher la bonne parole du « prophète » industrie pharmaceutique dans les cabinets des médecins généralistes et spécialistes pour les convaincre des prouesses de leurs nouveaux médicaments miracles. Ces visiteurs médicaux reçus comme le méssi n’ont cependant tout au plus reçu que quelques mois de formation dispensés par les sociétés industrielles côtées en bourse sur les produits chimiques dont ils ventent, pardon vendent le « bénéfisme ». 


    • plancherDesVaches 5 juillet 2009 18:13

      J’ai connu un médecin généraliste qui pouvait tellement s’ « exprimer » contre un visiteur médical que les patients l’entendaient malgré les doubles portes...
      J’ai connu un autre médecin généraliste qui sortait les caisses de bouteilles de champagne tard le soir croyant que ce serait plus discret.

      Il faut de tout pour faire un monde.

      Et, malgré tout, il faut bien reconnaître que les labos, s’appuyant sur la SCIENCE, ont BIEN PRIS EN OTAGE LA SANTE HUMAINE ainsi que les toubibs.

      De là à jeter le bébé avec l’eau de son bain : je m’y refuse.


  • capucine 4 juillet 2009 23:28

    D’autres à venir j’espère ! J’enregistre, je transmets ... BRAVO ... MERCI ...


  • Lucien Denfer Lucien Denfer 4 juillet 2009 23:54

    « Je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l’exercice de la médecine. Je donnerai des soins gratuits aux indigents, et n’exigerai jamais un salaire au-dessus de mon travail. Admis dans l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe, ma langue terra les secrets qui me sont confiés, et mon état ne servira pas à corrompre les moeurs ni à favoriser le crime. Je ne permettrai pas que des considérations de religion, de nation, de race, de parti ou de classe sociale viennent s’interposer entre mon devoir et mon patient. Même sous la menace je n’admettrai pas de faire usage de mes connaissances médicales contre les lois de l’humanité. Respectueux et reconnaissant envers les maîtres, je rendrai à leurs enfants l’instruction que j’ai reçus de leurs pairs. Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères si j’y manque ».


  • Antidote Europe 5 juillet 2009 11:00

    Approbation pleine et entière du comité scientifique Antidote Europe. Un spécialiste qui croit avoir la science infuse est un ignorant qui s’ignore !
    Les connaissance acquises à la faculté, pour toutes disciplines ceci dit, ne sont pas définitivement établies, systématiquement immuables .
    La formation continue, la mise à jour des connaissances sont indispensables. 
    En effet, les progrès de la science viennent relativiser le bagage professionnel d’un spécialiste en exercice qui ne chercherait pas à s’informer sur les nouvelles techniques et inovations médicales de pointes.


    Exemple d’actualité :

    Le comité scientifique Antidote Europe réagit défavorablement à l’annonce d’un nouveau programme de recherches - PharmaCOG - qui doit faire appel à l’utilisation de lémuriens pour la recherche sur la maladie d’Alzheimer. Situé à Marseille, ce projet dirigé par le Pr Olivier Blin, a reçu un financement de la Commission européenne.

    « Nous souhaiterions que l’entreprise du laboratoire du Pr Blin et des autres équipes européennes collaborant au projet Alzheimer réussisse, déclare Claude Reiss, président d’Antidote Europe et ancien directeur de recherche au CNRS. Nous devons malheureusement mettre en garde et ces scientifiques et les patients qui attendent toujours un médicament efficace pour stopper l’évolution de la maladie, sur leur peu de chances de succès en étudiant des modèles animaux comme »le lémurien qui en vieillissant présente des lésions cérébrales similaires à celles de l’homme« souffrant d’Alzheimer. »

    Depuis plus d’un siècle, des milliers de projets de recherche de ce genre ont été lancés. Ils se sont tous toujours soldés par des échecs cuisants, que l’espèce « modèle » soit une souris ou le chimpanzé, pour la simple raison qu’aucune espèce animale n’est un modèle biologique fiable pour une autre, notamment pour des maladies neurodégénératives.

    Avec plus de 800 000 malades en France et les méthodes non invasives (IRM fonctionnelle, tomographie à positrons, etc.), les données humaines sont abondantes. Alzheimer est une des nombreuses maladies conformationnelles (due au mauvais repliement de protéines qui de ce fait s’accumulent dans ou autour de la cellule), c’est donc une maladie d’origine cellulaire. C’est donc au niveau de cellules humaines qu’il faut en chercher le mécanisme, très probablement lié à une déficience durant ou suivant l’étape de synthèse de ces protéines. Il n’y a aucune raison que ce mécanisme soit le même chez le microcèbe, la souris ou toute autre espèce. Il faudrait de même comprendre comment ce mécanisme est enclenché, notamment sous l’effet de facteurs chimiques environnementaux capables de déclencher certaines maladies conformationnelles chez des personnes prédisposées.


  • JOSKAM 6 juillet 2009 20:32

    Comment sont trafiquées les études récentes sur les effets adverses du vaccin HB .
    Voir sur : Canal blog ; la question des vaccins


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