mardi 26 décembre 2017 - par Fergus

Griezmann a-t-il commis un acte raciste ?

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Lors d’une fête privée entre amis sur le thème des « Années 80 », Antoine Griezmann s’est récemment déguisé en Harlem Globetrotter en revêtant une tenue des célèbres basketteurs américains. Pour parfaire le déguisement, le footballeur s’est en outre coiffé d’une perruque afro et grimé en noir. En agissant ainsi, Griezmann a-t-il commis un acte raciste ? A-t-il en outre eu raison de retirer la vidéo des réseaux Instagram et Twitter où elle avait été postée ?

Depuis la semaine dernière, ces questions n’ont pas manqué de susciter de multiples réactions, tant chez les usagers lambda du web que sur les sites des blogueurs et des éditorialistes. Avec des tonalités très différentes entre ceux qui, sur les réseaux sociaux ou dans les médias, ont condamné fermement, et parfois avec virulence, le comportement du footballeur, et ceux qui, au contraire, ont volé au secours d’Antoine Griezmann, ici pour dénoncer la censure dont il a été l’objet, là pour souligner le caractère anodin de ce déguisement.

Parmi les accusateurs figurent notamment l’universitaire Louis-Georges Tin, président du CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires), et l’ancien ministre Jacques Toubon, défenseur des Droits depuis l’été 2014. « C’est incontestablement un acte raciste », a affirmé le premier dans plusieurs médias, sans chercher à nuancer son opinion. Un propos confirmé par le second, fort de sa légitimité de gardien des règles du savoir-vivre en communauté : « Nul n’ignore que le fait de se grimer en noir renvoie à une vision péjorative et humiliante des personnes noires ».

En l’occurrence, les deux hommes se réfèrent au blackface, une pratique née aux États-Unis au temps de l’esclavage et popularisée dans la première moitié du 19e siècle par les Minstrel shows et par un certain Thomas « Daddy » Rice dont la notoriété s’est construite sur le Jump Jim Crow, une danse grotesque visant à faire rire les Blancs en ridiculisant les Noirs. Aux USA, et à un degré moindre en Europe, le blackface était pratiqué par des « artistes » blancs grimés qui se produisaient dans des spectacles destinés à se moquer des Noirs en s’appuyant sur des stéréotypes comportementaux manifestement dictés par une idéologie raciste. Les spectacles ou numéros de ce genre, de moins en moins nombreux au fil du temps, ont totalement disparu dans la première moitié du 20e siècle.

Si le souvenir de ces prestations « artistiques » choquantes reste relativement ancré dans la mémoire collective aux États-Unis – où les tensions raciales n’ont jamais été totalement éradiquées malgré les lois sur les Droits civiques –, très peu de gens sont en France au courant de ces pratiques du passé depuis longtemps révolues dans notre pays. Et Antoine Griezmann lui-même est probablement tombé des nues en découvrant les remous provoqués sur les réseaux sociaux par son innocente mise en scène.

Dès lors, faire au footballeur un procès d’intention en le taxant de « racisme » au motif qu’il s’est grimé en noir et coiffé d’une perruque afro est parfaitement ridicule, n’en déplaise à MM. Tin et Toubon que l’on a connus mieux inspirés, et dont la prise de parole est nettement plus légitime lorsqu’ils dénoncent les véritables actes de racisme que l’on peut malheureusement constater dans la société française. À cet égard, l’accusation de mutisme adressée par le président du CRAN aux dirigeants de la FFF (Fédération française de football) et à la ministre des Sports Laura Flessel est totalement déplacée, ni les responsables fédéraux, ni la ministre n’ayant le moindre reproche objectif à faire à Griezmann.

Car de quoi parle-ton dans cette affaire de nature picrocholine ? D’un jeune sportif passionné de basket qui, pour illustrer une soirée sur le thème des « Années 80 », choisit un déguisement qui lui permet de coller au thème tout en rendant hommage aux surdoués qu’étaient les Harlem Globetrotters, ces géants noirs dont les prestations attiraient à l’époque les foules dans les salles où ils se produisaient. Or, c’est un fait, les Harlem Globetrotters, nés de la ségrégation dont étaient victimes les basketteurs « de couleur » – ils ont longtemps été cantonnés dans la Negro American Legion League – étaient tous noirs, au point que leur emblème représente un ballon qui tourne sur... l’index d’une main noire !

C’est donc pour coller au plus près à la réalité qu’Antoine Griezmann a choisi de se grimer, et en aucune manière par condescendance ou par racisme inconscient à l’égard des Noirs. Gageons d’ailleurs que si, fasciné par les romans de Walter Scott, il avait choisi de se mettre dans la peau d’un chef de clan écossais, il aurait revêtu kilt et calot issus du même tartan quadrillé et se serait affublé d’une belle perruque rousse complétée par une moustache assortie. Stéréotype ? Certes ! Mais qui ne s’est jamais appuyé sur un stéréotype de ce genre pour se déguiser soi-même ou pour déguiser ses enfants à l’occasion d’une fête scolaire de fin d’année ou d’une kermesse ? Et qui s’est offusqué, lors de la mise en place d’une crèche vivante enfantine, de voir faute d’un enfant noir un enfant blanc grimé en noir pour figurer le roi mage Balthazar ?

Il est des cas où les accusations de racisme relèvent de la pure sottise, fussent-elles émises par des personnalités comme Louis-Georges Tin ou Jacques Toubon. Un avis que partagent de nombreux sportifs, artistes et intellectuels qui n’ont pas hésité à dénoncer, ici une censure, là une dictature de le bien-pensance dévoyée. Djibril Cissé se montre à cet égard très sévère dans une éloquente vidéo postée sur Youtube (lien) : « Dire qu'Antoine Griezmann est raciste est ʺune belle connerieʺ  », affirme l’ancien international avant d’ajouter « Regardez avec qui il traîne, regardez ses "stories", regardez son Instagram. Un de ses meilleurs potes est black, il traîne tout le temps avec Paul Pogba ».

Qu’ajouter à cela ? Sinon que des précédents en matière de blackface ont été bien loin de susciter des réactions aussi négatives. Parmi eux : en 1973, Louis de Funès dans Les aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury ; en 1976, Coluche pour un enregistrement du Schmilblick ; en 2008, Valérie Lemercier dans Agathe Cléry, un film « antiraciste » d’Étienne Chatiliez.

En conclusion : non, Antoine Griezmann n’a pas commis un acte raciste. Et si l’on peut comprendre qu’il ait – de sa propre initiative ou à la demande des dirigeants de la fédération – retiré sa vidéo des réseaux Instagram et Twitter pour éteindre les polémiques, on ne peut que le regretter car cela renforce le poids des censeurs dans une société qui, d’année en année, devient toujours plus étouffante !

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William H. West en 1900
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Louis de Funès dans Rabbi Jacob
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Valérie Lemercier dans Agathe Cléry


118 réactions


  • Esprit Critique 27 décembre 2017 00:21

    Quelqu’un aurait-il un masque de Louis-Georges Tin, a me preter ?

    je voudrais me déguiser en salauds nuisible pervers et manipulateur !


    • Fergus Fergus 27 décembre 2017 09:36

      Bonjour, Esprit Critique

      Le CRAN est utile, mais je regrette moi aussi la dérive de cette association par la voix de Tin dont les massages sont nettement plus ambigus, et effectivement manipulateurs, que ceux de Lozès qui l’a précédé à la tête du CRAN.


    • microf 27 décembre 2017 16:13

      @Fergus

      Bonjour @Fergus, le CRAN n´est pas utile, peut être utile pour lui même.
       Si vous faites un sondage parmi les noirs, ils rejetent le CRAN á 99%.


    • Fergus Fergus 27 décembre 2017 16:23

      Bonjour, microf

      « Si vous faites un sondage parmi les noirs, ils rejetent le CRAN á 99%. »

      Peut-être parce qu’il sort de son rôle pour devenir un lobby communautaire qu’il n’était pas à sa création ?


    • microf 27 décembre 2017 21:50

      @Fergus

      Bonsoir @Fergus, vous avez trouvé la bonne réponse, il est un « lobby », et c´est pour cela qu´il a été crée.


    • Fergus Fergus 28 décembre 2017 08:40

      Bonjour, microf

      Un « lobby » n’a pas forcément un rôle négatif lorsqu’il sert la cause de personnes spoliées ou discriminées, et ne vise pas à défendre des intérêts particuliers au détriment de la collectivité. Il semble que, sous l’impulsion de Tin, le CRAN soit désormais au-delà de ces objectifs respectables.


  • vesjem vesjem 31 décembre 2017 11:42

    Ouai, griesman a commis un acte raciste en dévalorisant la peau blanche et montrer que la peau noire est supérieure .....au basket ; mais bon, c’est vrai qu’il y a plus de bons joueurs de basket à peau noire que blanche
    Il en est ainsi de toutes formes de catégories sociales, religieuses, physiologiques etc...exemples :
    Les hommes grands sont meilleurs au basket que les petits
    Les grands pieds et grandes mains font de meilleurs nageurs que les manchots
    Les chrétiens sont plus créatifs en art (pour la gloire de leur dieu) que les athées ou les musulmans (qui sont iconoclastes ou in-esthètes)
    Les juifs sont de meilleurs animateurs radio/télé et chanteurs de variété car ils sont plus nombreux dans ce secteur (comparativement au musulmans, par exemple)
    Les éthiopiens sont de meilleurs coureurs de fond à pied car ils ont développé cette capacité dans un climat aride et sec ?
    Les belges sont de plus grands buveurs de bière que les non-belges car ils brassent beaucoup
    Les chiens aboient mieux que les chats (je me demande pourquoi)
    Le roseau ploie mieux que le chêne (dixit la fontaine)
    Les russes sont les meilleurs alcooliques car ils se chauffent à la vodka
    bon, j’en oublie, vous complèterez

    Lire la suite ▼

    • Fergus Fergus 31 décembre 2017 11:50

      Bonjour, vesjem

      « Griesman a commis un acte raciste en dévalorisant la peau blanche et montrer que la peau noire est supérieure .....au basket »

      Sauf que non car les Harlem Globetrotters, issus du championnat noir de basket, étaient tous des Noirs. Rien à voir avec une quelconque supériorité des Noirs sur les Blancs, mais avec l’histoire de la ségrégation raciale aux Etats-Unis et ses implications sur le sport.


    • vesjem vesjem 31 décembre 2017 12:31

      @Fergus
      c’était une plaisanterie, ce qui ne signifie pas son contraire non plus


    • Fergus Fergus 31 décembre 2017 14:03

      @ vesjem

      J’ai bien compris, et ma remarque s’adressait plus aux lecteurs du site qu’à vous-même.

      Je vous souhaite une excellente fin d’année !


  • Gogonda Gogonda 31 décembre 2017 12:25

    Bonjour Fergus.


    Avec l’humour c’est comme quand on parle : tous dépend dans quelle intention on dit, fait une chose.

    Par exemple me déguiser en femme pour me moquer d’elle par pur misogynie, ce n’est pas pareil que de me déguiser en femme pour leur rendre hommage par des petites boutade à l’égard du machisme. 

    C’est donc toujours le même problème : dans quelle intention est fait ce déguisement ?

    Au vu de l’amour que porte Antoine Griezmann au basket et aux Harlem Globetrotter, on peut aisément dire que son déguisement relève plus de l’hommage que du racisme ! 


  • Gérard Luçon Gérard Luçon 1er janvier 2018 07:32

    Salut Fergus, et tous mes voeux !


    la chasse aux sorcières en France ne date pas d’hier, on peut rajouter à la liste des personnes « bannies l’excellent Luis Rego, seul portugais à qui on a refusé la nationalité française ....

    apparemment c’est entre autres son sketch »la journée d’un fasciste« qui aurait dérangé la »bien-pensance"

    • Fergus Fergus 1er janvier 2018 11:23

      Bonjour, Gérard Luçon

      Merci pour ces vœux et excellente année également !

      Le fait est que le temps est à la « police de la pensée » comme l’a souligné un intervenant, et ce n’est évidemment pas agréable à vivre, même s’il est nécessaire de lutter contre les dérives racistes.


  • eddofr eddofr 1er février 2018 13:31

    Comme tu pose une question, je répond : Non.


    Voilà, salut smiley

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