samedi 3 septembre 2005 - par Michel Monette

Katrina dévoile sa pauvreté à une Amérique horrifiée

La révolte gronde dans le delta du Mississippi. Les soixante-douze heures de silence de Bush, la désorganisation des secours, les années d’incurie et la corruption des autorités politiques que démontreront peut-être les inévitables enquêtes publiques. Bref, la médaille d’une Amérique riche, puissante, efficace, technologiquement avancée, vient d’être retournée comme un fétu de paille par le cyclone Katrina.

D’ici, au Québec, nous avons un accès direct aux grands et moins grands médias électroniques des Etats-Unis. Ce qui frappe à voir et entendre les commentateurs américains, c’est le choc qu’ils viennent de subir. Plusieurs encaissent difficilement les images de cadavres gonflés flottant à la dérive.

Bienvenue dans l’Amérique sous-développée !

Le contraste avec l’efficacité des Américains lors du tsunami du 26 décembre 2004 est frappant. Beaucoup de noirs demandent des comptes : les secours auraient-ils autant tardé si la population touchée avait été très fortement blanche ?

La question est légitime. Mais en même temps, elle risque d’occulter le vrai bobo : l’Amérique riche a volontairement abandonné ses pauvres.

Qu’il s’avère qu’une grande partie des Américains pauvres soient noirs ne rend que plus contrastant le traitement inique que réservent les bien nantis de ce pays à ceux qui n’ont pas réussi comme eux.

Car lorsqu’on gratte cette immense plaie que Katrina a mis à nue sur son passage, on réalise que les Américains ont un mépris profond pour les pauvres qu’ils considèrent essentiellement comme des perdants.

Non seulement refusent-ils une Amérique où l’immense richesse serait redistribuée - quelle horreur, s’indignent-ils, que ce mot ! - mais pire, ils sont convaincus que les pauvres sont coupables de l’être.

Pire encore, la leçon que vient d’infliger à l’Amérique Katrina ne portera sans doute pas.



4 réactions


  • Didier Vincent Didier 4 septembre 2005 07:11

    Pensez vous que ce soit différent ailleurs ? La seule différence que je vois, vu de France, c’est le sentiment de culpabilité donné aux « perdants » en Amérique, sentiment qui n’existe pas vraiment ici et le complexe de supériorité issu des restes du colonialisme en Europe mais dans la réalité quotidienne, nos pauvres Africains noirs, Turcs ou Nord Africains ne sont pas mieux traités. Alors avant de stigmatiser les USA, balayons devant notre porte non ?


  • Michel Monette 4 septembre 2005 17:38

    Mon propos n’était pas de faire le classement des pays par rapport à la façon dont y sont traités les pauvres. Chaque pays pourra faire son propre examen de conscience. Dans le cas des États-Unis, le contraste entre leur immense capacité financière et la lenteur de leur réaction mérite bien que je sois sévère dans mon jugement.

    Un épisode qui m’a frappé à la télévision américaine, sur PBS si je me rappelle bien, est cette femme disant son humiliation de devoir compter sur l’aide des autres. La nature venait de tout lui enlever et elle avait honte de ne pas pouvoir s’en sortir seule ! Cette attitude relève selon moi d’un des fondements de la mentalité américaine : ne compter que sur soi dans la vie, avec son corrolaire : si tu es pauvre, c’est que tu n’as pas su faire preuve d’initiative. Certes, les Américains n’ont pas l’exclusivité d’un telle vision de la pauvreté. Cependant elle y a imprégné leur mentalité collective comme sans doute nulle part ailleurs dans le monde.


  • Jean-Luc Grellier Jean-Luc Grellier 5 septembre 2005 09:52

    Au delà de dévoiler la pauvreté, je trouve aussi plus largement que cela dévoile un coin sombre du comportement humain : le côté animal. Je suis au bout, mon intégrité est menacée, j’ai faim, donc je prend les choses en main et j’attaque, je pille etc.

    Nous entrons dans des cas comme celui-ci dans un fonctionnement du type « loi de la jungle » : ce qui est parfaitement connu de tous les organismes en charge de la sécurité, dont on pouvait attendre une réaction bien plus rapide...

    Moi ce qui me choque le plus, c’est qu’un pays capable de contrôler le monde (nous en sommes presque là...) d’aller imposer ce qu’il pense être bien à d’autres pays etc. de se positionner en fait en « maîtres du monde » ne soit pas capable de réagir plus promptement à de pareils événements : je dois avouer que cela m’a complètement surpris. Je m’attendais à voir des soldats dès le lendemain parcourrir les rues et sauver des civils (ils sont passés où les supers héros qui sauvent la galaxie tous les jours ?).

    Ah mais j’oubliais... la majorité des gens touchés sont des pauvres... effectivement la grande Amérique ne peut accepter que le monde entier ait le regard fixé sur son talon d’achille. Quand on pense que certains sont morts faute d’avoir pu mettre 40$ d’essence dans leur voiture... c’est dramatique.

    Au delà du drame humain, il faut y voir la grande faiblesse d’un pays qui a tout misé, depuis la ruée vers l’or, sur la réussite, la communication. « Rien n’est jamais assez beau ni assez grand pour un américain » avait dit un ancien président, eh bien rien n’est jamais pire que de monter très haut quand on a une base aussi fragile.

    Je souhaite en tout cas que cela soit un électro-choc pour la population et qu’il y ait une vrai prise de conscience sur la manipulation médiatique dont le peuple américain est la victime (quand on pense que certains habitant de petits village de 200 personnes au fin fond du Texas sont morts de trouille parce qu’ils sont persuadés qu’un attentat peut détruire leur ville, on mesure un peu l’ampleur de la toute puissance du couple président-médias).

    Bon courage à tous les exilés, même si cette pensée vers eux ne leur apporte pas grand chose de concret.


  • Didier Vincent Didier 6 septembre 2005 09:11

    > Michel : je ne cherchais pas à vous critiquer en portant un jugement sévère sur les USA. Je cherchais juste à exprimer mon étonnement devant la réaction du plus grand nombre qui pour résumer consiste à penser que la puissance des USA la mettait à l’abri des conséquences d’un phénomène naturel de grande puissance. N’est ce pas la vanité de l’homme que de faire un lien entre sa puissance propre et celle extérieure à laquelle il est confronté ? Pourquoi les USA dérogeraient ils aux règles les plus élémentaires de la nature ? et l’homme dans tout cela au lieu de chercher les causes réelles du désastre, se contente de rechercher des responsables, comme si le bon ou le mauvais entretien des pompes qui « sécurisaient » la cuvette de la Nouvelle Orléans aurait pu y changer quelquechose ? Pour être franc et clair, je vous beaucoup d’arrière pensees qui n’ont rien à voir avec le malheur des sinistrés dans les propos de certains (je ne dis pas cela pour vous bien sûr).


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