Focus sur la violence familiale
Il était violent, c’était dans ses gènes, disait-on dans l’ancien temps, comme si la chose était inéluctable. Et on usait d’un euphémisme bien amer pour définir la chose : « Quand il avait bu un petit coup de trop, il n’était pas commode », pouvait-on parfois entendre dans les échos de la campagne. Ce qu’on ne savait pas, c’est que la violence familiale est une sorte de virus qui, si l’on n’y prend garde, peut insidieusement se transmettre de génération en génération.
La violence se définit par l’incapacité de mettre en mots. On appelle cela le passage à l’acte. Celui-ci fait appel à des blessures anciennes, maltraitance, humiliations, vexations, oppression, manipulation ou, à l’opposé, absence de repères, autre forme de maltraitance, qui conduit le gamin à grandir dans une toute-puissance destructrice. C’est ce que l’on appelle l’enfant roi, qui ne supporte pas la frustration, la limite, le cadre, l’interdit. Dans un cas comme dans l’autre, l’enfant tente de gérer ses sentiments intérieurs en utilisant le vecteur de la violence. On peut dire alors qu’il est en danger de délinquance. Ce qui est toutefois certain, c’est qu’il est en souffrance.
L’adulte violent, c’est ce "petit" qui n’a pas été "récupéré" à temps. Il a pris l’habitude d’exprimer ses remous intérieurs en passant à l’acte. Il pense même quelque fois bien agir dans la mesure où il répète l’éducation familiale. J’ai pris des coups et c’est ce qui a fait de moi un homme, n’entend-on pas parfois ?
L’intervention idéale se situe bien entendu lorsque l’enfant est jeune. Une mesure d’action éducative au sein même du domicile familial permet parfois une prise de conscience des parents auteurs de violence. Mais cela n’est pas toujours possible, il peut alors être nécessaire de placer l’enfant pour l’extraire d’un milieu de vie pathogène. Il gardera très probablement des séquelles dont la séparation pourra être en partie responsable. Et il risquera à son tour de repéter cet engrenage de la violence. Aucunes certitudes ne prévalent dans ces situations. Il sera donc important qu’il puisse avoir des temps d’écoute et de parole afin d’exprimer la souffrance générée par la situation mais aussi pour parvenir à se dégager d’une certaine culpabilité que ces victimes ressentent souvent.
L’action auprès de l’adulte auteur est bien entendu d’un autre ordre. S’il est souvent nécessaire de l’éloigner du milieu familial afin de protéger le partenaire et les enfants, cela ne suffit pas, en particulier pour les enfants. Ces derniers ont en effet toujours besoin d’un contact avec leurs parents, même lorsqu’ils s’avèrent maltraitants. Il est donc essentiel pour l’évolution psychique et affective des enfants que l’adulte "travaille" autour d’une certaine prise de conscience du mal qu’il peut procurer à son entourage du fait de sa violence, et, idéalement, qu’il puisse en dire quelque chose à ses enfants. Un deuxième temps lui permettra de s’interroger sur les sentiments qui l’animent et sur la possibilité d’une répétition de son comportement au regard de l’éducation qu’il a lui-même reçu. Tout comme pour l’enfant, l’issue n’est pas assurée. Toutefois il est une seule certitude, la violence étant l’incapacité de mettre des mots sur une souffrance, la voie de la guérison ne peut être que celle de la parole. Un enjeu de taille puisqu’il s’agit de rompre un processus générationnel et d’épargner ainsi les descendants d’un arbre familial.