mardi 18 décembre 2018 - par Mefrange

Etre contre avoir : le retour à la nature pour sortir du piège consumériste et bancaire

Tandis que l'hexagone jacobin voit jaune, on propose modestement sur cette plateforme les voies d'une renaissance spirituelle qui seule, à notre opinion, sera de nature à contrecarrer les tendances individualistes voire égoïstes des français, qui sont une impasse manifeste.

 L'antidote au matérialisme qui a naturellement pour conséquence de réduire les français en servage bancaire et en compétition permanente est une société plus spirituelle voire immatérielle. Cela ne signifie pas que les revendications nécessaires, justes et urgentes ne doivent pas être satisfaites. Une fois satisfaites, il faudra bien se poser la question de la validité de cette civilisation de la bagnole et du supermarché.

 

Être contre avoir

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La maisonnette n’avait pas été occupée depuis des années. Maison de vignes, délaissée depuis longtemps, la vigne s’ensauvageant au fil des ans. Le propriétaire n’osa pas demander une location à un local sans eau sans électricité, perdue dans les herbes folles et domaine des abeilles, guêpes, taons, criquets, mantes religieuses, fourmis, souris. Une présence humaine tenait amplement lieu de location.

Le premier magasin était à 35 minutes de marche. La seule chose à acheter était dans un premier temps l’eau en bouteille et quelques provisions pour la première semaine. Ensuite vinrent trois jours de nettoyage. Il fallut attendre un orage pour que la citerne reliée à la gouttière se remplisse. Vieux bidon d’essence rouillé colorant légèrement l’eau en jaune. Pour laver c’était suffisant.

La colline avait été abandonnée, par l’exode rural. La campagne et sa pénible routine ne retenait plus. La nature ainsi à son aise était devenue très généreuse. Pommiers, pruniers, poiriers, pruniers, vigne ensauvagée, mûres et autres baies, fleurs d’acacias et de sureau en beignets, noyers, châtaigniers, champignons en septembre. Se promener une heure permettait de revenir avec un trésor. 

La maison se composait de deux pièces : une cuisine, avec le poêle à bois et une chambre. Les fenêtres étaient protégées par des moustiquaires renforcées en PVC vert (contre les abeilles). Trois souris avaient élu domicile dans la cuisine.

Au bout de 3 jours, sauf la porte d’entrée qu’il faudrait réparer, la maison était devenue habitable. La chambre donnait une fraîcheur et un silence impressionnants. Chambre bleu pâle, rideau pourpre, couvre-lit jaune-citron.

La vie sans électricité, sans lampadaire, sans veilleuse d’appareil électronique crée un noir profond, opaque. Seul le bruit des grillons, atténué par les fenêtres permet de se situer.

Dans la cuisine, on entend faiblement les souris qui vivent leur vie nocturne sans gêner personne.

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Les premières nuits, ce silence est angoissant, presque pascalien, d’autant plus que le firmament magnifique n’est pollué par aucune grande ville significative à 200 km à la ronde. La voie lactée, le triangle de l’été et au petit matin, Orion à la fenêtre tournent, aiguilles célestes grandioses et majestueuses. 

Puis, on prend goût à ce petit sifflement du silence total, à ce mur uniformément et fraîchement repeint à la chaux colorée. C’est comme si on était devenu soi-même un des rouages de cette mécanique lente et si merveilleusement huilée. La vue et l'ouïe étant abolies, reste l’odeur de la chaux, une légère touche de renfermé, l’odeur et la sensation fraîche du drap de lin lavé et séché la veille, étendu l’après-midi durant, sur l’herbe jaunie, dérangeant des criquets et attirant des abeilles qui viennent y boire en passant une goutte de précieuse eau.

La porte d’entrée donne plein sud. Cela signifie que les premiers rayons du soleil colorent le rideau de lila dès avant 5h44 et que dès 6h30, un léger ronronnement devient perceptible quand on tend l’oreille : ce sont les diligentes et infatigables abeilles qui donnent le signe de départ de la journée de travail de 14 heures et qui donnent honte de rester au lit. On fait maintenant partie du cosmos et il n’est plus question de mettre Dieu en retard.

Il n’en serait même pas question car, il faut aérer quand l’air est frais, nettoyer le sol de ciment dont l’humidité donnera en temps utile la fraîcheur nécessaire, aller chercher à 500 mètres de là à la citerne deux bidons de cinq litres d’eau non potable pour la journée, pour les ablutions, le nettoyage des carreaux et celui du sol.

Tout doit être fini avant 10 heures. Après la température monte très vite ; les abeilles et criquets se sont dégourdies et sont partout. Une guerre à mort oppose araignées et abeilles, l’une se précipitant sur l’autre malencontreusement prise dans une toile, les autres fondant sur elle en groupe, la déchiquetant, buvant ses humeurs et la laissant sécher, crucifiée au soleil implacable. Le monde des insectes est une jungle.

Les abeilles comprennent bien vite qu’une présence pressentie leur est bienveillante et voue une implacable haine aux arachnées. Les abeilles ne sont pas ingrates et ne piquent pas leur Dieu protecteur.

Par contre vers 17 heures quand la température extérieure dépasse 35 degrés, des taons kamikazes aux yeux rouges exorbités (chrysops relictus) fondent sur vous, ne vous lâchant plus, sorte de missiles de croisière “fire and forget”. Difficile d’échapper à la piqûre et au choc anaphylactique. Ce monde d’insectes impose la prise quotidienne de calcium et d’antihistaminiques. A chacun son heure dans ce monde dur et brûlant.

  Après 10 heures, commencent les heures écrasantes, royaume incontesté du soleil. La montre devient inutile : horloge cosmique parfaite 6-12-6, midi comme évidence. Le matin se passe en activités domestiques et jardinage, midi en soupe froide ou en fruits, l’après-midi en méditant Valéry, le poète exact.

ICI VENU, L’AVENIR EST PARESSE.
L’INSECTE NET GRATTE LA SÉCHERESSE ;
TOUT EST BRÛLÉ, DÉFAIT, REÇU DANS L’AIR
À JE NE SAIS QUELLE SÉVÈRE ESSENCE…


LA VIE EST VASTE, ÉTANT IVRE D’ABSENCE,
ET L’AMERTUME EST DOUCE, ET L’ESPRIT CLAIR.

 

 Entre 17 et 20 heures, la descente au village par les chemins creux et frais d’ombre dense, en bicyclette, vers le bar / billard. Là, une certaine “civilisation” rudimentaire renaît : on peut brancher l’ordinateur portable, recopier ce que le soleil a inspiré. On peut offrir une tournée, échanger des expériences potagères, tisser des liens que les deux parties savent précaires. Puis à la fermeture à 20 heures, le soleil s’étant couché 2 minutes plus tôt, on peut gravir en sens inverse la côte raide du talus. La lampe-torche est devenue nécessaire entre les aboiements de chiens et les stridulations des grillons. Les étoiles étreignent chaque jour un peu plus le coeur. On sait leur nom, l’histoire de certaines d’entre-elles. Le but de tout-ceci ? Retrouver la pulsation du Monde à défaut de son chant.

Ce monde appelle Valéry, nécessairement, Claudel et Alain ensuite.

Derrière les vignes ensauvagées, donnant de petites grappes non traitée et bourrées de pépins, commence une forêt de chênes qui pousse fragilement sur un filon d’argile presque pure. O don du ciel ! Après le 15 septembre la température nocturne chute en dessous de 15 degrés et il faut allumer le feu pendant la nuit.

Il devient alors possible de confectionner des tablettes d’argile de 5 mm d’épaisseur, d’y graver des vers de Valéry au moyen d’un style, les poser sur les braises rougeoyantes avant d’aller se recoucher.

Le matin ces tablettes sont cuites, et c’est comme si on les eût écrites soi-même : une lumière et un feu intérieur vous habite, bien faible aperçu de la lumière trinitaire qui pour certains sera la découverte d’après le dernier souffle, délice tranquille, horizon des sommeils, pieuse stupeur, espérance, invincible félicité.

FELIX, mot latin qui appelle dans ce lieu solaire, ivre d’absence, un chat, si possible pas trop remuant, qui ait appris d’apprécier chaque seconde comme une éternité, l’avenir avec paresse, goûtant en fin gourmet, les yeux clos de plaisir, l’espérance de son bonheur inéluctable. 

  



13 réactions


  • Neapolis Neapolis 18 décembre 2018 20:59

    C’est extrêmement tentant, attirant, une envie d’y plonger sans remords et de ne jamais remonter à la surface d’une vie trop trépidante et manquant de sens mais... Mais pour cela il faudrait être à minima amoureux, histoire de pouvoir tenir et rester vivant d’amour et d’eau fraîche...


    • Mefrange 18 décembre 2018 23:48

      @Neapolis Ce qui est amusant est que 6 pubs bancaires, d’assurance ou de rachat de crédit encadrent cet article. Rendez-vous ! Vous êtes cerné smiley


    • Alren Alren 19 décembre 2018 15:56

      @Neapolis

      C’est du blabla rousseauiste qui ne concerne pas la mère de famille élevant seul ses quatre enfants avec un salaire d’employée à temps partiel !


  • Sergio Sergio 19 décembre 2018 14:15

    Bon d’accord, on revient aux kibboutzs, mais moi : DEDANS !


  • Mefrange 19 décembre 2018 16:52

    Tiens ! La négativité du lecteur 68 ard d’AgoraVox de retour. On l’avait oubliée celle-là ! Le retour des commentaires mal élevés qui polluent le texte qu’ils commentent au lieu de lui apporter précision, correction ou élargissement de perspective.

    Tout commentateur injurieux et mal élevé sera dorénavant systématiquement et définitivement bloqué et reporté en vertu de la charte Agoravox, de la netétiquette et des lois en vigueur.

    Il n’y aura plus une seule exception.

    Attention : ce forum est un espace de débat civique et civilisé qui a pour but d’enrichir cet article. Tout abus, contenu diffamatoire, injurieux, commercial, raciste... sera supprimé dans les plus brefs délais. (cf. Charte de bonne conduite). Il sera demandé à Agoravox de divulguer l’identité de personnes ordurières afin qu’elles puissent être punies en vertu de la loi.

    En attendant le châtiment divin imminent qui lui sera d’ampleur biblique. Ricanez ricanez et profitez-en bien !

    L’espace de commentaires présent sous chaque article est un lieu de conversation et de débat. Il permet un échange entre l’auteur de l’article et ses lecteurs. C’est un prolongement de l’article : il permet de l’enrichir avec des informations nouvelles, de le critiquer, et de pointer d’éventuelles erreurs.

    Pour une bonne tenue des forums, voici quelques règles et conseils à suivre :

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    Règle d’or : « Ce que vous ne feriez pas lors d’une conversation réelle face à votre correspondant, ne prenez pas AgoraVox comme bouclier pour le faire. »

    L’absence physique de votre interlocuteur augmente les tensions. Ayez-en conscience et maîtrisez-vous. Même si vous êtes seul devant votre ordinateur, n’oubliez jamais que vous vous exprimez dans une assemblée publique.

    Toute insulte ou attaque personnelle est proscrite ; Aucun règlement de compte ou provocation n’est toléré ; L’acharnement flagrant contre un auteur ou un commentateur, même en absence d’insulte, est interdit.

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    La répétition de ce type d’abus peut entraîner la fermeture d’un compte et la suppression des éventuels articles ou commentaires déjà publiés.


    • Sergio Sergio 19 décembre 2018 22:22

      @Mefrange

      Si c’est de moi dont vous parlez, je précise que je ne suis pas antisémite, pornographe etc ...., je suis simplement travailleur social. Excusez-moi de ne pas m’extasier devant votre évocation d’un illusoire retour aux sources, la campagne je la vis au quotidien. Si vous avez envie et le pouvoir de fermer mon compte, alors soulagez-vous, d’autant plus que cela me fera des vacances, parce que je me suis profondément ennuyé à vous lire, sachez que d’autres ont plus de talent. Je n’écris pas d’article, bien sur, mais tous les lecteurs n’écrivent pas les livres qu’ils lisent, lisez et relisez-vous, vous pensez peut être que vous êtes bon, mais non, c’est ennuyeux, alors ne vous frustrez pas, mais vous êtes en colère. Pour terminer, je retourne dans mon kibboutz, manger mes pommes, et si vous demandez à papa/maman de m’effacer, c’est que vous êtes vraiment petit !

      Cordialement


    • Mefrange 20 décembre 2018 18:50

      @Sergio

      Non. Ce n’est pas vous que je vise d’autant plus qu’ayant été SDF, j’ai pu constater le double-bind permanent où se trouvent des travailleurs sociaux qui n’ont pas les moyens de leur noble mission et qui chaque année en ont moins. C’est un quasi-sacerdoce. Je suis un peu irrité d’être perçu comme bobo quand j’ai vécu ce que des gilets jaunes ne supporteraient pas une semaine. D’où une certaine hauteur.


    • Sergio Sergio 21 décembre 2018 13:26

      @Mefrange

      Je me suis lamentablement planté, je vais revisiter ce que j’écris, je suis allé trop loin, je n’ai plus de mots en ce qui vous concerne, j’ai été lamentable.


    • Mefrange 22 décembre 2018 10:32

      @Sergio Je vous donne mon absolution (c’est de l’humour smiley Mais un texte de Théodore d’Edesse me vient à l’esprit pour rebondir :

      Recherche les lieux du monde isolés et lointains. Même si là-bas tout est difficile, même si te manquent les choses nécessaires, ne t’effraie pas. Si les ennemis t’entourent comme les abeilles et les frelons mauvais, s’ils t’assaillent et te tourmentent par toutes sortes d’agressions et de pensées, ne crains pas, ne te laisse pas aller à les écouter, ne fuis pas le stade du combat. Bien plutôt sois patient et persévère, demeurant sous le charme des paroles de ton chant : « J’ai persévéré dans le Seigneur. Il est venu à moi et il a entendu ma prière ». Alors tu verras les grandes choses de Dieu, la protection, la sollicitude, toutes les autres voies de sa providence qui mène au salut.

      L’apprentissage de la patience et de la persévérance est l’affaire d’une vie. Le chemin est étroit et les rechutes faciles. Comme dit le texte biblique « toujours se relever 8 ».


  • Shaw-Shaw Shawford 19 décembre 2018 22:56

    MP pour kikujitoh 

    de Blue Hôtel.

    Tkt, y’en a peut-être plus sur Paris, mais y’en a sur Bordeaux, et du solide de chez solide !

    Tians faut que je retrouve BLUE ... dans les parages, et ça sera reparti comme en 40 !!!! smiley


  • popov 20 décembre 2018 18:25

    @Mefrange

    Moi, je vis un peu comme ça, dans la montagne. Déjà avant d’être retraité.

    Mais en France, vous allez avoir du souci avec la vague de migrants qu’on vous prépare. Quand ils seront assez nombreux, ce sera la planète des singes : les autochtones seront considérés comme du gibier, ils viendront vous déloger. Et ne comptez pas sur la loi car ce seront eux qui la feront.

    Vous devriez aller vivre avec les Amishs. La société américaine les tolère et les protège. Ou alors, leur équivalent orthodoxes en Russie.


    • Mefrange 1er janvier 2019 19:13

      @popov

      Ce mode de vie est impossible en France. On a immédiatement la mairie et le français de base sur le dos tout le temps. Le consumérisme est une religion totalitaire, une des plus totalitaire que le monde ait porté. Il n’y a aucune liberté en France. Ce sont des esclaves consentants qui s’ignorent plus ou moins. Je préfère la Russie aux Amishs. Il n’y a pas à prendre l’avion smiley . Etre américain, quelle déchéance. Que les autres jouent à Tik-Tok et achètent sur wish en s’amusant. Bonne année !


  • Mefrange 20 décembre 2018 18:41

    Cela fait plaisir de rencontrer un lucide sur cette plateforme. Rassurez-vous, on n’est pas assez bête pour faire cette expérience en Europe de l’ouest. On a encore quelques neurones en état de fonctionnement. Bien à vous ! On a préparé ses arrières mais on invite généreusement l’agoravoxien à faire de même. On n’est pas égoïste. Que ceux qui ont des oreilles entendent et bonne chance aux autres.


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