Accidents de barbecue, le couple en danger !
Non, malgré le titre alarmiste, il ne s’agit pas de s’attarder sur les graves brûlures causées par des projections de graisse, des retours de flammes intempestifs ou des manipulations hasardeuses avec de l’alcool à brûler nécessitant l’intervention des pompiers et du SAMU et la sirène de l’ambulance roulant à toute allure vers le service des grands brûlés. Ces accidents sont quelquefois gravissimes, mais le plus souvent, les victimes s’en sortent heureusement avec quelques cloques. Il ne sera non plus pas question d’aborder le côté nutritionnel néfaste d’une pratique estivale qui fait consommer trop de viande et de graisse et qui pousse toute une population à l’obésité, au diabète et à l’hypertension. Pas plus que la dimension sous-jacente de la religion ne sera abordée : saucisses de Toulouse ou bien merguez et côtes d’agneau ? Vaste programme aurait dit le général de Gaulle. Mais en cette période d’affrontement entre islamophobes et salafistes, inutile de jeter de l’huile sur le feu du barbecue fût-il citoyen, nationaliste ou communautariste. La merguez est-elle universelle ? Bonne question, mais ce n’est pas le sujet du jour.
Ce qui doit préoccuper le lecteur, c’est l’adultère qui se cache le plus souvent derrière cette anodine activité de plein air entre adultes consentants, hélas souvent sous le regard des enfants qui ne sont pas dupes. Même si le barbecue est mondialement pratiqué, il semble que ce sont les anglo-saxons qui l’ont diffusé dans sa version moderne. Cette coutume conviviale s’est désormais répandue sur les cinq continents et prospère dans les pays au climat chaud et sec ou uniquement de façon saisonnière dans les régions tempérées. On voit mal en effet des invités frigorifiés se grillant des côtes de porc ou d’agneau en anorak autour d’un brasero dans un jardin enneigé. Le brasero avec les saucisses, c’est uniquement réservé aux syndicalistes devant les piquets de grève hivernaux.
Tenue légère, short et robe estivale, épaules nues incitent à se laisser aller. Et puis, pas de vrai barbecue sans boisson alcoolisée, cela délie les langues et incite à la bagatelle. Apéritifs, Vin et digestifs en abondance poussent à la grivoiserie et stimulent la libido, le pire étant le rosé qui diminue la vigilance des conjoints et leurs capacités d’analyses des dangers qui menacent insidieusement leur couple. Ceux-ci seront roulés dans la farine comme des filets de poissons. Il y aura toujours un ami attentionné qui aidera l’épouse à desservir les reliefs des repas, pour aller chercher des couverts ou des assiettes ensemble. Idéal le service pour s’isoler, draguer, caresser ou mettre une langue ou un doigt pendant que le cocu retourne les brochettes en se sifflant un Ricard. De son côté, le mari en quête d’adultère lancera à sa sémillante collègue, venue en amie : « Claudine, viens m’aider dans la salle de bains, j’ai du piment d’Espelette dans les yeux et sur les mains ». La pratique du barbecue devrait être interdite dans les contrats de mariage. Encore un combat en vue pour Christine Boutin et sa défense de la famille traditionnelle. Maintenant, si jamais vous avez déjà été trompé(e) au moins une fois dans la vie, faites une analyse introspective, pour rechercher la genèse de cet évènement désagréable et vous avez de forte chance de trouver un pernicieux barbecue à l’origine de vos déboires, juste après les rencontres sur le lieu de travail. Tout homme marié devrait comprendre que les collègues de bureau sont bien plus dangereux que les maitres-nageurs. Si votre compagnon (ou compagne) amène une secrétaire, un adjoint ou un collaborateur à l’une de ces festivités carnassière, vous doublez le risque d’être cocu. Si c’est par contre vous, l’infidèle, efforcez-vous à la même introspection et vous risquer de retrouver des chipolatas, des brochettes ou des grillades à la mexicaines à l’origine de vos ébats torrides et clandestins.
Mâles éméchés en rut, dangereux célibataires carnassiers en Ray-Ban, pieds nus dans les mocassins de cuir, allumeuses maquillées à la jupe outrageusement courte, la mère de famille un peu amortie par les grossesses ne fait pas le poids, pas plus que le mari bedonnant un peu ronchon, répétitif et routinier. Mais l’accident de barbecue peut arriver à quasiment tous les couples, tant cette pratique perverse c’est répandu sur la planète. Et la deuxième partie de la pièce de théâtre de Woody Allen, Adultères, commence aussi autour d’un barbecue.
Mais le summum du barbecue perfide se retrouve en Afrique, dans la communauté expatriée. Et cela dure depuis Karen Blixen ; Out of Africa, sans barbecue, c’est comme une visite à Paris sans voir la Tour Eiffel. Au Kenya, la Happy Valley (le lieu où les éleveurs blancs se sont installés) avait ses codes dès le début du siècle dernier. Les blancs du Kenya, ceux qu’on appelle les white Kenyans, (qu’il ne faut pas confondre avec les Anglais arrivés de fraiche date en Afrique) avaient leurs clubs, leurs rituels tout ce qu’il faut, teinté d’hypocrisie british, où l’adultère était institutionnalisé. Et ces gens bien sûr commençaient à se tromper mutuellement en cercle fermé. Pour les femmes, la tradition voulait que l’adultère n’apparaisse qu’après le deuxième enfant. Les white Kenyans existent encore et ont transmis leurs coutumes à leurs descendants. Mais ils ont contaminé les expatriés arrivés depuis la fin de la colonie. La pratique a même dépassé les frontières et toutes les villes de résidence d’une forte communauté internationale organisent le week-end, des barbecues où personnel des Nations-Unies, membres des ONG, fonctionnaires des Ambassades ou des grandes sociétés commerciales ou industrielles se côtoient, se mélangent, se séduisent et se trompent. Désormais, partout en Afrique les couples de blancs qui se font et défont autour des grillades, mais en plus des collègues perfides, se sont greffés quelques autochtones privilégiés. Les petites black aguicheuses n’ont pas de mal à harponner un mari volage. D’autant plus que les Africaines sont en général élégantes et font toujours un effort vestimentaire quand elles sont invitées. Les blanches sont par contre presque toujours mal fagotées, habillées comme des sacs, voire en jean et en tongs, même quelquefois aux réceptions d’ambassade.
La libido est exacerbée sous les tropiques, surtout autour des évocatrices boeren wurst des Sud-africains. Mais ce n’est pas uniquement de la graisse qui gicle hors des saucisses.
Par contre, le barbecue peut aussi très mal tourner à cause des enfants. Le livre de l’Australien Christos Tsiolkas, La gifle, raconte comment des gens de la bonne société de Melbourne en arrivent à des querelles irréparables après qu’un convive eut giflé un gosse qui n’était pas le sien au cours d’un barbecue. Finalement, le meilleur moyen de tremper son biscuit, c’est de faire griller des saucisses en groupe !