samedi 28 juin - par Laurent Herblay

De l’euthanasie et des (sombres) motivations financières

Décidément, le projet de loi facilitant l’euthanasie pose des questions qui devraient être davantage abordées par les grands médias, s’ils assuraient une couverture un minimum impartiale du sujet. Les motivations financières, des individus, comme de l’État sont un vrai sujet à prendre en compte, à moins de vouloir prendre le risque d’évoluer vers une forme de société dystopique inhumaine.

De l'euthanasie et des (sombres) motivations financières

 

Malaise au Canada et en Grande-Bretagne

 Les technocrates étant des technocrates, au Canada, une étude avait été faite en 2020 sur l’impact de l’assistance médicale pour mourir sur les finances publiques. Pour 6465 procédures, le gain pour les finances publiques était estimé à 87 millions de dollars canadiens, la réduction des dépenses de santé étant cinq fois plus importante que les coûts de la procédure. Et une expansion de l’éligibilité de la procédure devait apporter un gain proportionnellement bien plus important puisque 1164 procédures supplémentaires permettaient d’économiser 62 millions. Il n’est pas inintéressant de constater qu’en 2023, le nombre total des procédures (plus de 15 000, près de 5% de tous les décès), est le double des prévisions de 2020… L’impact financier de la facilitation de l’euthanasie est donc encore plus important.

 Dans le cadre du débat sur le projet de loi, une infox a circulé annonçant que « le gouvernement britannique offrait une prime en espèces aux familles qui euthanasient leurs proches ». Mais si cette affirmation est factuellement fausse, et fait abusivement le lien entre deux projets de lois différents, elle a le mérite de faire réfléchir sur les risques qu’il y a pour une société à avancer de manière imprudente sur l’euthanasie. En effet, la Grande-Bretagne étudie un projet de loi comparable au nôtre, qui vient d’être accepté, de très peu, par l’Assemblée le 20 juin, et doit être étudié par la Chambre des Lords dans un second temps, qui semble a priori plus prudent que la loi française. Mais le décryptage pointe aussi qu’il existe une autre loi britannique selon laquelle « les pensions sont héritées en franchise d’impôt sur le revenu si la personne décède avant 75 ans », sans doute à l’origine de l’infox que le papier décrypte.

 Mais ce faisant, les britanniques vivent tout de même dans une société où il y a une prime financière pour les décès qui surviennent avant 75 ans, sous la forme d’une exonération d’impôts. Et cette même société permet l’euthanasie. Même s’il semble que la loi britannique soit plus prudente (avec un panel comprenant un juge, un travailleur social et un psychiatre qui doivent accepter la requête) que notre projet de loi, qui a refusé tous les garde-fous proposés en séance et a mis en place, au contraire, un droit d’entrave extrêmement sévère, difficile de ne pas imaginer les problèmes que cela peut poser. Ne pourrait-il pas y avoir des pressions de la part des proches pour des personnes malades de façon à ce qu’elles mettent fin à leur vie avant 75 ans, pour éviter de payer des impôts ? L’État donne de facto une prime aux proches de personnes qui décideraient de mettre fin à leur vie un peu rapidement, si c’est avant 75 ans.

 La conjonction de ces deux lois peut poser un gigantesque problème moral et éthique, que le décryptage de l’infox ne devrait pas ignorer. Bien sûr, il y a de gros abus dans la présentation des faits (il n’y a pas de prime, et les deux projets sont indépendants), mais la conjonction des deux lois peut aussi produire un résultat assez proche. De facto, il y a une forme d’incitation fiscale à accélérer la mort de personnes en mauvaise condition de santé avant 75 ans, ce qui est humainement horrible. Les lois britanniques incitent les personnes très mal portantes et éligibles à l’euthanasie qui ont moins de 75 ans à mettre fin à leurs jours pour laisser plus d’argent à leurs proches. Il faut noter qu’au Canada, une faible proportion des demandes d’euthanasie est refusée, et que 40% sont pour des personnes de moins de 75 ans.

 Bref, plus on détricote la pelote de laine, plus le projet français semble dangereux et inacceptable, surtout avec des parlementaires du centre et de gauche aussi irresponsables et qui se contentent de postures plus superficielles les unes que les autres, sans sembler se préoccuper du fond d’un sujet éminemment complexe, qui nécessite un sens du détail et de l’éthique qu’ils semblent ne pas avoir.



10 réactions


  • sylvain sylvain 28 juin 12:43

    On pourrait aussi en penser que le probleme c’est l’heritage, pas l’euthanasie.


    • véronique 28 juin 14:58

      @sylvain

      Ou bien à la fois l’euthanasie et l’héritage.


    • Fergus Fergus 28 juin 15:23

      Bonjour, sylvain

      Quel « héritage » ???
      La grande majorité de nos compatriotes n’héritent rien ou quasiment rien.
      Et dans les familles aisées  et a fortiori riches —, se rendre à l’étranger pour un suicide assisté ne pose aucun problème financier !
      Ce genre de fantasme est sans objet !


    • sylvain sylvain 28 juin 19:55

      @Fergus
      il y a quand meme pas loin de 10 millions de francais qui heritent de plus de 100000 euros. Mais je suis d’accord sur le fait que le risque de meurtre par euthanasie pour l’heritage ne me semble pas bien plausible


  • véronique 28 juin 15:08

    Je pense effectivement que l’aspect financier est important. Une personne qui décède, c’est la fin des soins de santé, dont éventuellement les soins palliatifs, la fin du versement de la pension de retraite, et des impôts sur l’héritage. Et même s’il ne s’agit que de gagner quelques mois, pour l’État ça peut représenter un montant important. 


    • Fergus Fergus 28 juin 15:26

      Bonjour, véronique

      Là aussi, prêter à l’état une arrière-pensée n’a pas de sens au moment où ce même état veut rendre obligatoire la vaccination contre la grippe dans les Ehpad pour protéger les personnes âgées !


    • Iris Iris 28 juin 15:44

      @Fergus

      Tendances vénales, rancœurs familiales... on ne peut pas ignorer l’aspect financier du débat sur l’aide à mourir dans la dignité.

    • ETTORE ETTORE 28 juin 16:19

      @Fergus
      «  »«  »Là aussi, prêter à l’état une arrière-pensée n’a pas de sens au moment où ce même état veut rendre obligatoire la vaccination contre la grippe dans les Ehpad pour protéger les personnes âgées !

      «  »« 
      .............................................
      Cela, n’est valable QUE de votre point de vue Fergus !
      Permettez moi d’en douter, et penser fortement, que l’inversion financière, avec son fort impact sur les retraites, n’est pas une irréalité imaginative.
      On peut être offusqué, par les pratiques de certains organismes EHPADIENS, pour qui les cheveux blancs, ne sont que des pigeons à graines, qu’il faut plumer, avec des algorithmes, qui inscrivent le supplicié, dans un cadre de rentabilité, que ne doit pas dépasser ses besoins, tout en y laissant une marge confortable.
      Et voyez vous , Fergus, c’est également ce prototype de faisabilité économique, qui est vanté, et imposé, par ces » surveillants de l’économie française "....A beaucoup de français, alors que le directeur de la boîte à sous, dépense à volo, pour remettre en lumière noire, une civilisation, dont toutes les ampoules, ont été vendues en braderie, pour finir en vente à la bougie... Histoire de finaliser la cession de ce pays, pour deux chandelles mortuaires, et une ombre de seringue.


  • Eric F Eric F 28 juin 17:38

    Il ne me semble pas qu’il y ait une proportion significatives de gens prêts à se suicider dans le seul but de défiscaliser une partie de leur héritage.

    Concernant l’euthanasie, elle est associée à une situation de mort imminente (hors exceptions de coma végétatif), pas de quoi ’’avancer’’ significativement l’âge du décès. 

    Le pourcentage du total des pensions que les nouvelles mesures permettent d’économiser,en prenant en compte le chiffre indiqué dans l’article, est de l’ordre de 1,5 pour-mille, n’entrons pas dans la paranoïa (Le budget annuel des pensions au Canada, basé sur le rapport 2021-2022, s’élève à environ 64,6 milliards de dollars, le présent article indique 87 millions ’’économisé’’)


    • Fergus Fergus 28 juin 17:43

      Bonjour, Eric F

      « n’entrons pas dans la paranoïa »
      En effet.
      Merci à vous pour ce commentaire de bon sens !


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