vendredi 14 décembre 2018 - par Orélien Péréol

L’internationale financière

On attendait une internationale ouvrière et on a une internationale financière. Tous ceux qui continuent à vouloir penser dans les schémas des XIXème et XXème siècles ne comprennent pas ce qui se passe en ce moment, et d'une certaine façon nient l'Histoire.

Dans le temps où le président Macron disait comment il avait compris le désordre social de la France en annonçant une augmentation de 100 euro du SMIC, dont 80 euro étaient déjà actés... en même temps, le Sénat accordait par une loi des facilités pour sortir de l'argent du pays France. Sortir de l'argent de France pour ceux qui ont les moyens d'en sortir coûtera moins cher pour eux, et plus cher pour nous tous.

La question économico-politique de notre temps peut s'écrire, à mon sens, ainsi : Comment retenir les capitaux étrangers dans mon pays, afin que les investissements permis par ces capitaux, créent de la richesse et (donc ?) des emplois ? Il faut apparemment baisser le coût du capital pour les possédants, sans quoi, ils vont ailleurs. Moyennant quoi, les capitaux trouvent toujours un ailleurs où ils sont moins imposés et ils s'en vont quand même. Baisser l'imposition des capitaux en France, comme le fait, avec une force inégalée et excessive, l'actuel président, si elle relève d'une logique contestable moralement, mais théoriquement fonctionnelle conduit à l'échec malgré tout.

Il faudrait pour un dirigeant s'occuper faiblement de ces parcours monétaires dans le monde et qui passent par son pays parce qu'il n'y a aucune solution pour les contrarier efficacement, il n'y a aucun moyen de les influencer pour qu'ils se posent là ou ici.

De ce point de vue, le président Macron est vieux et applique une idéologie « livresque » du siècle précédent. Il n'a pas l'air bien préparé à comprendre ce genre de phénomène. Il n'a pas non plus été préparé à ce qu'on lui donne tort aussi vertement, avec des arguments raisonnants et aussi avec une affectivité négative intense. Il avait bien dit qu'il considérait que, depuis 30 ans, la France n'avait pas fait les réformes nécessaires parce que les gouvernements avaient cédé devant la rue et il a montré son inflexibilité personnelle, psychologique : « Ne tentez même pas ce coup-là » avait-il l'air de dire. Cependant, demander son départ est une inconséquence grave. D'abord, il y a peu de chance que cela se produise. Et dans le cas de probabilité si près de 0 où cela se produirait, quelle pourrait-être la campagne électorale ? de quels thèmes serait-elle composée, et quelles personnes, tellement plus intéressantes que Macron s'y présenteraient-elles ? N'a-t-on pas déjà eu ces débats et ces personnes ?

La question politique est devenue : « Quel degré de violences faut-il à Macron pour prendre une autre attitude, une attitude politique et non une attitude patronale ? »

Fait exceptionnel, Macron n'a pas d'opposition.

Les citoyens de gauche sont idéalistes et croient que la pensée fait plier le réel. Par conséquent pour eux, aucune politique n'est assez de gauche, puisque la politique, dans leur idée, ne dépend que de la volonté, il suffit de réclamer pour obtenir. Quand est en place un gouvernement de gauche, il faut continuer la lutte plus fort encore puisqu'il s'agit d'un gouvernement que l'on peut « mettre devant ses contradictions ». Les défaites illégitimes de la gauche commencent avec Jospin, en 2002. Bien qu'il n'ait pas démérité, il n'a pas pu être présent au second tour : dispersion des voix à gauche, et le thème récurrent de la gauche idéaliste : « tu n'es pas de gauche. » Hollande a connu bien pire, une opposition franche, cruelle et systématique au sein de son parti et un transfuge du PS, Mélenchon, qui est allé siphonner les voix de la gauche, sur le même sempiternel air « la vraie gauche, c'est moi »

Les déboires de la droite et son absence sont atypiques et conjoncturelles, une sorte de hasard, bien qu'elles tournent autour des « affaires », nombreuses à droite et que les responsables de droite, d'une manière générale tiennent tête avec, parfois, une mauvaise foi aussi grosse que la bosse de Polichinelle. La vitesse d'exécution de la justice avec Fillon est d'une rareté exceptionnelle.

Qu'est-il changé de cette situation depuis 18 mois ? Pas grand chose. Donc Macron reste sans opposition et le resterait dans des élections.

S'ajoute une attaque terroriste liée à l'islamisme.

Macron ayant réduit les gilets jaunes à la question de « l'inacceptable violence », se trouve face à deux systèmes de violence sans aucun rapport entre elles.

Le système social est illisible, l'élection de Macron est un effet de cette effacement des lignes de construction de la société et de notre incompréhension de nous-mêmes qui nous caractérise et les oppositions qu'il rencontre aussi.

Comment s'en sortir, comment refaire société, divisée, certes, mais avec un récit suffisamment partagé pour servir de cadre aux débats conflictuels internes ? Nous devons d'abord prendre en compte cette réalité de l'anomie qui nous constitue.



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