Ha le bon temps des cocos...
Evocation des années 60 dans la "banlieue rouge".
C’était la banlieue ouvrière des années 60. Le 93, le 9/3 comme disent les indigènes d’aujourd’hui non sans une certaine fierté. Il n’y avait alors que des villageois venus des quatre coins de la France. Y compris celle d’outremer. Des hordes prolétariennes que les bourgeois des champs de l’époque traitaient déjà de racaille.
Si tout le monde y était alors communiste, plus personne n’y croyait au paradis des soviets depuis belle lurette. On avait même tendance à y gober la propagande colossale de la presse occidentale vendant, à chaque minute, la fiction d’un ogre Russe prêt à tout moment à fondre sur l’occident pour y voler notre Freedom. Et cette perspective n’enchantait personne. Chacun aussi , était horrifié par des mots tels que goulag, KGB ou par la nouvelle mode Brejnévienne de répression : l’hôpital psychiatrique. Budapest et Prague avaient laissé une blessure inguérissable entre les sympathisants et ceux de la place du colonel Fabien qui soutenaient mordicus que les chars pour tirer sur le peuple c’est vachement bien quand ils ont une étoile rouge.
On y haïssait le bourgeois, dont on avait jamais vu la queue d’un et on méprisait à mort le « social-traitre », le socialiste, « collabo » par essence. Les souvenirs de Jules Mocke puis de Mollet et Mitterand étaient encore douloureusement vivaces. On y respectait de Gaulle presque religieusement, même si on détestait les gaullistes, « pétainistes fraichement convertis ». On y bouffait du curé mais on avait de l’affection pour l’Abbé Pierre chez qui chacun se devait d’aller, à Neuilly-Plaisance, acheter une babiole qu’on foutait à la poubelle en rentrant.
Presque tous les hommes picolaient. Cette vie de prolo dans des cages à lapin sonores remplies de gosses, avec ses trois à quatre heures de bus, train, métro entrecoupées de 8 à 10 heures de boulot mal payées, la gamelle le midi, symbole absolu et universel du prolétariat, épouses en roc et ce monde nouveau qui naissait sur le sacrifice de leurs belles années, ça faisait trop pour ces enfants de la cambrousse qui avaient grandi dans la guerre et les défaites. On luttait contre cette aliénation par celle encore pire du bistrot et du pinard. Seul espace de convivialité, de rêve et de liberté, version Sixties de Facebook-lexomil . Les militants, généralement, ne trainaient pas les bistrots. Ils auraient dû, ce sont armées entières qu’ils auraient levé s’ils avaient su faire rêver ces forçats plutôt que de les assommer de certitude « scientifiques » et d’appel à la soumission à un « génie supérieur ». Je crois n’avoir jamais rien vu de plus maladroit qu’un militant communiste Français des années 60. Des curés. Sans Dieu, son amour et sa charité. J’y appris là qu’on pouvait être tout à fait bigot et athée à la fois. Tous les dimanche matin, chaque sympathisant allait faire œuvre de militantisme en se rendant au marché pour acheter, entre un petit noir et un gros rouge, l’Humanité Dimanche distribué par d’autres pères de familles. Mon père, comme les autres, l’achetait, le roulait sous son bras l’air martial….et ne le lisait jamais. Je note que je fais exactement pareil aujourd’hui avec….le Diplo.
Mais on restait communiste par tradition, par camaraderie et par fierté aussi. C’est qu’ils étaient fiers de leur force travail les prolos de l’époque.
A suivre….