Vacciner les résidents des EHPAD ? Pas si simple !
Jean Castex et Olivier Véran l’ont annoncé lors de la première semaine du mois de décembre : la vaccination des personnes résidant dans les EHPAD devrait commencer dès le début du mois de janvier 2021. À une condition : avoir préalablement obtenu un accord écrit de chaque résident ou de son tuteur. Un vrai casse-tête en perspective pour le personnel de ces établissements…
Tout le monde comprend la nécessité de protéger, le mieux et le plus rapidement possible, les 700 000 personnes âgées qui résident dans les EHPAD d’une possible contamination au Covid-19. Et cela d’autant plus qu’au facteur d’âge, souvent très avancé, viennent s’ajouter dans un grand nombre de cas des comorbidités parfois lourdes qui augmentent de manière significative les risques de développer une forme grave de la maladie. Près du tiers des décès de l’épidémie en France aurait concerné des résidents des EHPAD. D’où la priorisation décidée par les pouvoirs publics pour ces établissements d’accueil ainsi que pour les services hospitaliers de gériatrie.
Pas question pour autant de rendre la vaccination obligatoire pour les résidents des EHPAD. Comme pour le reste de la population française, chacun restera libre de sa décision, sauf en cas d’incapacité liée à une dégénérescence cognitive. Il appartiendra donc aux responsables des établissements de recueillir, dans l’optique d’une campagne de vaccination interne, l’accord des résidents dont ils ont la responsabilité morale et sanitaire. Une tâche « problématique », ont souligné leurs représentants au SYNERPA – le syndicat de la profession – présents le 7 décembre lors d’une réunion organisée par la ministre déléguée en charge de l’Autonomie Brigitte Bourguignon. Et de fait, ce recueil du « consentement "libre et éclairé " » des résidents (dixit la ministre) sous la forme d’une autorisation écrite et signée se heurte à des difficultés non négligeables.
La plus importante, exprimée de manière spontanée ou induite par des proches, est la défiance à l’égard des nouveaux vaccins d’un nombre significatif de résidents en EHPAD qui n’en connaissent ni « les effets à plus ou moins long terme », ni « la durée d’immunisation ». Et ce ne sont pas les réserves émises par quelques scientifiques comme le Pr Éric Caumes (lien) qui sont de nature à les rassurer. Ici et là, des résidents reprennent même à leur compte la rumeur selon laquelle ils auraient été choisis pour « servir de cobayes » afin de vérifier l’innocuité des vaccins. Dans de telles conditions, il n’est effectivement pas facile d’obtenir de chacun une autorisation écrite, signée et consignée au dossier médical, condition préalable impérative à tout acte de vaccination in situ aux yeux des directeurs d’établissement. Un document évidemment destiné à protéger les membres du personnel des EHPAD de toute poursuite en cas de dégradation de la santé imputable à l’injection du vaccin.
Une autre difficulté concerne les résidents atteints d’incapacités cognitives de type Alzheimer et autres maladies dégénératives affectant la compréhension et la communication. Faute de pouvoir obtenir l’accord conscient de ces personnes sur les enjeux de la vaccination tel que le veulent, à juste titre, les adhérents de l’AD-PA (Association des Directeurs au service des Personnes âgées), des démarches devront être entreprises. Soit auprès des tuteurs de ces personnes en situation de démence, seuls habilités à se substituer aux résidents lorsqu’une mesure de tutelle a été actée par un juge. Soit auprès de leurs familles, ce qui, en l’absence de représentant légal dûment désigné, peut rendre malaisé l’obtention d’un accord unanime de fratries divisées sur la pertinence de la vaccination.
Une précision importante : dans tous les cas, il appartiendra au médecin référent de chaque EHPAD de valider ou pas la vaccination des résidents au vu de leur dossier médical et de la documentation fournie par les laboratoires sur les possibles effets indésirables que pourrait engendrer l’injection de tel ou te tel vaccin. En l’occurrence, il s’agira très probablement, dans un premier temps, de celui qu’ont mis au point Pfizer et BioNTech en utilisant la technique novatrice de l’ARN messager, sous réserve de la décision que devrait rendre l’Agence européenne des médicaments, au plus tard le 29 décembre.
À ces difficultés s’ajoutent en outre les problèmes de logistique liés aux conditions de conservation de ce vaccin qui doit impérativement être stocké dans un meuble frigorifique capable de descendre sous les -70°, et plus encore au maintien d’une chaîne du froid suffisamment performante pour l’acheminement des doses vers les EHPAD et leur conservation sur place le temps de mener à bien la campagne de vaccination. A cet égard, nul doute que les autorités sanitaires et les directeurs des EHPAD feront le maximum pour que tout se déroule au mieux des intérêts des personnes qui se seront portées volontaires. Mais il est peu probable qu’à la fin du mois de janvier la majorité des résidents aient été vaccinés.