Du droit à mourir au permis de tuer ?
Si l’Assemblée a adopté le projet de loi dit de « l’aide à mourir », un vrai débat s’est développé, malgré le biais favorable des grands médias. Au point que le projet pourrait être retoqué au Sénat, du fait d’une configuration politique très différente. Si je reste favorable au fait d’aller un peu plus loin dans le droit à mourir, le projet actuel se rapproche un peu trop d’un permis de tuer pour ne pas m’y opposer.
Ce n’est pas parce qu’il faut aller plus loin qu’il faut aller trop loin
Bien sûr, les média ont largement développé les cas de personne pour lesquelles un ajustement de la loi peut sembler une évidence. Et comme exprimé il y a déjà plus de 10 ans, j’ai la conviction que les lois actuelles sont sans doute un peu trop restrictives, ne permettant pas à des personnes ayant pourtant clairement exprimé leur volonté d’en finir du fait d’une condition incurable et douloureuse, d’accéder à une aide à mourir. Et j’y reste favorable. Mais toute évolution législative doit être extrêmement prudente car nous touchons à la mort et à la vie. Et malheureusement, le contenu de la loi, et son parcours à l’Assemblée indique pour moi que les députés sont allés beaucoup trop loin, beaucoup trop vite. Et il est très gênant que tant de média affichent un biais favorable au texte et le questionne de manière superficielle alors que sa nature nécessite un examen approfondi, jusque dans le détail de toutes ses modalités.
Alliance de la gauche TikTok libertaire et du centre inhumain
Car c’est justement là que le bât blesse. A contrario de la présentation de certains, qui évoquent des conditions strictes pour accéder à l’aide à mourir, d’autres pointent au contraire que les conditions prévues par le projet sont parmis les plus larges. Le nombre de personnes qui pourraient y prétendre est important et les modalités d’exécution sont probablement trop simples, sans les nécessaires cordes de rappel pour éviter à la fois les abus ou la traduction trop rapide d’une pulsion en acte. Et que dire de la création d’un délit d’entrave dans ce domaine alors même qu’il n’y a pas de délité d’incitation à l’euthanasie, comme le pointe une remarquable tribune du Point. Quelle société fait de la volonté de garder en vie une personne un délit ? Nous parlons tout de même d’une procédure qui pourrait aboutir à 30 000 morts assistées par an, si nous atteignons les chiffres du Canada ou de la Belgique. Le refus du bloc central et de la gauche de mettre la moindre entrave, ou limite potentielle, a quelque chose d’humainement totalement terrifiant.
Ne serait-il pas normal d’imposer un vrai choix collectif du corps médical et ne pas potentiellement donner tout le pouvoir à une seule personne ? Le législateur impose déjà un choix collectif pour des sujets critiques. Y a-t-il plus critique qu’aider à mourir une personne ? De même, instituer des garde-fous pour éviter les pressions ou s’assurer que ce choix n’est pas seulement une pulsion momentanée devraient être des évidences dans un moment aussi dramatique. Mais, non, le bloc central, avec l’appui de la gauche, a refusé la plupart des limites dans le projet de loi. Pulsion libertaire ? Posture pour les réseaux sociaux ? Je n’arrive sincèrement pas à comprendre comment des personnes qui se disent de gauche peuvent soutenir un tel projet du fait des amendements qui ont été refusés. Comment ne pas penser aux abus monstrueux que cela pourrait permettre, et à quel point les plus faibles en seraient les premières victimes.
Merci à tous ceux qui ont porté le questionnement de ce texte, de Philippe Juvin à Claire Fourcade, en passant par Sadek Beloucif et François Braun, bref ministre de la santé, pour leur texte remarquable dans le Point, ou Bruno Dellaporta qui clarifient grandement le débat et montrent la rupture que représente ce texte. J’espère que les prochains mois permettront soit de corriger grandement le texte, soit de l’enterrer.