samedi 10 novembre 2018 - par
Immigration, perception, et réalité
C’est un sujet qui suscite souvent fantasmes et exagérations, et à propos duquel il est difficile de débattre de manière posée, pour ne pas dire courtoise. Néanmoins, après le papier traitant du « grand remplacement », d’autres éléments rendent utiles un complément à cette réflexion, avant le compte-rendu du très intéressant livre de Fatiha Boudjahlat, que je publierai d’ici la fin de l’année.
Une légitime insécurité économique et culturelle
Bien sûr, il ne faut pas nier la réalité de l’immigration et sa contribution à certaines évolutions inquiétantes, tant économiques que sociétales. Il est bien évident que quand deux Françaises de confession musulmane condamnée pour avoir revêtu un voile islamique sur la voie publique portent plainte contre notre pays auprès d’un comité de l’ONU, que le port du voile semble se développer, que 28% des musulmans déclarent faire passer la sharia avant les lois de la République ou que la Seine Saint-Denis se ghettoïse, cela nourrit une vraie insécurité culturelle. On peut y ajouter une grandissante littérature économique qui montre le coût de l’immigration ou son impact sur l’emploi et les salaires.
Il y a quelques semaines, une étude du Migration Advisory Committee (MAC) en Grande-Bretagne, pourtant favorable à l’immigration pour, dit-il, payer les retraites, donnent des arguments économiques à ceux qui veulent la freiner. Les vagues migratoires d’Europe de l’Est depuis 2004, si elles ont contribué à augmenter les salaires des 10% les plus riches de 3%, ont également fait baisser ceux des 10% les moins riches de 3%. Outre le fait de confirmer les analyses issues des migrations cubaines en Floride il y a près de 40 ans, cette étude y ajoute un effet positif pour les plus hauts revenus ! Et elle note également que les migrants peu qualifiés n’ont pas de contribution budgétaire positive…
En clair, les inquiétudes économiques et culturelles sont légitimes. Cela n’empêche pas une exagération irrationnelle de ces craintes. Cela est vrai sur le coût de l’immigration, où Marine Le Pen brandit des chiffres extravagants, alors que faire référence à ceux de l’OCDE serait suffisant. C’est aussi le cas des théories du « grand remplacement », des gloubi-boulga de faits tordus de manière outrageuse, oubliant la diversité des origines des immigrés en France, se basant parfois sur les chiffres d’un seul département, ou pour qui une goutte de sang étranger condamnerait toute assimilation sur des générations, flirtant avec le racisme le plus radical, au mépris d’une histoire qui démontre souvent l’inverse.
Car au global, au contraire, je crois que la France démontre une plus grande tolérance que la plupart des pays. Finalement, n’est-il pas remarquable, au contraire de l’opinion d’Emmanuel Todd, de constater que les attentats n’ont en aucun cas produit une assimilation de tous les musulmans aux islamistes ? Les études montrent d’ailleurs un recul du racisme en France absolument pas affecté par les attentats. Mieux, même si la part d’immigrés dans la population est surestimée en France, comme partout ailleurs, en revanche, notre pays se distingue par le fait de ne pas exagérer l’ampleur de l’immigration musulmane, démontrant à nouveau une capacité à garder une tête plus froide que certains…
Bien sûr, certains mauvais comportements se développent, mais l’opinion évolue dans le bon sens et le coût de l’immigration et son impact sur le marché du travail est de plus en plus documenté. Une plus grande maîtrise des flux migratoires (heureusement bien moins importants que pour nos voisins) s’impose largement, l’hystérie restant heureusement confinée aux marges du débat, même si elle existe.