vendredi 20 octobre 2006 - par Kilosho Barthélemy

Afrique centrale, ces courriers qui n’arriveront jamais

Avec la présence de plus en plus grande des immigrés en provenance d’Afrique de Grands Lacs dans des pays occidentaux, le vol des courriers postaux destinés à leurs proches est monnaie courante, ce qui cause un grand discrédit aux services de poste.

Il n’est toujours pas aisé de se présenter devant les guichets des postes en RD Congo, au Rwanda, au Cameroun, ou au Burundi, pour réclamer des courriers non arrivés ou non réceptionnés.

Il n’est pas aisé non plus d’expédier régulièrement des courriers aux proches restés au pays. Ces deux situations intéressent beaucoup les employés chargés des services de réception et de distribution des courriers dans les différents guichets et cases postaux à travers le pays.

Les réclamations effectuées, disent-ils, ne sont pas "gratuites" ; ils signifient ainsi qu’une simple lettre sans importance, qui ne contient rien d’intéressant, ne peut pas amener quelqu’un devant les guichets des services de postes pour présenter une réclamation, surtout que les distances qui séparent les lieux de résidence des bureaux des postes sont grandes, ce qui entraîne de coûteus frais de déplacement.

Si la personne à qui est destinée le courrier a de la chance, elle peut recevoir la première lettre ou la deuxième ; mais les expéditions suivantes seront systématiquement ouvertes et fouillées par les quelques personnes chargées de la distribution des courriers.

Les courriers qui ont été ouverts n’arriveront jamais au destinataire pour qu’il ne remarque pas que son courrier a été ouvert. Dans les cas où ces courriers ouverts ne contiennent pas d’argent ni d’objets précieux, les destinataires ne les réceptionneront pas du tout puisqu’ils seront déchirés, brûlés et jetés dans des poubelles.

Comme les délais d’acheminement de l’Europe ou d’Amérique du Nord n’excèdent pas un mois, les expéditeurs, une fois le délai d’un mois passé, comprendront que leurs courriers ne sont pas arrivés au destinataire.

Certains expéditeurs portent souvent plainte pour vol et disparition de colis ; mais comme ces derniers ne seront jamais retrouvés, malgré les recherches entreprises par les services de postes occidentaux, les victimes de vol ou de disparition, à savoir les expéditeurs et destinataires, n’auront qu’à se résigner et accepter cette perte, puisqu’ils n’y peuvent rien.

En Afrique centrale, tout le monde sait qu’expédier un courrier en provenance des pays occidentaux est risqué, et on le fait quand même pour tenter sa chance et voir si le courrier va arriver, surtout quand il n’existe pas d’autre possibilité que l’envoi de ces courriers.

Les services de postes, qui relèvent de la fonction publique, secteur qui emploie plus de la moitié de la population active dans ces pays d’Afrique centrale, représentent l’image concrète des maux qui rongent la plupart de ces pays, à savoir la mauvaise gestion des ressources publiques, le nombre pléthorique d’employés, l’absentéisme au travail, etc.

Les services de poste ne fourniront aucun effort pour identifier les éventuels voleurs des courriers, non pas parce qu’ils ne les connaissent pas ; mais parce qu’ils ne le veulent pas.

Tous ces employés qui travaillent dans le service du tri des colis sont connus, mais ils ne sont guère inquiétés en cas de disparition des colis, et ils trouvent toujours des raisons pour se blanchir : ne disent-ils pas que les maigres salaires qu’ils perçoivent sont la raison de ce genre de comportement ? C’est oublier que cette situation est devenue une habitude pour la plupart des personnes qui travaillent dans ces service postaux.

Ce n’est pas la crise que ces pays connaissent aujourd’hui qui explique les mauvaises habitudes de ces employés des postes en Afrique centrale. Ce comportement, qui consiste à ouvrir les courriers et à soutirer les biens et objets qu’ils contiennent, date de plusieurs années avant qu’on ne parle des guerres et ou des crises endémiques qui secouent sérieusement des pays d’Afrique centrale.

D’ailleurs, la plupart des personnes qui travaillent dans les services de tri des courriers ne sont pas si mal lotis qu’on peut croire : beaucoup sont parvenues à se construire une petite fortune en soutirant les objets des courriers réceptionnés à la poste, et ils n’ont pas cessé pour autant ces mauvaises habitudes.

Et comme ce comportement reste souvent impuni, soit parce que les personnes soupçonnées de vol font partie des proches des responsables de la poste, soit que ce comportement est le reflet de l’image de la société en géneral, ces employés n’ont cessé de faire disparaître les courriers sans la moindre inquiétude.

C’est pourquoi plusieurs services des postes en Afrique centrale, notamment au Cameroun, en RD Congo et au Burundi, n’arrivent pas à couvrir leurs charges fixes, et semblent condamnés à la faillite, puisque beaucoup de personnes ont décidé de se tourner vers Internet et d’autres moyens de communication, ce qui a fortement fait chuter les entrées d’argent de nombreux services de poste.

On se demande toujours quand les populations de cette partie de l’Afrique comprendront que le changement des mentalités et le développement demandent la participation de tout un chacun.

Si les dirigeants de ces pays sont toujours accusés par leurs peuples de tous les maux, qui rongent leurs sociétés, en complicité avec les puissances étrangères, il est aussi vrai que chaque individu est responsable de la bonne marche de la société dans laquelle il vit, et qu’une société plus juste et honnête demande la participation et l’effort de tous.

L’abandon de ces mauvais comportements présents au sein des services de poste ne serait-il pas un bon signe, un bon pas dans la recherche d’une société plus juste, et un geste de plus ? Et ces mauvais comportements devraient être abandonnés non seulement au sein des services de poste, mais aussi dans tous les services de l’Etat. Cela constituerait un très bon geste pour nos sociétés.

Comme il n’existe pas de petits gestes s’ils sont effectués en même temps et par tout le monde. Ces bons gestes devraient être accomplis dans toutes les activités de la vie nationale, pour faire sortir les pays d’Afrique centrale de la mauvaise situation économique actuelle.

Source : Kilosho Barthélemy Covalence Genève



3 réactions


  • Romain Baudry (---.---.75.23) 20 octobre 2006 14:33

    Très intéressant. Le problème paraît en effet sérieux, étant donné le nombre d’Africains ayant émigré vers les pays occidentaux et envoyant régulièrement des colis et des lettres à leur famille.

    Je pense qu’une réforme de ce système ne peut passer que par une volonté de l’Etat (encore faut-il qu’il le veuille) relayé efficacement (encore faut-il que ses agents le veuillent). Ce genre de comportements délictueux massifs ne peut pas être réformé au niveau individuel : les individus sont encouragés par le fait que tout le monde fait de même autour d’eux et eux-mêmes contribuent ainsi à encourager les autres, ce qui donne un cercle vicieux.

    Dans le service postal comme dans les autres services publics, il est indispensable d’introduire un sens de l’honnêteté minimal. Ca nécessite que les agents en question reçoivent des salaires corrects, mais ce n’est pas suffisant. Ca nécessite que les agents coupables de délits dans le cadre de leurs fonctions soient pousuivis en justice... mais encore faut-il qu’on puisse les identifier, ce qui n’est pas évident si leurs supérieurs directs se font les complices de leurs actes. Il n’y a certainement pas de solution simple et imparable, mais négliger le problème en espérant qu’il se réglera de lui-même est visiblement contre-productif.


  • tal (---.---.91.58) 21 octobre 2006 15:36

    Bah ! cette évanescence postale, traduit la la néantisation de ce continent noir, berceau présumé de l’Humanité...Ce dont tout le monde se fout éperduement au demeurant. smiley

    tal smiley


  • Bécassine (---.---.18.96) 23 octobre 2006 13:34

    En parlant de la RDC, ce scandale géologique, le méchant colonialiste belge, doit absolument expier les errances de moboutou et de kabila père ! Joseph le fils de son père et J.P Bemba les prétendants au trône n’en ont rien à cirer de la poste !

    Salut à toi Kinshasa qui fût autrefois la plus belle !


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