Mediator : c’était quoi déjà ?
Que retiendrons-nous de la tempête de 2011 qui a touché le monde du médicament ?
Si l’on en croît un courrier publié dans la revue Prescrire de février, tout ce que nous avons connu en 2011 ne fut qu’une gigantesque opération de com’. Loin des caméras, les affaires, elles, ont repris plein pot.
C’est un médecin généraliste, le Dr Canevet qui a découvert un « micro-évènement » local, une goutte d’eau, qui témoigne de l’intense activité de lobbying de Big Pharma à tous les niveaux de l’administration du pays.
En septembre 2011, ce médecin a reçu une invitation à une soirée de la firme pharmaceutique GlaxoSmithKline sur le thème « Coordination du parcours Patient, pour une meilleure efficience des soins ». Ce thème est déjà extraordinaire en tant que tel. Est-ce vraiment le rôle d’une firme pharmaceutique que de s’impliquer dans « la coordination des soins » ?
Comme vous le constaterez, cette soirée illustre à elle-seule un mélange des genres qui a permis les dérives des dernières décennies.
Le président de séance est Denis Leguay, président de la CRSA (Conférence Régionale de la Santé et de l’Autonomie) des Pays de Loire. L’introduction est réalisée par Marie-Sophie Desaulle, présidente de l’ARS (Agence Régionale de la Santé). L’ARS est également représentée par Véronique Devineau.
Plus loin apparaît Christian Saout, co-auteur des rapports à la Ministre de la Santé et des Sports sur la « politique nationale d’éducation thérapeutique ».
Les associations de patients ne sont pas en reste non plus puisque Christian Meyer, Président du réseau Diabète 53 a communiqué sur son « expérience de la coordination des parcours de soins dans le cadre du diabète ».
La revue Prescrire rapporte enfin que l’invitation accompagnant le programme de cette soirée est signé notamment du « directeur partenariats institutionnels Laboratoire GlaxoSmithKline ».
Comme le souligne le Dr Canevet, « A l’heure où la profession est particulièrement sensibilisée à la notion de conflits d’intérêts, il est piquant de constater un tel soutien des pouvoirs publics à cette manifestation ».
Piquant vous avez-dit ?
Est-ce vraiment à une firme pharmaceutique de sponsoriser une rencontre sur cette thématique ? Comment l’administration peut-elle nous faire croire que ses dysfonctionnements révélés avec le Mediator sont partis en renommant l’AFSSAPS et en sanctionnant ou mutant quelques ex-responsables ?
Les députés, les sénateurs, les fonctionnaires, qui collaborent avec les firmes pharmaceutiques en participant activement ou passivement à des soirées locales ou à des réunions de plus grande ampleur (Club Hippocrate, Club Avenir de la Santé) se livrent à un trafic d’influence inacceptable, aux limites de la corruption.
Même la bombe du Mediator n’a pas suffit à règlementer ces pratiques ! En plus des firmes, des sanctions réelles contre ces représentants des pouvoirs publics doivent être votées et mises en place. Mais par qui ?
Pas sûr que le débat des présidentielles ne soulève ces questions pourtant fondamentales dans une démocratie.
Source : Conflits d’intérêts, Prescrire, février 2012, Tome 32 n°340, page 150