mercredi 2 novembre 2022 - par C’est Nabum

Buffet froid

 

et petits fours

 

Pour le grand départ, notre civilisation manque singulièrement d'imagination à moins que ce ne fut de commisération. La cérémonie est confiée la plupart du temps à des tiers qui font profession de l'éplorement de circonstances, en habit noirs ou sacerdotaux. Des mines de carême, des propos convenus, quelques espérances factices en une autre vie tandis que le défunt reste à l'écart de son récit de vie.

Les églises sonnent le creux, la parole divine qui vend la vie éternelle pour unique secours tombe à plat pour un auditoire qui ne croit plus en rien. Il en faut bien de la conviction pour le prêtre et les diacres lorsqu'ils déroulent une cérémonie qui ne s'inscrit désormais que dans un passage obligé, faute de mieux.

Pour ceux qui brûlent la politesse au clergé, la crémation se prend les pieds dans les brûleurs, confiant la plupart du temps la direction des opérations à un professionnel de la mort, fort engoncé dans un rôle qui n'est pas le sien. Les propos impersonnels, une musique insipide, un ton d'enterrement pour achever le parcours terrestre dans la morosité et l'évanescence.

Le rire est proscrit, l'honneur d'accompagner une vie bien remplie dans son dernier trajet ne se manifeste que trop rarement lors de cérémonials qui n'en finissent pas de vivre leurs derniers soubresauts. Tout revient miraculeusement dans l'ordre naturel des émotions lors du pot d'adieu, quand le verre de l'amitié permet enfin de soulever la chape de plomb que le protocole entend imposer aux familles et aux amis.

Le buffet froid et les petits fours viennent sauver la mise en terre ou la crémation, redonnant enfin vie à celui ou celle qu'on a laissé partir dans la plus insupportable morosité. Boutons donc ces témoins d'une civilisation révolue, l'organisation des obsèques appartient aux proches, pour un ultime moment de convivialité, de vie, de partage avec l'absent.

Le récit de son parcours terrestre n'a nullement besoin de bondieuserie, ni de croque mitaineries commerciales à fonds perdus. Chacun devrait prendre la parole, évoquer une anecdote, un souvenir, un moment privilégié avec celui ou celle qu'on honore. Il ne devrait pas s'agir d'un pensum mais bien au contraire d'un moment réjouissant pour effacer un temps l'immense chagrin du départ à tout jamais.

Comment briser ce moment dédié aux larmes, au silence, à l'ennui ? En se l'appropriant loin des pratiques qu'une législation, soucieuse de faire de l'argent sur la mort, favorise sans honte. Il y a des gens qui réfléchissent à ces nouveaux rituels qui apparaissent comme une nécessité, tant les anciens sont obsolètes. Nous devrions nous y intéresser un peu plus.

La Confrérie des Charitables sont de tous les enterrements depuis. Leur credo ? Rendre le même service funèbre à tous, pour assurer l’égalité devant la mort. Leur histoire est très ancienne elle remonte à 1188 lorsqu'une épidémie de peste dévaste la région. Le bon Saint Eloi serait apparu à deux maréchaux-ferrants, Gautier de Béthune et Germon de Beuvry pour leur demander de fonder une « karité » (une charité) qui accompagnera les défunts sans aucune distinction de race, de culte, de position sociale. Ainsi les Charitables de Béthune et de Beuvry sont nés.

Un bicorne sur la tête, les membres de la confrérie prennent en charge la cérémonie et attestent ainsi qu'une autre forme de rituel est possible. Structure qui dépend de la loi 1901 sur les associations, elle est laïque et nous interpelle sur l'évidente nécessité d'une égalité devant la mort. Les fastes de l'État parfois ou les cérémonies dégoulinantes d'argent pour d'autres heurtent les consciences quand à côté, un indigent est jeté dans la fosse commune sans autre forme de procès posthume.

À contre-cœur.

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