mardi 27 juin 2023 - par C’est Nabum

Carton plaint

 

Coincer la bulle

 

Le vide n'est plus sidéral, il se contente d'être commercial. Sur les routes, des milliers de coursiers transportent des colis dont le volume laisse entrevoir de belles choses. Le poids parfois fait douter le livreur qui après avoir bandé ses muscles en tenant compte de la taille du paquet, se trouve face à un poids plume qui le laisse pantois : « Tout ça pour ça ! ».

Il ne s'en plaint d'ailleurs pas lorsqu'il doit attendre de longues minutes que les clients s'habillent pour venir jusqu'à la grille. L'heure des braves n'est pas la même pour tous désormais dans une société qui depuis son tournant consumérisme et la loi sur les trente-cinq heures a renoncé à l'unité de temps.

Il dépose la chose et s'en retourne poursuivre sa route dans sa quête du vent ou plus exactement dans son dépôt du vide. Curieusement, tout se note sur un boîtier numérique y compris un ersatz de signature pour le client qu'il réalise d'un doigt négligent. La plume a perdu la partie tout comme la bille, c'est sans doute pourquoi elles se réfugient symboliquement au cœur d'un carton bonne pâte qui accepte également les chips en polystyrène sans expansion, les copeaux artificiels, les bourrages de journaux invendus.

Le carton mobile est le roi de la poudre aux yeux. De sa grosseur dépend seulement la quantité de détritus qui viendront joncher une poubelle qui rit jaune. Parfois les enfants se mêlent de ce paquet cadeau pour disperser à tous vents ce qui, plus léger que l'air, ne demande qu'à prendre la clef des champs pour peu que les conditions soient favorables à leur évasion en pleine nature.

Mais que cache ce mystérieux trompe l'œil ? Lové dans son nid hétéroclite, protégé des coups et des chocs d'un transport sans ménagement, à l'abri de presque tout à l'exception de l'incendie et des inondations, une puce électronique ou un composant quelconque, espère ne pas finir à la poubelle, faute de l'avoir repéré dans ce capharnaüm évanescent.

Si par miracle la commande échappe à la valse du papier bulle, des protections factices et des mètres de papier collant, il est probable qu'elle demeure lettre morte, faute d'un mode d'emploi ad-hoc pour savoir l'utiliser. Il faudra se rendre alors chez un service après-vente compétent, idée qui ne vient jamais spontanément dans cette société de l'immédiateté.

En attendant, il y a dans des entrepôts gigantesques, des petites mains inventives qui ne cessent de bourrer les paquets dans le souci de distraire un peu les adeptes de plus en plus nombreux de la livraison rapide et domiciliaire. Ceux-là se souviennent avec nostalgie qu’ils avaient été jadis employés à une toute autre activité : « Ils bourraient les urnes électorales dans ce temps lointain où la participation était forte ! »

Ils n'ont du reste pas eu besoin de reconversion. Le vide, l'insignifiant, le léger, l'inutile demeurent leur spécialité. Leur seul regret est qu'aucune certification ne valide une compétence qui soulève bien des questions. Leur savoir-faire est indéniable et mériterait d'être rémunéré non pas au temps qu'ils mettent à remplir leur tâche et leur colis mais au temps passé par ceux qui à l'autre bout de cette chaîne énergivore, pour dépecer le paquet à la recherche de son trésor enfoui.

Une idée qui augmenterait singulièrement le revenu de ces artistes en suspension, ces équilibristes de la vacuité, ces princes de l'illusion. Au lieu de quoi ils sont payés à coup de lance-pierre, expression en totale contradiction avec ce transport du vide auquel ils apportent une indispensable contribution.

Pour leur rendre grâce, j'ai voulu écrire un texte aussi creux que leurs paquets sont vides. Prenez bien garde à recycler tout ce qui peut l'être. Aucune intelligence artificielle n'est venue se mêler d'un texte écrit à la plume de dindon.

À contre-poids.

JPEG



10 réactions


  • lecoindubonsens lecoindubonsens 27 juin 2023 18:18

    C’est exact que les paquets sont souvent plus vides que cet article n’est creux.

    Que faire ?

    Pour tous ceux qui travaillent dans les entreprises concernées, activer leur bon sens et faire des propositions d’améliorations

    Et pour nous, simples citoyens, bien remplir les poubelles jaunes avec tout « ce vide », pour qu’il redevienne utile.


    • C'est Nabum C’est Nabum 27 juin 2023 19:16

      @lecoindubonsens

      La première chose à faire est de ne point commander


    • Astrolabe Astrolabe 27 juin 2023 21:29

      @C’est Nabum
       
      Serait-ce un commandement ?


    • C'est Nabum C’est Nabum 27 juin 2023 22:02

      @Astrolabe

      Nul envie d’imposer ma volonté


    • lecoindubonsens lecoindubonsens 28 juin 2023 07:16

      @C’est Nabum « Nul envie d’imposer ma volonté »
      mais c’est pourtant l’impression donnée par « La première chose à faire est de ne point commander »  smiley
      Aller dans les magasins, ou faire venir les paquets chez soi sont 2 formes de distribution, chacune avec ses avantages et inconvénients.
      Si vous ne voulez pas imposer votre volonté, ne les condamnez pas et optimisons ces 2 formes pour en réduire les inconvénients en ne gardant que les avantages.


    • C'est Nabum C’est Nabum 28 juin 2023 07:53

      @lecoindubonsens

      C’est bien la première chose à faire pour qui veut avancer un peu

      La formule n’a rien d’injonctive
      Il est vrai que cela suppose de lire attentivement


    • OJBA 28 juin 2023 20:11

      @lecoindubonsens Le vide sert aussi à décorréler le volume de l’emballage du poids du supposé contenu, pour détourner certains du pêché de tentation. Il est fini le temps où « Maty » envoyait ses montres et bijoux du Doubs vers le Secteur Postal 69 (Allemagne) dans des boîtes en bois reconnaissables entre 1000. En passant par Paris, toutes arrivaient pleines, certaines repartaient vides.


    • C'est Nabum C’est Nabum 28 juin 2023 23:00

      @OJBA

      Je m’incline


  • juluch juluch 27 juin 2023 21:20

    Exactement ça !!!


Réagir