mardi 13 septembre 2011 - par PharmaSentinelle

Protelos : les concurrents de Servier enfoncent le clou !

Sale temps pour Servier en ce moment. Après des mois de séisme médiatico-judiciaire autour de l'affaire du Mediator, voici que Protelos, son médicament contre l'ostéoporose est à son tour mis en cause.

C'est Libération qui a ouvert le bal avec son article "Protelos : Servier persiste dans le mensonge". Servier n'a pas volé le déferlement médiatique sur ce médicament vu les révélations de l'article (dissimulation d'effets indésirables graves etc.)

Voilà qui pourrait faire le bonheur de certains !

Il faut dire que le marché de l'ostéoporose ne va pas bien. Cet énorme marché n'est tenu que par quelques médicaments appartenant principalement à la classe pharmaceutique des bisphosphonates : Fosavance (MSD), Actonel (Sanofi)...

Or, les autorités de santé américaines se questionnent actuellement sur la toxicité des médicaments de cette classe. Elles ont statué le 9 septembre 2011 sur la nécessité de réduire l'exposition à ces produits suspectés d'entraîner des fractures atypiques, des nécroses de la mâchoire (bon appétit !) et des cancers. Bigre ! Vu le climat en France, il serait mal venu que les autorités et les médias s'emparent d'une telle affaire !

Mais alors quel lien avec l'affaire Protelos ?

Les bisphosphonates ont deux concurrents sérieux dans le monde : le Prolia (qui sera prochainement commercialisé par GlaxoSmithKline) et le Protelos.

Depuis le début de cette nouvelle affaire pharmaceutique, seuls deux "experts" se sont prononcés dans les médias, mettant en garde contre le danger du Protelos : Gérard Bapt (cardiologue, député PS) et le Professeur Jean-François Bergmann (vice-président de la commission d'autorisation de Mise sur le Marché des médicaments).

Si les liens du député socialiste Gérard Bapt avec le géant pharmaceutique GlaxoSmithKline sont de notoriété publique, ceux du professeur Bergmann avec l'industrie pharmaceutique n'ont pu être établis que très récemment, depuis son audition au sénat par François Autain dans l'affaire du Mediator et relayés par le Canard Enchaîné.

Nous apprenons (plutôt de force que de gré) que Jean-François Bergmann reçoit des rémunérations de ... Sanofi et GlaxoSmithKline, soit les concurrents directs de Servier notamment sur le marché de l'ostéoporose.

Comme François Autain lui rappelait très justement : "Je ne vois aucune objection à ce que vous participiez aux essais financés par Sanofi-Aventis et que vous en fassiez bon usage. Le problème vient simplement du fait que vous participiez également à la commission chargée d'autoriser la mise sur le marché de médicaments produits par le même laboratoire pharmaceutique. Le règlement de l'Afssaps est très clair, contre les conflits d'intérêts. Or, ce que je constate, c'est que les quatorze membres de votre commission qui ont des liens d'intérêts avec Sanofi-Aventis, ont pris part à des décisions sur des médicaments fabriqués par ce même laboratoire : c'est violer le règlement de l'Afssaps, voilà où est le problème ! C'est arrivé en septembre 2010."

Encore plus fort, le bon Professeur Bergmann a signé il y a 15 jours un article de la Presse Médicale dans lequel il fustige le Protelos :

[Ranélate de strontium (Protelos(®)) : Who really benefits of the doubt ?]
Bergmann JF.
Presse Med. 2011 Aug 30. [Epub ahead of print] French.

En bas de l'article, figure la mention suivante :

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Pas de conflits d'intérêts ... Que lui faut-il pour qu'il y ait conflit d'intérêt ? Des parts dans les firmes ?

Effectivement, vu sous un certain angle, encore plus juteux que d'être rémunéré par une firme pour dire du bien de son médicament c'est d'être discrètement payé par ses concurrents pour le critiquer !

Simples étourderies de sa part ? C'est quand même à se demander si l'agnosognosie n'est pas une maladie contagieuse !

Et les patients dans tout ça ? Gérard Bapt et Jean-François Bergman sont restés étonnament silencieux sur le scandale des bisphosphonates qui sévit depuis plusieurs mois aux Etats-Unis. Faut-il y voir l'influence de leurs généreux mécènes ?

Quand rendra-t-on enfin la déclaration des conflits d'intérêts des médecins obligatoire lorsqu'ils s'expriment, y compris (et surtout) dans des médias grand public sous réserve de sanctions ?

A quand enfin un peu de transparence dans la santé ?

A lire sur le sujet :

Des parlementaires financés par l’industrie pharmaceutique travaillent sur les conflits d’intérêt (Agoravox, 26/02/2011)

FDA Panel : Osteoporosis Drugs Need Better Labels (WebMD, 09/09/2011)

Les huit morts du Protelos (JDD, 11/09/2011)

Déclaration publique d’intérêts de Jean-François Bergmann

Audition de MM. Daniel Vittecoq, président, et Jean-François Bergmann, vice-président, de la commission d'autorisation de mise sur le marché de l'Afssaps (Sénat, 28/03/2011)



3 réactions


  • picpic 13 septembre 2011 09:23

    Hooo...ce qui m’intrigue à l’heure actuelle c’est que personne ne semble s’inquiéter des médecins qui prescrivent des tonnes de médocs sans jamais avoir la moindre information quant a ce que le mélange de toutes ces molécules peuvent provoquer dans notre corps.


  • docdory docdory 13 septembre 2011 14:47

    @ Pharma sentinelle

    1°) Effectivement, les visiteuses médicales de chez Servier ont tendance à être particulièrement évasives quand on les cuisine sur le syndrome d’hypersensibilité, qui semble l’effet secondaire le plus dangereux du Protélos. C’est pourquoi je n’en ai jamais prescrit.
    2°) Dans les médicaments antiostéoporotiques , vous avez omis de signaler le raloxifène ( médicament de la famille des SERM ), qui a lui aussi parfois des effets secondaires sérieux ( accidents thrombo-emboliques veineux ).
    Compte tenu également des effets secondaires des biphosphonates ( ulcérations oesophagiennes, nécroses de la mâchoire ) , il est permis de se demander s’il est vraiment raisonnable de traiter préventivement l’ostéoporose autrement que par une banale association de calcium et vitamine D et surtout des règles d’hygiène : pas de tabac, activité physique régulière.
    Je pense que tous ces traitements sont à réserver maintenant aux ostéoporoses ayant un caractère de gravité indiscutable. Il est difficile de dire actuellement quel médicament à les effets secondaires les moins dangereux .
    Dans le doute, il convient d’appliquer l’adage « primum non nocere » !
    Lire la suite ▼

Réagir