vendredi 12 octobre 2018 - par
De Zemmour, de Moix, de Campion et de la liberté d’expression
Les déclarations d’Eric Zemmour, de Yann Moix et de Marcel Campion ont relancé le débat sur la liberté d’expression, donnant l’occasion aux Décodeurs du Monde de faire un papier sur les limites à la liberté d’expression. L’occasion de s’interroger sur le sens de ces lois et l’évolution de notre société, où l’on perçoit une forme de resserrement de l’espace de ce qui peut être dit.
Beaucoup de bruits et sanctions pour ça ?
Bien sûr, ces propos n’honorent pas forcément leurs auteurs. Ils sont outrageux et caricaturaux. S’il n’est pas absurde de se poser des questions sur les prénoms que donnent les immigrés à leurs enfants, la déclaration de Zemmour, qui sert probablement la promotion de son livre, l’enferme une nouvelle fois dans une position caricaturale et offensante, alors qu’une étude des statistiques des prénoms donnés aux enfants d’immigrés aurait été intéressante. Yann Moix, tout comme Marcel Campion, tombent eux aussi dans une caricature offensante. Mais après tout, de telles déclarations, aussi choquantes qu’elles soient pour beaucoup, méritent-elles l’importance qu’on leur a donnée ?
Si je ne pense pas que l’on puisse dire absolument tout, cela est un marqueur démocratique fort. Comme le note les Décodeurs du Monde, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen précise que « la libre communication des pensées et des opinions est un droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Les limites légales sont le respect de la vie privée et de l’image, pour certains, le secret professionnel, des affaires ou le devoir de réserve, l’incitation à la haine raciale, à la discrimination, au terrorisme, à l’usage de la drogue, l’injure ou la diffamation.
Le papier du Monde révèle que le caractère raciste ou discriminatoire semble placé en haut de la hiérarchie des sanctions, avec jusqu’à 45 000 euros d’amende et un an de prison. Mais la liste des raisons pour lesquelles une personne peut être poursuivie est-elle parfaitement légitime ? Le niveau des sanctions est-il vraiment légitime par rapport à l’ensemble des sanctions de notre système légal ? Notre société ne met-elle pas des limites trop fortes à la liberté d’expression, au point que des choses, certes désagréables et choquantes, encombrent notre système judiciaire, au détriment de choses qui sont finalement plus graves et qui ne sont pas toujours sanctionnées aussi durement ?
Plus globalement, on peut se demander si l’imposition de telles sanctions n’est pas parfois une expression extrême du politiquement correct qui règne médiatiquement. Un politiquement correct qui semble définir des limites différentes selon que l’on soit du bon côté ou pas, comme le note David Desgouilles au sujet d’une séquence de l’humoriste de France Inter, Daniel Morin.