L’héritage de Johnny : Ce que tu lègues dit ce que tu es
Les bagarres d’héritages autour d’un cadavre m’ont toujours paru sordides. Et ce qui se passe autour du défunt Johnny Hallyday en révélera long sur celui/ celle/ ceux qui ont déshérité David et Laura, ses deux enfants biologiques. Mais on lira ici le récit d’une autre succession bien plus noble…
David et Laura : on compatit
J’ai beau me préoccuper fort peu des potins mondains et des affaires de cœur ou d’argent des people, je dois dire que j’ai été très peiné d’apprendre que David et Laura Smet avait été déshérités par… par qui, au fait ?
Leur père avait exprimé dans des interviews ses regrets d’avoir trop négligé ses deux enfants biologiques. Il affirmait avoir appris à être père avec ses deux filles adoptées, Jade et Joy. Précédemment, il avait retissé, certes tardivement, des liens avec son fils, notamment autour de l’écriture du CD sang pour sang en 1999. Sur ses rapports avec sa fille Laura, je suis moins informé.
Lors des obsèques de Johnny, qui n’ont pas bouleversé que moi, on a vu une veuve pleine de dignité, et des embrassades entre tous les membres de cette famille complexe. On a été ému, on était tous avec eux. Tout cela vient de voler en éclats. On apprend des choses quand même assez lamentables, notamment que les Macron ont été prévenus de la mort de Johnny avant même ses propres enfants.
Les enquêtes diront qui est à l’origine de la révision des dispositions testamentaires de Johnny qui, au départ, ne déshéritaient nullement David et Laura. Est-ce Johnny lui-même qui, esquinté par l’alcool, les drogues, les médicaments, la maladie et l’âge, a décidé de priver ses deux enfants biologiques de tout héritage, jusqu’à une pochette de disque dédicacée à Laura ? Honnêtement, je n’y crois guère. Ça ne ressemble pas à tout ce qu’on a su par ailleurs –et bien avant sa mort– du personnage, qui faisait montre d’une générosité financière d’ailleurs assez irréfléchie envers des proches et même des inconnus. Comment aurait-il eu la cruauté de priver ses enfants de tout objet, de tout souvenir de lui-même ? Le préjudice financier importe assez peu ; mais le préjudice affectif, psychologique, lui, est carrément tragique, catastrophique. Il serait heureux que ses enfants arrivent à faire établir la preuve que leur père les aimait, qu’il n’a pas été un salaud, qu’il n’a pas aggravé post mortem la négligence qu’il avait eue à leur endroit de son vivant. De mon point de vue, c’est surtout cela qui importe. J’ajoute aussi que nous aussi, nous serions déçus d’avoir confirmation que Johnny lui-même aurait déshérité ses enfants : l’idole en serait définitivement entachée. D’ailleurs, il n’y a pas grand monde pour croire à cette version : on soupçonne plutôt la veuve… ou la belle-famille. Les avocats vont avoir de quoi s’amuser.
Une belle histoire d’héritage
Il y a quelques mois, a paru la correspondance passionnée de deux amants : Albert Camus et Maria Casares.(1) Histoire pas simple non plus. Belle histoire d’amour, mais au détriment de l’épouse, et avec quelques autres amantes en toile de fond. Et pourtant, témoigne Catherine Camus, la fille de l’écrivain, « à la maison, on ne parlait [de Maria] qu’avec beaucoup de respect et d’affection. Surtout ma mère. […] Maria était très respectée chez nous. »(2) On est là, malgré la difficulté de la situation instaurée par Camus lui-même, dans un climat qui est l’inverse de ce qui a cours parmi les proches de Johnny Hallyday.
On en trouve un autre indice qui montre qu’à l’évidence, Maria Casares, grande tragédienne, était une femme aux qualités humaines exceptionnelles. Car l’histoire de l’héritage qu’elle a reçu, puis qu’elle a donné, met en rapport des personnages pleins d’altruisme, mari et beaux-enfants inclus. Nous sommes un an et demi après la mort de Camus ; il s’agit donc d’une autre histoire :
Le 5 août 1961, Maria Casarès et André Schlesser achètent – une partie chacun – le manoir, les dépendances et les terres de la Vergne, situés sur la commune d’Alloue.
Elle épouse le 27 juin 1978 cet ami de longue date, André Schlesser, mort à Saint-Paul-de-Vence le 15 février 1985.
Après la mort d’André, ses enfants, Anne et Gilles Schlesser, lèguent à Maria Casarès la partie du domaine de La Vergne qui appartenait à leur père.
Elle repose à côté de son mari dans le cimetière de cette commune. Pour remercier la France d’avoir été une terre d’asile, Maria Casarès, sans descendance, fait don à la commune d’Alloue du domaine et du manoir de La Vergne – qui, désormais, lui appartiennent donc en entier…(3)
C’est donc un tableau radicalement différent de ce qui se joue autour de la dépouille de Johnny Hallyday. Rapacité, rancunes et mesquinerie d’un côté. Affection, don et générosité de l’autre. Les héritages sont très révélateurs des qualités humaines (ou de leur absence) de ceux qui les font.
Réparation possible ?
Alors voici : je ne sais pas qui a magouillé pour déshériter les enfants de Johnny (ce qui, soit dit en passant, est un très sale coup fait aux filles adoptives en matière de relations familiales). Je ne sais pas si c’est Johnny qui, en pleine connaissance de cause, a fait établir ce testament, ou bien si on lui a fait signer des papiers auxquels, pas plus doué que moi, il n’aurait rien compris (surtout avec ces histoires de mélange de droit français et de droit californien). Mais une chose est certaine : rien n’empêche Laetitia de donner sur « son » héritage la part qui revient décemment aux enfants de Johnny.
Néanmoins, le mal est fait. Jamais ces dispositions n’auraient dû être prises. Quelqu’un a fait preuve d’inhumanité, d’injustice, de cruauté dans cette affaire. Il faut démasquer le, la ou les coupables. Et réparer ce qui peut l’être…
===========
- Albert Camus - Maria Casares, Correspondance, 1944 – 1959, Gallimard, 2017.
- Témoignage recueilli par l’auteur.
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Maria_Casar%C3%A8s