lundi 29 juin 2009 - par
LA CGT expulse des sans papiers !
Bourse du travail, ce Mercredi 24 juin. Un immeuble comme un autre, squatté depuis plus d’un an par 200 sans-papiers africains. Soudain, une trentaine de skinheads masqués, équipés de matraques, de barres de fer et de bombes lacrymogènes, pénètrent dans le bâtiment, gazent ses occupants et les font sortir de force, leurs matelas sous le bras. Dehors, des femmes pleurent, en état de choc. Un petit attroupement se forment, on s’indigne, on croit reconnaître des barbouzes en civil, des cris fusent : « ratonnade », « nettoyage », « Sarkozy assassin »...
Mais qui sont ces patibulaires personnages qui ont délogé aussi brutalement ces malheureux clandestins ? Des CRS en civil ? Des militants du Front National ? Que nenni ! C’est le sympathique service d’ordre de la CGT, syndicat toujours prêt à soutenir les sans-papiers de tout poil mais qui, lorsque l’on squatte chez elle, n’hésite pas à employer des méthodes à côté desquelles nos forces de l’ordre passeraient pour des médiateurs sociaux. Et heureusement que la police était là pour veiller au sort des expulsés !
Ainsi donc, la CGT expulse des sans-papiers d’un local dont elle n’est même pas propriétaire (les locaux appartiennent à la Mairie de Paris) ; ainsi donc, la CGT expulse des sans-papiers qu’elle n’est pas parvenue, une fois n’est pas coutume, à "récupérer". Ainsi donc, la CGT emploie pour cela des méthodes d’une extrême violence, mais qui ne doivent pas vraiment étonner de la part d’une mouvance révolutionnaire qui n’aspire qu’à prendre le pouvoir, et par la violence s’il le faut...
Ainsi donc, il y aurait de "bons" squatteurs, ceux qui occupent des locaux appartenant à de méchants capitalistes, bourgeois et autres aristocrates et qui s’alignent gentiment dans les défilés de la CGT ; et les "mauvais" squatteurs, qui occupent les locaux des gentils syndicalistes et ne se cantonnent pas à leur rôle de faire-valoirs dociles. Droit Devant, RESF, Autre Monde, la Ligue des droits de l’homme, se sont ainsi désolidarisés d’eux en leur conseillant de partir ; idem Droit au Logement, qui leur trouvait des "motivations peu crédibles"... Même les médias, à quelques exceptions (comme Libération, qui leur a consacré plusieurs articles, ou Rue89), ont étrangement peu couvert ces squatteurs indélicats, alors qu’il s’agit de la plus longue et large occupation de sans-papiers... De là à penser que, décidémment, la CGT a le bras bien long dans le domaine associatif et médiatique ? "Ils bossent ici, ils vivent ici, ils restent ici", dit le slogan de la CGT. Ici, mais pas chez nous...
Mais quel est le véritable tort de ces malheureux africains ? Occuper des locaux en partie utilisés par la CGT ? Certe, oui ; mais, surtout, oser ne pas être totalement convaincu par l’action de la CGT en matière de ’’régularisation par le travail" depuis que celle-ci a "embrassé" leur cause. La CGT voudrait bien être le nouvel ami des sans-papiers, leur porte-parole, leur étendard ; pas de chance, nos amis ne sont pas de bons sans papiers dociles, ils ne sont pas d’accord avec l’approche de la CGT, ils estiment que les résultats sont négatifs, que l’idée de ne régulariser que les sans-papiers qui ont des promesses d’embauche revient à s’aligner sur le gouvernement français, que dans les faits plus d’illégaux ont perdu de travail qu’été régularisés... Pas de chance, nos amis africains ne sont pas dupes de la posture de la CGT, pas de bol, ils ont parfaitement compris le double jeu des syndicats, qui "ne sont pas des mis qui se trompent, mais des ennemis qui se cachent, c’est la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier". Des sans-papiers lucides et réactionnaires ! Pas de ça chez nous !
Pour ne pas arranger leur dossier, nos amis squatteurs ont un contentieux avec la CGT sur le traitement de leur dossier, le collectif CSP 75 reprochant au syndicat de les avoir "lâché", "trahi" de ne pas avoir soutenu leurs dossiers de demande de régularisation, qu’ils ont déposés tout seul comme des grands à la Préfecture de Paris sans (l’erreur !) la médiation de la CGT... Demandes qui ont été refusées en bloc, la préfecture les invitant, un peu taquin, à "allez voir la CGT" !... Bref, en quelque sorte, CSP 75 reproche à la CGT d’avoir fait main-basse sur les sans-papiers et d’en détenir en quelque sorte le "monopole", seuls les dossiers présentés par celle-ci ayant une chance d’aboutir... "CGT main dans la main avec Hortefeux", tel est le nouveau mot d’ordre des expulsés !
Ainsi donc, la CGT fait tout ce qu’elle peut pour syndiquer les sans-papiers et récupérer un mouvement très porteur, parce que "ça fait bien en tête de cortège", mais interdit des représentants de CSP 75 de s’exprimer dans une de ces manifestations bigarrées (comme lors d’un rassemblement à Saint Michel en avril dernier, ou de la Fête de l’Huma où CSP 75 se plaint d’avoir été "agressé" sur le stand bolivien)... Les sans-papiers, qu’est-ce qu’elle en a à faire, la CGT, dans le fonds ? Ce n’est qu’une masse contestataire corvéable à merci, que l’on peut mettre facilement instrumentaliser, manipuler comme des "pantins" au service de son projet révolutionnaire et déstabilisateur, tout comme Marx préconisait d’ "utiliser" la masse prolétaire pour renverser la bourgeoisie...
Bien sûr, on se défend comme on peut à la CGT : ce squat dans les locaux de la CGT "arrangeait bien du monde" (la Préfecture, le Gouvernement aussi, bien sûr...), et c’est pour cela que le dossier aurait été bloqué par la Préfecture... Oui, "la seule explication, c’est qu’on voulait nuire à l’image de la CGT, à son activité. Les sans-papiers ont peut-être été manipulés par certains de leurs soutiens pour se retourner contre nous", déclare même la Responsable de la Communication de la CGT. Bien sûr, c’est l’ombre de Sarkozy, diabolique manipulateur, qui est derrière tout cela : "Quand le premier syndicat français attaque des sans-papiers, on peut se dire que le gouvernement Sarkozy fait vraiment bien son travail.", déclare le président de SOS Soutien Sans Papiers...
Mais, déjà, d’autres associations, d’autres collectifs, d’autres mouvances politiques, trop heureux de ce faux-pas d’un "concurrent" aussi récent que redoutable, s’emparent de l’affaire, rivalisant d’indignation et de revendication pour reprendre le flambeau : les Verts, Réseau éducation sans frontières, SOS Soutien Sans Papiers, Sud Etudiant, le CRAN, CAT - SOD... Décidément, cette malheureuse affaire lève un peu plus le voile sur ce petit milieu un peu glauque du "charity business", toute cette nébuleuse d’associations, de collectifs, d’ONGs, toutes ces pompes à subvention dont on ne sait jamais trop où va l’argent (vacances ? montres de luxe ?), tous ces organismes de charité qui n’existent que par la misère du monde, et dont on ne voit donc pas trop quel est le véritable intérêt à la résorber sous peine de chômage technique... On réclame un peu partout, et beaucoup dans le milieu syndical et associatif, plus de transparence dans les milieux financiers et industriels... Mais où sont-ils, ceux qui réclameraient plus de transparence dans le milieu syndical (quand on pense à l’opacité scandaleuse de la comptabilité syndicale...) et associatif ?