mercredi 11 septembre 2019 - par Bernard Dugué

L’autisme est le propre de l’homme

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 Avertissement au lecteur. Cet article propose quelques pistes pour comprendre et interpréter l’autisme dans un cadre élargi. Les idées présentées n’ont pas la prétention d’être inédites, ni de se substituer aux études scientifiques validées par les institutions.

 

 Si nul ne connaît les causes exactes et complètes de l’autisme, en revanche, nous pouvons réfléchir sur ce que signifie ce trait de personnalité suffisamment handicapant pour être considéré comme un problème de santé publique. La frontière entre le normal et le pathologique étant poreuse, certains traits caractérisant des troubles psychiques sont présents chez les individus jugés normaux. Ils sont cependant atténués ou pour le dire différemment, ils sont surmontés et même utilisés, souvent dans des tâches nécessitant une aptitude à créer. C’est le cas de la mélancolie. Ou alors des symptômes bipolaires affectant artistes et autres inventeurs ; c’est le cas aussi pour l’autisme dont la forme Asperger aurait été soupçonnée pour le physicien Dirac, mathématicien et génie de la mécanique quantique, ou alors Einstein et sans doute Hawking. Ceux qui connaissent ce trait d’intelligence savent qu’il a accompagné de grands penseurs, Platon sans doute, Nietzsche, Jünger, Eliade et Heidegger sûrement. Mais ne concluons pas que ces philosophes étaient autistes. C’est l’inverse, l’autisme Asperger est une forme aiguë d’intelligence, développée intempestivement, inopinément, envahissant le psychisme au détriment d’autres facultés cérébrales et pouvant être parfois surmonté. Lorsque c’est le cas, ces individus parviennent à une vie sociale et même acquièrent une notoriété grâce à leur originalité. C’est le cas de Joseph Schovanec devenu polyglotte, docteur en philosophie, voyageur du monde, auteur de livres décapants et porte-parole au service de la cause autiste. Les autistes Asperger ne sont pas représentatifs de l’autisme. Ils sont rares, contrairement à cette fable moderne de la Silicon Valley et des GAFA qui en emploierait des milliers.

 

 Si nous ne sommes pas tous autistes, loin s’en faut, nous l’avons tous été si l’on admet que le nouveau-né est un petit d’homme qui arrive dans la vie en étant « autiste », autrement dit inapte à évoluer dans un environnement et devant apprendre tous les fondamentaux permettant d’interagir avec la nature et surtout avec un environnement humain constitué telle une seconde demeure dont les parois sont le langage. La thèse de l’inadaptation du nouveau-né est connue d’un large public, c’est la théorie de la néoténie, qui fait d’un « décalage » existentiel un « déphasage » ontogénique. Le petit d’homme est un prématuré, il arrive dans le monde inapte, imparfait, incapable, alors qu’en revanche la plupart des nouveau-nés dans le règne animal sont fonctionnels dès la naissance. Les éleveurs le savent, eux qui voient naître agneaux, chevreaux et autres bêtes à quatre pattes capables de se redresser dès la naissance. La thèse de la néoténie mérite d’être complétée, ce que je vais faire en énonçant la double néoténie. Le nouveau-né arrive dans la vie prématurément ; il est inapte à vivre dans un environnement, avec des membres et des circuits moteurs atrophiés, mais en revanche, il arrive avec un cerveau trop développé, en avance en quelque sorte, surdimensionné pour les premières tâches qui l’attendent. C’est en ces sens que le nouveau-né présente les traits de l’autisme.

 

 Le jeune enfant autiste présente les traits du nouveau-né mais transposés à l’âge de son développement, deux ans, trois ans, voire un peu plus. Il peut se déplacer ; il effectue des tâches quotidiennes mais avec difficultés, il peine à utiliser le langage et à communiquer avec son environnement social. Le plus souvent l’autisme est interprété comme un retard dans le fonctionnement cérébral et cognitif. Et si c’était l’inverse, à savoir un cerveau qui se développe trop vite et qui s’avère surdimensionné pour le développement des tâches ordinaires. Le cerveau se développe en relation avec les signaux venus de l’expérience mais aussi les signaux générés par son activité autonome (du reste connue à travers les rêves). On peut émettre d’hypothèse d’un cerveau autiste qui fonctionne trop vite, génère trop d’informations et produit du bruit, n’étant alors plus capable d’extraire les informations nécessaires à l’apprentissage ordinaire, ni de produire les mécanismes actifs utiles au quotidien. Comme si ce cerveau produisait des « acouphènes intellectuels ». Comme ceux que l’on expérimente en rêve. Le cerveau est bien un système qui produit des visions, des formes, du sens et qui hiérarchise les contenus cérébraux grâce à des noyaux cognitifs imbriqués les uns les autres. Le sens du réel est produit par une résonance entre les contenus générés et les contenus formels captés par les sens. Le développement du cerveau suit un cours régulier, sauf dans le cas de troubles. L’autisme pourrait bien reposer sur une hypertrophie dans la production cognitive, avec une hyperproduction de données pouvant générer une sorte de chaos submergeant le psychisme et difficile à détecter. Dans les cas Asperger, le chaos est dominé ; advient alors cette intelligence peu ordinaire des choses, par exemple cette capacité à voir les sons, ou faire des maths en transformant les symboles mathématiques en couleurs. Cette intelligence est une sorte de clairvoyance. Lorsqu’un philosophe en dispose, il parle des Idées comme Platon, ou de l’Ereignis comme Heidegger.

 

 Je ne donne pas plus de détails, n’ayant pas cherché à en savoir plus pour l’instant. Une chose semble acquise, l’autisme est non seulement le propre de l’homme mais aussi un levier pour comprendre l’homme en étudiant les écarts à la normalité. N’est-ce pas en analysant l’hystérie que Freud fut mis sur la piste de la psychanalyse ? N’oublions pas que les sciences émergent parfois en observant des écarts. Le spectre du corps noir ne collait pas avec la loi de Wien et Planck eut l’idée du quantum d’action. L’effet Zeeman anormal a permis de découvrir le spin. Que nous apprend l’autisme ? Sans doute des traits et mécanismes fondamentaux faisant que l’homme a émergé et se développe comme un animal social habitant dans la chair du monde et dans le langage.

 

 L’autisme nous reconduit vers l’essence de l’humain. Il décrit l’incapacité de l’homme à s’ancrer dans la nature et dans le monde social qui est son biotope naturel. Les rares autistes que l’on dit Asperger nous apprennent les étonnantes facultés du cerveau étrangères à l’individu normé, à l’instar des quelques magnétiseurs possédant des dons que n’ont pas la grande majorité de la population. La diversité humaine ne se jauge pas uniquement sur une couleur de peau, une orientation sexuelle ou une origine ethnique ! Certains l’ont compris et conseillent les entreprises afin qu’elles appliquent la diversité cognitive (traduction, qu’elles emploient des HPI). Enfin, l’autisme traduit une forme de décalage entre des individus possédant des capacités intellectuelles ou autres sortant de la norme et une société qui pour fonctionner croit devoir imposer des cadres. Les HPI ont parfois une vie chaotique et se demandent s’ils n’ont pas un spectre autistique à bas bruit. Inversement, ils peuvent s’apprécier comme des personnes justes, sensibles et visionnaires et finir par penser que c’est la société qui présente des traits autistes car elle ne peut pas accéder à un réel intelligible qui la dépasse et se complait dans les normes fonctionnelles.

 

 Si chez le jeune enfant l’autisme caractérise un fonctionnement cérébral déphasé et inadapté par rapport aux contingences et nécessités du quotidien, l’autisme est transposable à l’individu adulte possédant des facultés d’intelligence hypertrophiées. Cette forme d’autisme se retrouve chez certains enfants très doués voire surdoués. A l’âge adulte, les « très doués » ont mûri, ont une expérience enrichie et certains présentent des traits définis comme relevant du haut potentiel intellectuel. On les appelle « zèbres » ou alors « HPI ». Les uns ont réussi brillamment et d’autres sont restés en marge parce que leur intelligence les rend trop lucides, curieux, insatiables, assoiffés de découvertes et donc inaptes dans des tâches soit répétitives, soit exigeant un cadre délimité, ce qui est la règle pour la plupart des professions ; y compris les chercheurs pris entre deux injonctions contradictoires ; on leur demande de publier intensément, ce qui exige d’avoir le nez sur le guidon disciplinaire et on leur suggère également de prendre des risques, de jouer les écarts, de faire sauter les cadres. Un HPI finit par comprendre, souvent sur le tard, que le développement de ses facultés intellectuelles est susceptible d’être entravé par les normes du milieu professionnel ainsi que les banalités du quotidien qu’il ne comprend pas toujours, bien que ce quotidien soit plein de surprises et plus riche qu’il ne le pense. En revanche, il saisit comment son intelligence progresse en choisissant les champs intellectuels qui lui correspondent et sont très larges. Le HPI a une intelligence trop puissante et surdimensionnée relativement aux prérequis pour mener une vie normale et bonne. En revanche, il est capable de trouver des solutions que nul ne voit. Son cerveau est en avance sur l’évolution. Un jour, nous serons peut-être tous HPI !

 

 

L’autisme n’a pas d’explication et le jour où nous comprendrons ce trait de personnalité, nous saurons qui est vraiment l’homme en tant que créature intelligente.

 



7 réactions


  • Sparker Sparker 11 septembre 2019 09:58

    Il y a aussi le « cul entre deux chaises » ne pas pouvoir se « réduire » aux cadres qui permettent une vie en société simple et contigente et le fait d’en être conscient qui ne permet pas une « échappée intellectuelle » poussée rendant encore plus solitaire ou du moins isolé et incompréhensible par les autres.

    Absent et présent à la fois, intelligence permettant de « s’en sortir » dans une société dans laquelle on ne peut s’intégrer pleinement.


  • Albert123 11 septembre 2019 15:22

    « Un jour, nous serons peut-être tous HPI ! »


    non et pour une simple raison (qu’en plus vous abordez une phrase avant) :

    ce qui caractérise l’intellect et les comportements des gens « hors normes » c’est qu’il sont justement en dehors de la normalité.


  • Laconique Laconique 11 septembre 2019 16:43

    J’ai l’impression que vous avez voulu écrire un autoportrait. L’intelligence c’est très bien, mais il y a aussi le cœur. N’êtes-vous pas un peu complaisant avec vous-même ? Que faites-vous au quotidien au service de la charité ? A l’heure dernière, ce n’est pas sur notre intelligence que nous serons jugés, mais sur notre cœur : « Plus que sur toutes choses, veille sur ton cœur, c’est de lui que jaillit la vie » (Proverbes, 4, 23).


    • Sparker Sparker 12 septembre 2019 09:39

      @Laconique

      L’un ne s’oppose pas à l’autre, je dirais même le contraire.
      L’absurde peut être partout, le coeur n’y échappe pas non plus.
      L’intelligence du coeur existe est c’est d’ailleurs la plus difficile à vivre et à appliquer.
      Selon un certain point de vue la charité peut aussi être un acte intelligent.


  • Xtf17 Xtf17 11 septembre 2019 20:27

    Ça fasait longtemps que je ne m’étais pas connecté pour voter pour un bon article.

    Merci et chapeau M. Dugué !


  • Julot_Fr 12 septembre 2019 08:03

    L’autism est un fourre tout pratique pour masquer la destruction des cerveaux des enfants a travers l’alu dans les vaccins, le glyphosate dans l’alimentation.. (et autre.. impossible de connaitre tous les poisons deployes). Aux usa ils sont passes de 1/60000 a 1/60


  • June June 22 septembre 2019 17:24

    « Un jour nous serons tous peut être tous HPI » Au regard de la bassesse des comportements humains vous êtes drôlement optimiste. Mais la réalité est beaucoup plus dure. Il me semble que les autistes sont plus heureux « dans leur petit monde »à vivre repliés sur eux même qu’en esprit de compétition. Ils ne sont pas fait pour ça. Et l’intelligence émotionnelle elle est où dans tout ça ?


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