samedi 21 mai 2011 - par Marc Bruxman

Accélération du changement, éducation et troubles sociaux

Un communiqué de presse d'Amazon nous apprend que ca y est, le géant américain vend sur le sol étatsunien plus de livres électroniques que de livres papiers. Au dela de l'aspect purement lié à la technologie du livre électronique, cette nouvelle confirme une accélération rapide du changement. Or rien n'indique que nos structures sociales ne sont conçues pour résister à une telle mutation. Le manque de formation initiale aux technologies accentue ce phénoméne qui va devenir très problématique à court terme. Des troubles sociaux, semblent malheureusement inévitables et sans un investissement massif dans l'éducation ils pourraient être extrémement graves.

Constat : La résistance au changement de la société diminue.

Il s'agit en effet d'une nouvelle surprenante même pour les plus technophilles. On pensait jusqu'à présent que le public de lecteurs assidus plus agé que la moyenne mettrait du temps à s'approprier cette invention. Et qu'en conséquence la transition prendrait du temps.

Certes Amazon n'est pas l'intégralité du marché du livre, il existe d'autres vendeurs. Il est donc certain qu'aux USA se consomment toujours plus de livres "papiers" que de livres "électroniques". Mais Amazon posséde des parts de marché suffisante pour que cette nouvelle fasse l'effet d'une bombe dans les millieux de l'édition. Les jours du papier sont comptés.

Au dela du sort du papier, ce succés de la technologie sur un public plus agé traditionellement plus rétif au changement est révélateur d'une société qui, de plus en plus, a perdu sa résistance naturelle au changement technologique. Il a fallu des années pour habituer les gens à "payer" sur internet. Il n'a fallu que quelque mois pour qu'ils utilisent facebook pour communiquer avec leurs amis (avec pourtant des conséquences potentiellement beaucoup plus graves). Dans le cas du livre électronique et de façon très intéréssante, non seulement le public a souhaité changer ses habitudes, mais les éditeurs ont opposés une résistance limitée aux USA. Ils ont probablement intégré ce qui s'est passé avec l'industrie du disque : la résistance a été vue comme futile et contre-productive pour le business.


L'accélération du changement, quelles conséquences sociales ?

Si le phénoméne d'accélération du changement est évident, ses conséquences sociales, le sont moins. Pourtant, leur gestion va être un des défis des années 2010 et va même s'avérer très problématique dans la seconde moitié de la décénnie.

La plupart des structures sociales sont en effet conçues sur la base de la stabilité. Elles peuvent tolérer un peu de changement mais leur capacité d'absorbtion est limitée. Que l'on prenne notre justice ou même notre pouvoir législatif aucun d'eux n'a été conçu pour fonctionner à la vitesse de l'internet. La conséquence est un système législatif et judiciaire en perpétuel décalage avec la réalité. Et donc un affaiblissement croissant de ces deux fonctions et au travers d'elles des politiques qui les représentent.

Les entreprises ne sont pas mieux loties. Si des petites structures peuvent avoir une certaine agilité et surfer avec bonheur sur la vague du changement, pour de grosses structures, l'équation est ingérable. Certains métiers disparaissent complétement entrainant à la faillite d'énormes structures (la poste américaine est déja en grande difficultés). D'autres métiers évoluent tellement que les employés ou les structures qui étaient qualifiées ne le sont subitement plus ou deviennent en grand surnombre suite à des gains de productivité.

Les américains l'ont appris à leur dépends après la crise financiére. Certe il y a eu un grand mouvement de panique avec des licenciements à grande échelle au début de la crise. Mais suite à cela, ceux qui ont gardé leur emploi ont cherchés à compenser le travail de ceux qui n'était plus la. Ils ont réussi et une fois la crise fini nombre d'entreprise n'ont pas retrouvé leur niveau d'emploi d'avant la crise. De l'autre coté, il n'y a pas de quoi absorber la main d'oeuvre rendu redondante. On se retrouve donc dans le cadre d'une dislocation sociale forte lié au chomage de masse et/ou à l'impression d'être inutile face à la machine.

Dans le même temps c'est l"éducation qui n'a pas évoluée assez vite. La ou l'on aurait le besoin d'une main d'oeuvre formée aux nouvelles technologies, le recrutement d'informaticiens compétents est devenu quasi impossible. Pire, il n'y a que peu d'écoles qui forment à ce métier et les sociétés de service se retrouvent à former à la va vite les gens à la sortie de l'école. Ces société le font mal (ce n'est pas leur travail), acquierrent à juste titre une réputation de marchand d'esclave dans le sens ou une formation rapide sur une technologie particuliére ne remplace pas une véritable éducation technologique.

On croit souvent que les jeunes, nés avec la technologie sont naturellement formé à son usage. Mais ce n'est qu'en partie vrai. La technologie voit son usage se simplifier d'années en années. Mais la partie immergée de l'iceberg est de plus en plus complexe. N'ayant jamais eu à y toucher, leur niveau de conaissances purement technologiques est en réalité en baisse inquiétante. Et l'on se retrouve petit à petit avec un analphabétisme technologique qui va avoir des conséquences très graves.


Pourquoi l'analphabétisme technologique est une bombe sociale

L'analphabétisme technologique pourrait être vu dans ces circonstances comme un bienfait car il freine d'une certaine façon le progrès technique dont on se plaint de la rapidité. Mais de l'autre, il renforce une dépendence aux outils techniques (parfois et souvent imparfaits). J'ai constaté plusieurs fois dans mon travail des réactions disproportionées de certains clients lorsqu'ils avaient à subir une panne technique ou à gérer un changement qu'ils ne comprennent pas. Ils sont à la fois hystériques après le prestataire technologique dont ils dépendent et en même temps prêt à tout pour que cela remarche. Cette relation me rappelle celle d'un drogué à son dealer. Elle conduit fréquemment à de (très) mauvaises décisions.

Or, dans un monde ou tout change très vite, une compréhension même basique des phénoménes technologique est indispensable dans la plupart des métiers. Non seulement elle améliore le fonctionnement des entreprises qui la possédent, mais elle évite que se propagent ce que l'on appelle les cadres S.A.R (Sert-A-Rien) à savoir des gens qui gardent encore temporairement un titre de cadre mais sont en réalité complétement esclave de ce que leur dealer technologique va faire pour eux et se contentent de donner l'illusion à leur direction qu'ils maitrisent la situation. 

Sans une compréhension plus globale des mécanismes technologiques par les individus, les structures sociales se sclérosent rapidement et perdent toute capacité à gérer le changement de façon intelligente. Ce phénoméne est extrémement destructeur et loin de freiner le changement, il l'accélére. Lorsque ces structures tombent sous leur propre poids, elle sont remplaçées par des structures plus agiles. La conséquence est un chomage de masse que rien ne peut arréter car il est structurel.

Quelles solutions

Il y a longtemps, de grands hommes politiques comme Jules Ferry ont compris que la société ne passerait pas à l'ére industrielle sans une révolution de l'éducation. On a appris aux paysans à lire et ces paysans ont alors pu exercer des emplois plus qualifiés. Cette tache titanesque a été bien accomplie. Et c'est à ces gens qui ont investis dans l'éducation que l'on doit notre prospérité.

Il faut aujourd'hui d'urgence remettre l'enseignement scientifique et technique et notamment les bases de l'informatique et l'algorithmique au programme des écoles. C'est en effet seulement par l'éducation que l'on va préparer notre société à encaisser le choc qui va s'abattre sur elle. Il faut agir à tous les niveaux du système éducatif de sorte à ce que l'on ait rapidement des résultats. Il faut notamment penser à la formation en millieu de carriére pour que la main d'oeuvre déja en poste se réadapte.

A défaut, on peut prédire que dès la seconde moitié de la décénnie 2010, la société va être emportée par un tsunami social.




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