samedi 27 novembre 2010 - par Catherine Coste

Les cinq ans de la transplantation faciale

« En 2005, les professeurs Bernard Devauchelle, Sylvie Testelin, docteurs Christophe Moure, Cédric d’Hauthuille du CHU d’Amiens et le professeur Benoît Lengelé de l’Université catholique de Louvain, ont réalisé en collaboration avec l’équipe du professeur Jean-Michel Dubernard du CHU de Lyon la première greffe partielle du visage au monde(greffe du triangle formé par le nez et la bouche) sur une femme de 38 ans, Isabelle Dinoire. Cette opération eut lieu entre les dimanche 27 et lundi 28 novembre au CHU d’Amiens. » (Wikipedia)

Cette technique nous paraît toute récente, et pourtant la première greffe des tissus composites de la face date d’il y a déjà cinq ans. Depuis, la France et l’Espagne se battent pour le label « première mondiale de la greffe totale de la face ».

Une "greffe totale du visage" a été réalisée le 27 juin 2010 par l’équipe du professeur Laurent Lantieri du CHU Henri-Mondor de Créteil sur un homme de 35 ans atteint d’une maladie génétique qui lui déformait le visage, tandis qu’un hôpital barcelonais affirme avoir été le premier à pratiquer une greffe complète en mars dernier (source). Le patient espagnol aurait "bénéficié" d’une greffe totale de la face (paupières comprises) alors que son état ne le nécessitait pas, ce qui lui fait courir de grands risques (il doit prendre plus d’immunosuppresseurs dont les effets secondaires type diabète et cancer ne sont pas anodins, il ne peut fermer les yeux durant des semaines ...). D’autre part, selon les spécialistes français, des doutes subsisteraient quant à l’intégralité de la greffe, notamment en ce qui concerne les paupières et les mâchoires, sur ce patient espagnol (source).

Il semble, pour reprendre les mots du professeur Laurent Lantieri, que "l’histoire retiendra les greffes du visage."

Aujourd’hui, Isabelle Dinoire, patiente pionnière de la transplantation faciale, va bien et poursuit le cours de sa vie dans une région sinistrée sur le plan de l’économie (le Nord). Contrairement à certains professeurs de médecine, l’amour d’Isabelle Dinoire pour les médias est modéré. Elle a expliqué avoir un nouveau visage, tenant à la fois du sien, de celui de la donneuse, et d’autre chose : ce qu’elle imprime à ce nouveau visage, jour après jour, pour l’apprivoiser, pour vivre avec lui et grâce à lui. Ces faits ayant été établis, elle se contente de vivre sa vie, de faire au mieux, avec cette modestie et ce sens des réalités qui constituent son vrai visage, celui qu’elle nous donne à voir, de loin en loin, avec mesure et discrétion. On en oublierait presque qu’il s’agissait d’une "Première" mondiale. D’un côté le quotidien, de l’autre le spectaculaire. Je ne connais pas bien Isabelle Dinoire, mais (est-ce un paradoxe ?) il me semble qu’elle se situe plus du côté du premier que du second. Sa greffe du visage ne lui est pas montée à la tête. Mieux que des mots : prouver aux autres que cette greffe est éthique, au fil du temps, des rares interviews, qu’Isabelle mène avec l’élégance de la sobriété. Loin du Parisianisme des "Premières" nationales ou mondiales, Isabelle avance dans sa vie, les deux pieds bien sur terre, la tête sur les épaules. Une vie bien sage, bien rangée, pour prendre soin de cet extraordinaire don qu’elle a reçu, mais qui n’a pas le pouvoir d’effacer d’un coup de baguette magique les problèmes bien réels auxquels elle doit faire face au quotidien : ses filles à élever, le travail qui manque dans le Nord ... On la verrait bien dans L’Angélus du peintre Jean-François Millet ... Pas d’arrogance ni de malice, mais ce mot, cette pudeur qui font si ringard : l’honnêteté. Plus elle parle bas, Isabelle Dinoire, mieux on l’entend.

Loin de l’histoire des "Premières", pleine de bruit et de fureur. Ce qu’on entend dire, d’une voix mesurée, posée : "Je m’en serais bien passée, d’être La patiente pionnière des transplantations faciales. Mais puisqu’il le faut, je relève le défi." Qui peut mesurer à quel point notre visage est ancré au fond de nous, tel un organe vital ? Ceux qui ne croient pas que "ce que nous avons de plus profond, c’est la peau" (Paul Valéry) diront que cette histoire de vie ne peut bouleverser la morale publique. Un visage, ce n’est pas un rein ou un coeur. Ils diront que la transplantation faciale se fourvoie dans du hors-piste. Qu’ils regardent vivre Isabelle Dinoire, la silencieuse, la femme à l’ombre légère, loin du tapage médiatique fait par des impatients réclamant des organes. Où est le bazar bioéthique (Dr Véronique Fournier) ? Du côté de cette histoire de vie qui bouleverse la morale publique ou du côté des impatients qui ne cessent d’accuser autrui d’un manque de générosité qui tue chaque année toujours plus (XXX patients morts-faute-de-greffe) ? Faut-il industrialiser le don d’organes ? Faut-il industrialiser Isabelle Dinoire, en produire 15.000 comme elle demain (15.000 patients en attente de greffe, les deux tiers attendent un rein), accusant autrui d’un manque de générosité lors d’une émission grand public sur le don d’organes, pardon, de visage, martelant comme un seul homme : "Tout ce qui n’est pas donné est perdu !" ?

 

A l’occasion de ce cinquième anniversaire, on pouvait entendre le professeur Bernard Devauchelle sur RFI dans l’émission du 09/11/2010 : "Autour de la question" : "C’est quoi un visage ?"

Le professeur Devauchelle rappelle les conditions du don d’organes dit "post-mortem" : "la mort encéphalique équivaut à un état de coma dépassé, ce n’est donc pas tout à fait la mort."

D’où la résistance de certaines cultures, le Japon notamment, à admettre le prélèvement d’organes et de tissus, fut-ce pour sauver des vies. Pour le professeur Devauchelle, ces résistances seraient "plus culturelles que cultuelles" ...

==> Ecouter l’émission (lien permanent).



7 réactions


  • LE CHAT LE CHAT 27 novembre 2010 23:14

    les bogdanof se sont fait transplanté le menton depuis bien plus longtemps ! smiley


  • vinvin 28 novembre 2010 01:48

    (Le CHAT)


    Cet article traite d’ un sujet médical, donc d’ un sujet sérieux et grave, je trouve donc votre sens de l’ humour mal placé.

    J’ ai moi aussi le sens de l’ humour, mais je garde pour d’ autres articles, ( qui sont aussi interressant,) mais de moindre importance et gravité.

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    (@Madame COSTE).

    Votre article est passionnant, et c’ est fous ce que la chirurgie a fait des progrès en quelques décennies seulement.

    Par contre, c’ est formidable de pouvoir greffer un nouveau visage a une personne qui a été victime d’ un accident grave, ou qui c’ est faite a moitié « bouffée » par un animal sauvage, mais par contre il ne doit pas être facile de vivre avec un nouveau visage ayant appartenu a une personne que l’ on ne connait pas, et également de voir qu’ avec ce nouveau visage on ne ressemble plus a aucun membre de sa famille. ( Enfants, Frère, Soeur, etc....).

    Cela doit être très dur psychologiquement, contrairement a ceux qui ont recours a la chirurgie plastique pour changer de visage, ou pour ressembler a leur acteur ou actrice préféré ou chanteur et chanteuse préféré, car dans ce genre de condition les personne qui le font, le font après réflexion, et volontairement.

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    Expérience personnelle :


    On me disait souvent dans ma famille que je ressemblait beaucoup de visage a l’ un de mes oncles maternel, et a chaque fois cela me perturbait, voir me traumatisait, et je me sentais insulté. ( L’ oncle en question a commis un homicide et a retourné ensuite l’ arme contre lui il y a quelques années,) donc lorsque l’ on me disait que je lui ressemblais, cela me donnait l’ impression qu’ on me disait (que j’ avais la gueule d’ un assassin ).

    N’ ayant pas d’ argent pour avoir recours a la chirurgie, j’ ai fini par me laisser pousser la barbe, et depuis je suis tranquille on ne m’ a plus dit que je ressemblait a mon oncle.
    (Je ressemble a moi, et puis c’ est tout ! ).


    Bien cordialement.

    • Catherine Coste Catherine Coste 28 novembre 2010 06:19

      Merci pour ce message, Vinvin !


      Votre « terrain » familial (on ne le choisit pas !) peut montrer que dans des situations extrêmes, ne pas perdre la face est aussi vital que de conserver ses organes vitaux en bonne santé ! Vous aviez l’impression qu’avec cette remarque anodine en surface, on allait vous porter la poisse, comme si on cherchait à vous refiler un cancer ou quelque chose du genre. Cette remarque (ressemblance avec cet oncle au destin terrible) est en effet à double tranchant : d’un côté, vous aviez l’impression qu’on vous refilait un karma douloureux, mais de l’autre, cette ressemblance avec votre oncle que votre famille voyait en vous (était-elle objective ? pas sûr ...) était pour eux un moyen de faire un « travail de deuil » : votre entourage familial pouvait se dire que votre oncle subsistait (continuait d’exister), en mieux, à travers vous. Une façon de vous dire que vous reprenez le flambeau. Dans les deux cas, c’est vous mettre trop de pression. Vous avez su trouver un moyen subtil et non conflictuel de faire passer le message à votre entourage familial, et à ce que vous dites le message a été reçu. Tant mieux ! C’était un épisode de la série : « Visage et destinée » (avec un happy end ! )

    • LE CHAT LE CHAT 28 novembre 2010 17:25

      @VINVIN

      Mon C.V précise que je ne suis pas politiquement correct , chirurgie ou pas ! smiley


    • vinvin 29 novembre 2010 21:33

      LE CHAT, ARRÊTE DE FAIRE CHIER !


      A QUE BERCY !......


      VINVIN.

  • vinvin 29 novembre 2010 21:59

    (@ Catherine Coste).




    Merci pour vote message.

    Disons que je faisait juste le parallèle, entre ceux qui souffrent psychologiquement de ne plus ressembler aux membres de leurs famille suite a une intervention chirurgicale obligatoire, ( suite a une accident quelconque,...) ceux qui souffrent lorsqu’ on leur dit qu’ ils ressemble a un « ASSASSIN », et ceux qui suite a une intervention de chirurgie plastique sont heureux de ressembler a leur « idole ».

    Ce sont 3 cas totalement différents !.....

    En général la chirurgie plastique n’ est pas remboursée par la SÉCU, mais je pense que dans des des cas comme ( par exemple,) la famille OUTRA U, DUTROU, la MIENNE, etc... la SÉCU devrais faire exception pour des raison psychologiques don sont victimes les éventuelles victimes innocentes. (S’ il y en a !....). Le changement de nom de famille devrait également être systématique, et gratuit pour certaines personnes ! 

    Enfin, moi je porte le nom de famille du coté de mon père, et no du coté de ma mère, donc a ce niveaux je ne perte pas le nom de mon oncle, ce qui m’ évite des frais d’ avocats, de justice, etc... pour faire changer mon nom. ( C’ est déjà ça de gagné !)


    mais bon, je suis halluciné ceci dit des progrès fait en chirurgie et en médecine en général, car on ne pouvait pas faire toutes ses prouesse il y a 30 ou 40 ans.

    Et je m’ intéresse beaucoup a ce que peut apporter le sang embryonnaire, et placentaire, ainsi que les cellules souches.


    S’ il vous plais, continuer d’ exposer vos articles, car même si cela est un peu dur a lire « psychologiquement », cela nous apporte beaucoup sur le plan informatif, et je ne peu que vous encouragé en ce sens.



    Bien cordialement.




    VINVIN. 

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