mardi 21 décembre 2010 - par bluboux

Commerce inéquitable : quand Max Havelaar tape sur les journalistes...

Christian Jacquiau est journaliste et écrivain (Les coulisses de la grande distribution, 2000 – Les coulisses du commerce équitable, 2006). Il vient d'être condamné pour diffamation (le 21 juin dernier), suite à une plainte portée par l’association Max Havelaar France, à la suite de la parution d'un article intitulé « Commerce équitable : un attrape-bobo ? », publié dans l’Echo des savanes en juin 2008.

Dans cette interview Daniel Audion, qui se révélera être la fausse identité derrière laquelle s’est dissimulé un faux journaliste se présentant lui-même comme imposteur professionnel, prête à Christian Jacquiau des propos (« Max Havelaar fait travailler des quasi esclaves ») qu’il n’a jamais tenus. Ni dans ses livres, ni lors des nombreuses interviews qu’il a accordées sur le sujet, ni lors de ses nombreuses conférences, débats ou forums auxquels il a participé. C'est ce que l'on peut lire sur le site du Comité de soutien à Christian, créé pour qu'il puisse faire face aux énormes frais de justice engagés, puisque l'écrivain a décidé de faire appel de cette décision de justice. L'association Max Havelaar lui réclame en effet 100 000 euros de dommages et intérêts.

On peut légitimement se demander pourquoi une association, qui bénéficie de la part de l'Etat français de confortables subventions, s'acharne à ce point sur ce journaliste militant, qui considère de son devoir d'informer le plus largement possible et bat la campagne depuis des années, en animant des débats et des réunions publiques. Ne serait-ce pas là un acte d'intimidation de plus, lancé en direction de tous les journalistes, à l'image des dérives auxquelles nous assistons en la matière depuis quelques années ?... Les livres de Jacquiau dérangent la grande distribution et tout un tas d'entreprises qui exploitent l'engouement des consom'acteurs pour le commerce équitable.

Sur son site, Christian Jacquiau explique sa motivation à mener ce combat jusqu’au bout : « On sait comment la rumeur, le discrédit, l’intimidation, la pression financière alimentent l’auto-censure, la plus efficace des censures. Les sommes astronomiques qui me sont réclamées, l’exécution provisoire exigée aujourd’hui par Max Havelaar sont autant d’arguments qui auraient pu m’amener à jeter l’éponge.
Je suis prêt à débattre, à répondre de mon livre, de son contenu, à expliquer, à justifier, à commenter, à argumenter, à reconnaître la moindre erreur si quelqu’un me démontre qu’il en contient une, mais je n’accepterai jamais d’être condamné dans un tel contexte, reposant sur une interview totalement bidonnée.
Condamné au moment même où des journalistes sont cloués au pilori et se font traiter de « trotsko-fascistes » pour avoir déplu aux puissants en tentant d’exercer leur métier tout simplement, je mènerai jusqu’au bout ce combat pour la liberté de la presse, la libre expression des individus, contre la censure des puissants et du pouvoir de l’argent, pour le droit à l’information des citoyens et à la critique ».

Alors que peut-on faire ? Si vous avez un compte bien garni, vous pouvez vous rendre sur le site du Comité de soutien et verser un don. Si vos moyens sont plus limités, vous pouvez acheter un des livres de l'auteur, pour le lire, le partager, l'offrir...

Vous pouvez également, au moment d'effectuer vos achats, vous demander pourquoi Max Havelaar ne s'est pas contenté d'une simple condamnation symbolique et demande une si lourde peine... Mais ne parlez surtout pas de boycott, ou alors vraiment tout doucement, il parait que c'est interdit... Alors contentez-vous d'informer !



7 réactions


  • voxagora voxagora 21 décembre 2010 10:59

    .

    Le business qui monte, qui monte, qui monte,
    c’est l’industrie de la réclamation de dommages-intérêts.
    N’importe quoi (un livre, un dire, mais -on le voit dans l’article- aussi des déclarations bidons étayées sur de faux témoignages) peut-être à la base d’une accusation : le processus démarre alors, avec la réclamation de sommes faramineuses, avec comme objectif d’en toucher au moins une partie.
    C’est ainsi que certains font d’une pierre mille coups : baillonnement des adversaires, bénéfice matériel etc..

    • bluboux bluboux 21 décembre 2010 13:43

      @ Réveil

      Ci-dessous le lien vers un article de Jacquiau publié dans le Monde Diplo :

      http://www.monde-diplomatique.fr/2007/09/JACQUIAU/15101

      Max Havelaar ou les ambiguïtés du commerce équitable

      Leader mondial du commerce équitable, Max Havelaar prétend répondre à une demande de consommation « différente » placée sous le signe de la solidarité entre consommateurs du Nord et petits producteurs du Sud. Toutefois, l’entreprise semble effectuer un tournant « pragmatique » en se liant à de grands groupes très éloignés de ses préoccupations d’origine. Il n’est pas certain que les producteurs et les citoyens s’y retrouvent.

      Par Christian Jacquiau

      Comment apporter aux petits paysans pauvres un revenu qui leur permette de prendre en charge leurs besoins fondamentaux, de préserver leur environnement et de fonder des relations humaines sur d’autres valeurs que celles prônées par le « tout libéralisme » planétaire ? C’est lors de la première Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), en 1964, que l’idée « Trade not aid ! » (« le commerce, pas l’aide ») donne naissance au commerce équitable. Jusque-là réservée à une clientèle d’initiés, la vieille idée d’une relation plus juste entre le Nord et le Sud se popularise alors auprès d’un public que l’on qualifie volontiers d’« alterconsommateur ».

      « Créé en tant que commerce solidaire, rappelle la sociologue Virginie Diaz Pedregal, le commerce équitable a été fortement marqué à ses débuts par l’humanisme des mouvements religieux chrétiens, ainsi que par une conception protestante de l’éthique (1). » D’essence caritative, mais influencé ultérieurement par une approche politique plus tiers-mondiste, ce commerce solidaire se transforme en acte d’opposition au système capitaliste. Il devient alors « alternatif ». Jusqu’à ce que...

      « Nous étions et sommes toujours anticapitalistes, opposés aux transnationales », rappelle le prêtre ouvrier Frans van der Hoff, cofondateur en 1988 de la marque Max Havelaar (2). Pourtant, happé par la vague néolibérale, la démarche « solidaire » puis « alternative » a muté, au tournant des années 2000, jusqu’à devenir un « commerce équitable » largement dépolitisé. « L’heure n’est plus à la révolution mais à la réforme, souligne Diaz Pedregal. L’objectif du mouvement est de bonifier le système libéral en le modifiant de l’intérieur. »

      Présent dans de nombreux pays du Nord et principal promoteur de cette mutation, Max Havelaar se trouve au cœur d’un vaste débat renvoyant la démarche à ses fondements, historiques et politiques. D’un côté, les tenants de la marchandisation des produits équitables. De l’autre, les promoteurs d’un modèle exigeant davantage de contenu social et environnemental tout au long des filières, au Sud comme au Nord, avec en filigrane une interpellation sur la question essentielle de la répartition des richesses. En ce sens, l’affaire du coton africain estampillé Max Havelaar – au-delà des polémiques qu’elle suscite – est emblématique du trouble que traverse le monde de l’équitable.

      Du retrait de la France coloniale – ayant permis la nationalisation des filières cotonnières africaines au bénéfice des Etats émancipés – aux privatisations imposées à ceux-ci par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, conduisant de fait à la réappropriation de leurs richesses par de puissants oligopoles privés, le coton est révélateur d’une certaine instrumentalisation du commerce équitable.

      La rémunération des petits paysans africains producteurs de coton est désormais fixée par le marché, où opèrent de puissants groupes financiers ou agroalimentaires, comme la société française Dagris (Développement des agro-industries du sud), détentrice d’un quasi-monopole sur le secteur cotonnier de l’Afrique de l’Ouest. Entreprise jusque-là publique, Dagris est aujourd’hui en cours de privatisation (lire « Paris brade le coton subsaharien »). « Le maintien de Dagris dans la sphère de l’Etat [risquait] de l’exclure de certaines privatisations, les Etats africains s’opposant fréquemment à ce que des organismes majoritairement publics contrôlent les filières cotonnières privatisées », précise un rapport du Sénat français, très favorable à sa dénationalisation, en mars 2005 (3). Désormais, la volonté du groupe de servir de confortables dividendes à ses actionnaires s’opposera à l’espérance des paysans de recevoir une équitable rémunération. Pour couper court à toute contestation, Dagris s’est tourné vers le « commerce équitable » : sur les deux cent quarante mille paysans producteurs de coton pour la société, trois mille deux cent quatre-vingts ont été sélectionnés pour bénéficier du système Max Havelaar (4).

      Elimination des petits paysans

      Un tel compagnonnage est contesté par Mme Aminata Traoré, ex-ministre de la culture du Mali : « Le commerce équitable fait partie des solutions au drame africain, à la condition que Max Havelaar ne se mette pas avec Dagris. Dagris fait partie du problème. » Mais d’autres considérations emportent la décision de Max Havelaar. « En 2003, l’association affichait un déficit de 350 000 euros, plus 600 000 euros de dettes et un arriéré d’impôts dépassant 700 000 euros. Max Havelaar France se refait une santé financière avec la fibre textile », constate la presse française (5). De fait, l’association est aussitôt récompensée : 610 000 euros lui sont versés par le ministère des affaires étrangères français, 500 000 par le Centre pour le développement de l’entreprise (CDE). Au total, plus de 1,7 million d’euros, toutes subventions comprises, pour la seule année 2004 (6).

      (...)

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  • etychon 21 décembre 2010 12:04

    Mr Max Havelaar pour être tout à fait crédible, devrait fournir au public le compte de résultat de son entreprise ainsi que le montant de son salaire...


  • Mikhal Mikhal 22 décembre 2010 14:56

    Nous sommes nombreux à vouloir « consommer responsable » mais à avoir une consommation finalement contre-productive, en toute bonne foi.

    Comme mentionné ci-dessus, Christian Jacquiau est l’auteur d’un admirable et courageux travail de « décorticage des rouages du système » avec deux livres qui ouvrent les yeux des consommateurs que nous sommes sur les mécanismes de la grande distribution et sur les dérives du commerce équitable. Ça fait 10 ans qu’il sillonne la France pour animer des conférences sur ces deux sujets, et suite à ses interventions, beaucoup d’initiatives d’économie alternative ont vu le jour. Il a notamment joué un rôle important dans le développement des Amap en France.

    Je crois qu’il est important de souligner que dans cette affaire, Christian Jacquiau risque non seulement gros financièrement, mais aussi que Max Havelaar réussisse à jeter le discrédit sur tout son travail.

    Il ne faut pas laisser faire ! Soyons nombreux à le soutenir en signant la pétition qui demande à Max Havelaar France d’abandonner ses poursuites : http://www.soutien-christianjacquiau.fr


  • brieli67 22 décembre 2010 19:07

    il est libre MAX 


    Il y en a même qui disent qu’ils l’ont vu VOLER..

  • Mikhal Mikhal 13 février 2011 18:54

    Christian Jacquiau a désormais un site, où l’on peut découvrir tous les détails de cette rocambolesque affaire...

    http://www.christian-jacquiau.fr


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