Patient, plus que jamais …
Avec assistance en sus
Je viens d'expérimenter une innovation née dans les esprits fertiles qui gravitent dans les cabinets ministériels. Devant les calamiteuses conséquences de l'incompétence de leurs prédécesseurs à moins que ces brillants esprits n'étaient déjà en place, ils se penchèrent sur le manque cruel de médecins généraux.
Ainsi donc, ces êtres brillants ont pensé qu'adjoindre un assistant aux derniers médecins pratiquant encore cette médecine de proximité si peu rentable, allait résoudre comme par magie, le problème en attendant les effets de la fin du numerus-clausus. La belle initiative que voilà qu'avec un peu de retard, j'ai expérimenté dernièrement. Je vais vous livrer ce moment inoubliable.
Le rendez-vous, pris plus d'un mois au préalable par le truchement d'une plateforme numérique était fixé à 9 h 30 dans une maison de santé, usine à gaz de la médecine en territoire d'exclusion. La salle d'attente y est un bel exemple de cosmopolitisme urbain dans lequel les va-et-vient ne cessent pas un instant, entravant la lecture de l'ultime individu qui ne pianotait pas sur son portable.
L'attente est certainement un préalable à un examen de qualité. Tout comme les artistes de renom, le médecin qui se respecte doit dès le matin, condamner ses clients à une longue période d’introspection. Il y a sans doute dans cette démarche, la volonté d'écarter les rendez-vous de confort. Il est vrai que s'engager dans cette aventure demande une santé de fer ou pour le moins une patience sans égal…
C'est donc une bonne demi-heure plus tard qu'un individu masqué me pria de le suivre. Je ne reconnaissais nullement sous ce déguisement la praticienne qui me permet de conserver le privilège rare de disposer d'un médecin traitant (pas nécessairement compétant). Je suivis ce personnage, m'interrogeant sur sa fonction, persuadé alors que j'avais à faire à un suppléant.
Nous nous sommes installés dans un nouveau cabinet et l'homme se présenta comme assistant médical du docteur X.... Nous entamâmes alors une conversation à potions rompues, tandis que mon interlocuteur remplissait ce qui doit être mon dossier médical. Nous prîmes le temps de faire le tour de mon état sans que j'éprouve tout à fait le désir de me confier à un inconnu. L'examen des analyses de sang passa sous silence les données pourtant soulignées sur le compte-rendu du laboratoire. Puis le silence se fit…
Je m'enquis alors de son rôle, de sa formation et de l'existence de ce dispositif. Il me confia alors que des aides-soignants ou des infirmiers pouvaient passer un certificat ou une VAE afin de remplir cette mission créée pour soulager le corps médical. Point de diplôme reconnu donc, d'après ce qu'il m'en dit pour un travail qui consiste à libérer le praticien des tâches administratives qui alourdissent son métier.
La discussion prit fin et tandis que mon vis à vis pianotait sur son clavier, je redevins un patient attendant à nouveau l'arrivée de la véritable professionnelle de santé. Une nouvelle attente s'imposa à moi jusqu'à ce que la dame pénètre enfin dans son cabinet. Je m'attendais il est vrai à changer de pièce comme dans les structures ophtalmologiques où la rentabilité économique impose une rotation forcenée des vaches à lait.
Que nenni, l'assistant se leva pour faire place à la dame qui prit à son tour les commandes de l'ordinateur. J'avais donc droit à une sorte de téléconsultation en présentiel. Un nouveau concept, sans doute lui aussi né dans les officines ministérielles. Il convient sans doute de penser que mon dossier informatisé rend d'avantage compte de mon état de santé que ma modeste personne.
Après quelques minutes, le véritable examen se fit. On me pria de m'asseoir sur le plan de travail médical pour une auscultation qui se limita au stéthoscope. J'ai omis de vous signaler que l'assistant m'avait pris la tension par-dessus mon vêtement. La partie véritablement médicale s'acheva ainsi avant que de voir partir la généraliste.
Pendant que son assistant imprimait avec difficulté, l'ordonnance et achevait les procédures administratives qui justifiaient sa mission, je m'interrogeais in-petto. Quel est ce gain de temps supposé si le médecin ne dispose pas d'un autre cabinet ? Pourquoi m'avoir imposé une telle redondance qui ôte véritablement toute sincérité à la consultation ? Comment tirer un autre salaire dans une consultation au prix modeste qui finalement aura pris près de quarante-cinq minutes pour deux misérables gestes médicaux ?
Je ressortais de la maison de santé à 10 h 45 avec une seule certitude : je sais désormais pourquoi on nous qualifie de patients ! Je m'empressais de confier à mon assistant rédactionnel le récit de cette matinée avant que de me rendre compte, que je ne dispose pas de l'intelligence artificielle. C'est donc avec ma bêtise naturelle que je vous livre cette expérience désolante.