samedi 9 mai 2009 - par Eric Kaminski

Du mépris des droits de l’Homme par le gouvernement : l’exemple de la CNCDH (acte II)

Un précédent article soulignait les contradictions du gouvernement qui, après avoir renforcé son statut conformément aux obligations de la France, cachait mal son embarras vis-à-vis des travaux critiques de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH). Cette dernière, trop méconnue par les français, émet, entre autres attributions, des avis sur des projets de lois, à travers par le prisme du respect des droits de l’Homme. Elle souligne, comme l’exige son mandat, les insuffisances de certaines mesures gouvernementales, notamment au regard des engagements pris par la France au niveau international[1].

Le gouvernement a de nouveau fait montre récemment de son mépris pour cette institution dont l’origine remonte à René Cassin, l’un des co-rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, dont le 60ème anniversaire a été célébré en 2008. Un nouveau mécanisme introduit par la réforme de 2007 vise à garantir la qualité, l’indépendance et la représentativité des membres de la Commission. Le comité est composé - excusez du peu !- du vice-président du Conseil d’Etat et des premiers présidents de la Cour de cassation et de la Cour des comptes. Ces grands personnages de l’Etat peuvent être difficilement qualifiés de « droits-de-l’hommistes », pour reprendre la malheureuse expression de Hubert Védrine.

Or, cet illustre comité a émis un avis plutôt sévère sur les propositions gouvernementales de nomination des membres de la CNCDH, publié dans l’arrêté du 1er avril 2009 relatif à la composition de la Commission nationale consultative des droits de l’homme[2]. En effet, le comité a exprimé sa « triple préoccupation » concernant le manque de représentation des « minorités visibles », auxquelles la commission aurait dû faire une place plus significative. Il est intéressant de se rappeler que, le 7 mai prochain, le Commissaire pour la diversité et l’égalité des chances, Yazid Sabeg, remettra son rapport tant attendu au Président de la République (cf. Des politiques de la diversité contre les droits de l’Homme ? sur http://ekaminski.blog.lemonde.fr/).

Le comité souligne également que la parité entre les hommes et les femmes « est loin d’être atteinte ». Enfin, certains domaines restent "mal représentés : droits des femmes, nouvelles technologies, droits des homosexuels..." A cet égard, le manque de cohérence gouvernementale est évident : la promotion des droits des femmes et de la dépénalisation universelle de l’homosexualité sont des priorités de la politique étrangère de la France, selon la Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères et aux droits de l’Homme, Rama Yade. Il est visiblement plus facile de tenir un langage exigeant aux autres pays. De manière générale, ces écarts entre ambitions affichées par le gouvernement et réalité des actions entreprises permet de douter de la conviction qui anime les projets du Président de la République et de ses Ministres.

Ces constats plaident selon le comité « pour un renouvellement plus marqué de la commission ». Il est intéressant de souligner que le comité « marque son accord avec la majorité des propositions faites » concernant les personnalités qualifiées, nommées à la quasi-discrétion du gouvernement : il est regrettable que les points de désaccords n’aient pas été rendus publics. Le comité souligne notamment qu’une candidature au moins, « caractérisée par un absentéisme marqué, aurait pu être écartée », tandis que quelques candidatures « ne semblaient pas incontournables ». Un euphémisme à n’en pas douter alors que certains thèmes sont sous-représentés de manière flagrante. D’autres intérêts que la promotion des droits de l’Homme devaient prévaloir pour le gouvernement.

L’enjeu de ces nominations est évidemment la qualité des travaux de la Commission. Au final, la nouvelle composition de la CNCDH ne devrait pas empêcher celle-ci de continuer à émettre des avis étayés et souvent justes. Il convient cependant de garder un œil sur l’attitude du gouvernement vis-à-vis de la Commission et de ses prochains avis, ainsi que sur les prochains renouvellements des membres. Cet épisode - a priori marginal, mais révélateur de la conception gouvernementale des droits de l’Homme - doit nous rappeler que, même en France, rien n’est définitif dans le domaine des libertés fondamentales ; et qu’il faut rester vigilant, si l’on veut préserver et développer l’acquis durement obtenu par les générations précédentes. La CNCDH a un rôle essentiel à jouer dans cette perspective.

[1] Il est à noter que si la plupart du temps le gouvernement ne daigne ni saisir la CNCDH ni répondre aux avis qu’elle prend l’initiative d’émettre, celui-ci a pris le soin de répondre de manière assez fournie, à défaut d’être satisfaisante, à son avis sur le projet de loi pénitentiaire qui est en souffrance depuis plusieurs mois.

[2] http://www.legifrance.gouv.fr/

Pour aller plus loin sur les travaux de la CNCDH : www.cncdh.fr/



Réagir