Le rêve, un espace de liberté et d’interrogation
Les anciens le considéraient comme un message divin, toujours digne d’attention. La physiologie moderne en fait un dérèglement des fonctions psychiques, la tradition populaire a toujours affirmé que les rêves ont un sens.
Depuis l’Antiquité, il est accordé une grande importance au rêve, l’interprétation varie selon les cultures et interférences religieuses ou philosophiques.
Pendant longtemps, le rêve s’est imposé aux doctes esprits comme une activité désordonnée du psychisme pendant le sommeil. Les interprétations physiologiques n’y voyaient qu’une simple perturbation inexpliquée.
Avec l’avènement de la psychanalyse, il est devenu un canal qui conduit à l’inconscient.
Dans L’Interprétation des rêves, Freud rappelle les différentes théories proposées pour rendre compte des rêves. Il affirme que le rêve, loin d’être un phénomène absurde et sans importance, a un sens.
Cependant, en bon scientifique, il affirme que le rêve informe sur la réalisation symbolique de désirs refoulés dans l’inconscient.
Ce sens ne saurait être découvert, comme l’entend la sagesse populaire, par la seule interprétation des symboles. Il a raison et tort à la fois, on ne peut lui reprocher de protéger son travail.
Les raisons objectives qui méritent d’être soulignées sont la nécessité de faire la distinction entre le contenu latent et le contenu manifeste. Le contenu manifeste désigne le scénario du rêve, tel que le raconte le sujet au réveil, avec ses contradictions et ses lacunes. Le contenu latent désigne au contraire le désir lui-même qui est parvenu à s’exprimer symboliquement dans les images du rêve.
Si vous ne suivez pas, ce n’est pas grave, comme disait Coluche, il n’y en a qu’un qui suit, c’est Freud lui-même, on y reviendra. Coluche disait aussi dans un moment d’inspiration qu’il avait tout lu Freud, qu’un jour il avait consulté pour des raisons d’énurésie qui le culpabilisait. Avant le traitement, il avait la somme de 2 000 F, il était triste. Après le traitement, il pissait toujours au lit, il était fauché, mais il était fier de lui et content.
Ceci n’engage que Coluche, je l’adore et ne l’oublierai jamais. Je ne remets pas en cause le travail de Freud qui a le mérite d’avoir affronté comme un seul homme tous ses confrères à l’unanimité, et d’avoir été sali, agressé et discrédité par l’obscurantisme moral et religieux qui sévissait en cette fin de XIXe siècle, et au-delà. Pour revenir à nos moutons afin de les compter minutieusement pour retrouver le sommeil... et pour rêver, je m’égare.
Le travail du rêve désigne les différents mécanismes mis en œuvre par la censure pour rendre méconnaissable le désir refoulé. Parmi ces mécanismes, on distingue : la symbolisation, le retournement en son contraire, le déplacement, le refoulement et la condensation.
L’interaction de tous ces facteurs explique la réticence freudienne. Néanmoins, plus tard, il apparaissait au brave médecin que les symboles n’étaient pas individuels, mais constituaient une langue commune à toute l’humanité. L’étude des rêves prenait alors une grande importance dans la pratique analytique. Les rêves sont une des clés pour dévoiler les conflits inconscients et permettent d’en retrouver l’origine infantile.
Les plus grandes découvertes dans le domaine de la psychanalyse viennent de l’auto-analyse freudienne portant sur ses propres rêves.
Pourquoi pas moi, s’écriait Mitterrand dans le chambardement de Mai-68 en pensant à l’investiture suprême... Pourquoi pas vous, à l’écoute de vos propres rêves sans aucune intervention fusse-t-elle savante ?
Les rêves sont d’autant plus intéressants qu’ils appartiennent au processus de la création. Ils jouent un rôle majeur dans l’évolution de l’homme. Ils nous renseignent sur nos besoins profonds. Ainsi donc, l’acte de rêver implique que l’attention du rêveur soit dirigée sur tout ce qu’il rejette ou ignore à l’état de veille. Le rêve devient un guide vigilant.
On a pu reprocher à Freud de se focaliser sur la sexualité, c’était précisément le problème de son époque, ceci explique cela.
C’est l’élève qui dépasse le maître, c’est précisément Jung qui établit cette relation avec les préoccupations sexuelles de ce siècle mourant.
Un excellent film de Visconti, Mort à Venise à travers Thomas Mann, traduit merveilleusement avec l’appui de Gustave Mahler pour la musique, L’Adagietto le refoulement, la misère psychologique et la mort qui rôde dans ce monde finissant. L’ambiguïté de l’Europe de la belle époque. L’absence du rêve est générateur d’involution, voire de mort.
En laboratoire, des tests prouvent que des patients réveillés au moment du rêve, période du sommeil paradoxal, connaissent une dégradation de leur état de santé au bout de quelques jours. Le rêve est indispensable à notre équilibre, c’est une soupape de sécurité. Les attitudes les plus intellectuelles, les plus spirituelles, nuisent à cette intégrité lorsque, trop exclusives, elles n’accordent point, aux émotions et à la chair, la part qui leur est due. Le rêve semble rétablir l’équilibre entre les différents plans de la personnalité, afin qu’ils se complètent plutôt que de s’entre-détruire.
C’est à travers le rêve que l’on peut entrer en contact avec les racines de son être et ses véritables besoins. C’est au cours d’une crise, lorsque notre vie est particulièrement menacée par les circonstances extérieures ou notre désarroi intérieur, que l’on fait les rêves les plus nets, les plus révélateurs. Leur efficacité dépendra de notre attention et de l’effort d’en tenir compte.
Quelques principes essentiels de l’interprétation du rêve.
Noter le rêve. Ne pas s’éveiller trop brusquement, demeurer un instant dans un état de passivité, les images peuvent remonter naturellement sans contrôle. Noter soigneusement sans omission ni rajout. Pas d’interprétation arbitraire, s’appuyer sur le rêve brut, dans toute son obscurité.
Des idées et souvenirs surgissent spontanément autour de chaque image dans le rêve.
Le rêveur lui-même est la seule personne capable de donner un sens à ses rêves. Leur interprétation doit se passer de l’implication d’un intrus fusse-t-il un spécialiste. Pour ce dernier, l’espace de liberté n’est pas une vue de l’esprit, mais une réalité qui doit être sauvegardée. Il importe en premier lieu d’être ouvert à un large éventail de significations.
L’affectivité et surtout l’intuition sont plus efficaces que la raison et la volonté pour nous conduire au dénouement.
Constitué d’une profusion d’images, ce langage universel est le seul où, par exemple, une maison ne représente pas uniquement une maison en soi, mais tout ce qui y est associé dans l’esprit humain.
C’est avec une longue pratique et beaucoup d’attention, que la structure onirique et son véritable rapport à l’existence émergent clairement dans la vie d’un être humain.
Il importe de se familiariser avec l’imagerie et la symbolique des rêves. Envisager le rêve comme un creuset d’inspiration. Il éclaire la poésie, la peinture, le conte de fées. Les artistes exploitent cette richesse.
Par la sophrologie, qui est une forme domestiquée et concentrée de l’utilisation de l’espace onirique, il est donné de vivre mieux, sur le plan physique et mental, mais aussi sur le plan social, relationnel et professionnel.
Dans cet espace de liberté et d’interrogation, il n’est pas toujours aisé et confortable, sous l’emprise d’un rêve, d’accepter que nous sommes toujours le metteur en scène, l’acteur et le spectateur dans un seul personnage, le rêveur.