Qui veut euthanasier l’hôpital public ?
A l’heure où l’on entend parler de contrôle voir de réduction démographique , de gouvernance mondiale et de sauvetage du système financier, a-t-on encore une bonne raison de vouloir maintenir plus de gens en meilleure santé et plus longtemps ?
A l’heure où l’on entend parler de contrôle démographique, de baisse des émissions de CO2, d’euthanasie et de décroissance, a-t-on encore une bonne raison de vouloir maintenir plus de gens en meilleure santé et plus longtemps ?
La santé publique, pour quoi faire ?
Pour Pierre Laroque, le « père fondateur » de
Dans son écrit Economie et Société de 1671, texte fondateur de la science de l’économie physique, Gottfried Leibniz mettait le bien-être physique des gens au cœur du fonctionnement de toute société : « Si un homme n’est pas, avant tout, assuré de sa subsistance, il n’a ni le cœur, ni l’esprit pour quoi que ce soit, il produit seulement ce qu’il espère vendre, se préoccupe de banalités, et n’a pas le cœur à entreprendre quoi que ce soit de nouveau. » Autrement dit, la santé publique n’est pas un coût économique qu’il faut ajuster aux moyens disponibles, mais un investissement pour l’avenir : se libérer du souci du lendemain pour pouvoir penser à après-demain.
La stratégie de la peur
Il y a deux mythes fondateurs de la destruction de notre système social : le fameux « trou de la sécu » et l’épouvantable dette publique.
Le trou de la sécu, certes, existe, mais contrairement à ce que l’on nous dit, il n’est pas dû à nos dépenses « excessives ». Un bon système social ne peut qu’exister dans une économie de plein-emploi. L’explosion du chômage depuis 1975 et l’avènement des politiques monétaristes a réduit d’autant les cotisations sociales destinées au système de santé publique. Puis le vieillissement de la population amène plus de dépenses et c’est normal, à moins de « trier » les vieux. D’autre part, l’Etat a commis deux crimes contre le système de protection social : il a eu recours à des exonérations massives de charges patronales sans jamais compenser le manque à gagner pour la sécurité sociale et il a détourné le produit des taxes sur l’alcool, le tabac et la pollution automobile qui lui était destiné afin de combler ses déficits budgétaires et payer ses dettes.
Dans l’élection présidentielle de 2007, la dette publique a été agitée comme un épouvantail par Michel Pébereau, président de BNP Paribas, et son rapport Rompre avec la facilité de la dette publique (sic). S’il est vrai que la dette française s’est accrue de 913 milliards d’euros entre 1980 et 2006, ce qu’il n’a jamais dit, c’est que dans le même temps,
« Convergence » public-privé
Désormais, la santé doit répondre aux lois du marché : c’est la dure loi du libre-échange d’Adam Smith qu’imposent les directives européennes et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) avec l’AGCS, Accord général sur le commerce des services. En France, on appelle cela « la convergence public-privé » ! Il s’agit donc de permettre aux cliniques privées de prendre des parts de marché à l’hôpital public et de laisser à ce dernier la responsabilité de se battre pour sauvegarder ses parts de marché. Dans cette démarche, il gagnera sa rentabilité et son indépendance, comme un grand. Pour l’heure, les cliniques privées versent des dividendes supérieures à au déficit de l’hôpital public.
La « loi Bachelot », actuellement examinée en procédure d’urgence à l’Assemblée, prévoit d’armer les hôpitaux pour affronter ce dur monde : il y aura désormais un PDG dans chaque hôpital, issu du privé et sans expérience médicale, avec pour seul mandat l’équilibre budgétaire. Pour atteindre son but, il pourra procéder à des licenciements et des réorganisations/fermetures de pôles d’activités. Il pourra aussi intéresser les médecins à son affaire avec un système de bonus. Et s’il n’atteint pas ses objectifs, ce patron pourra lui-même être viré.
Qu’adviendra t-il des deux cent trente-cinq hôpitaux, dont cent services de chirurgie, que
Tarification à l’acte
Avec la tarification à l’activité,
Comme on l’a vu aux Etats-Unis avec le mécanisme des HMO et le programme Medicare, cette tarification à la pathologie entraîne la fermeture des centres hospitaliers non rentables et aboutit finalement à une hausse des dépenses. Car pour rentrer dans leurs frais, les hôpitaux trichent avec le barème des soins et les cliniques privées n’hésitent pas à se jouer du système pour faire gonfler les factures. Au lieu d’être régie par un principe de solidarité, la santé publique devient un jeu d’argent promouvant la cupidité dont le gouvernement a pourtant déploré les excès dans le domaine de la finance.
Le transfert d’activités « rentables » aux cliniques privées laisse l’hôpital public sans moyens, à moins de rentrer dans cette compétition du haut de gamme. Ainsi disparaît l’accès aux soins pour les personnes âgées, les précaires et les plus modestes. On entre dans une politique de triage social et de dépopulation. Par exemple, la fermeture de maternités éloigne les futures mamans des structures nécessaires à un accouchement sécurisé. On risque d’accroître ainsi la mortalité infantile. Viser un taux d’occupation des lits de 100 % et licencier le personnel en trop ne peut qu’affaiblir la capacité de riposte face à une épidémie soudaine.
Quelle ambition pour l’hôpital public ?
L’hôpital public joue un rôle fondamental dans la vie d’un territoire. Il est un élément indispensable du bien-être de la population qui l’entoure, car il connaît cette population, il la soigne, l’emploie et la forme. Il garantit par sa présence l’accès libre et rapide à la médecine moderne.
Si
« Cette situation de pénurie chronique empêche l’application des recommandations internationales des prises en charge de très nombreuses pathologies, en particulier dans les domaines des maladies neurologiques, cardio-vasculaires et en cancérologie », expliquait au Figaro le professeur Grenier, secrétaire général de
« Recommandé chez tout patient suspect d’accident vasculaire cérébral (AVC) conduit aux urgences, l’IRM permet de donner rapidement une certitude sur le diagnostic, de voir quelle artère est bouchée, de guider la thérapeutique », explique le professeur Catherine Oppenheim, du centre hospitalier Sainte-Anne de Paris. « Or, en cas de suspicion d’accident vasculaire aigu, plus de deux patients sur trois n’ont pas eu accès à l’IRM en 2006 ».
Si cette technologie existe, alors quiconque y a le droit. Une véritable politique de santé publique et de population requiert ce type d’investissement massif. Car actuellement, on fait la politique de santé publique comme en période de baisse démographique, alors que nous sommes en pleine hausse : 64,3 millions d’habitants, soit 10 millions de plus qu’en 1981, et 834 000 naissances en 2008, du jamais vu depuis 1974.
Il va falloir combattre…
« L’Etat doit être le garant de nos principes de 1945-1946. Il doit rejeter une "nouvelle gouvernance de la santé", en empêchant que les lobbies de la mondialisation financière n’accaparent un secteur économique jusque-là contrôlé par la puissance publique. Cela signifie que les établissements de santé ne soient pas engagés dans une logique financière incompatible avec l’intérêt collectif.
« Il faut que cessent le triage des soins (environ un tiers des Français sont exclus des dépenses médicales, notamment en lunetterie et en dentisterie) et le harcèlement dont sont victimes les médecins et les soignants dans les hôpitaux publics.
« La santé publique et l’hôpital public : si nous ne les sauvons pas, c’est toute la société qui se disloquera, et avec elle, tout sens de solidarité et de progrès sans lesquels il n’y a pas de générations futures. »**
*Appel « Sauver l’hôpital public ! », pour les professionnels hospitaliers et les usagers : www.appel-sauver-hopital.fr
** Programme présidentiel de Jacques Cheminade « Mon projet contre les puissances de chantage du fascisme financier » : www.cheminade-le-sursaut.org